28/08/2008
_Critical theory and science fiction_
Critical theory and science fiction: Carl FREEDMAN : Wesleyan University Press : 2000 : ill photographique de Piotr Uklanski Goya : ISBN-10 0-8195-6399-4 : 206 pages (y compris index mais pas de biblio) : 14 Euros 03 port compris pour un TP.
Cet ouvrage a pour vocation de montrer les parallèles possibles entre la théorie critique (qui pratique le questionnement du monde et de son fonctionnement) et la SF. En effet, ces deux activités intellectuelles sont censées utiliser des outils communs (du type prospectif) et une base de discours critique similaire, faisant logiquement de la SF le genre idéal pour illustrer le premier.
On est là dans la lignée revendiquée de Suvin et de Jameson, c'est à dire d'une analyse à base marxiste qui place la SF, grâce à ses spécifités (novum, cognitive estrangement, appareil critique) comme outil de réflexion privilégié sur la société capitaliste actuelle et ses failles (pauvreté, sexisme, racisme...).
Le livre est organisé en quatre parties :
1- Definitions : comme son nom l'indique, c'est le passage obligé pour définir les deux élements (critical theory et science fiction) qui vont être corrélés. Cette partie est assez courte (20 pages).
2- Articulation : la partie la plus ardue (70 pages) qui montre donc les convergences entres ces deux élements, avec un focus revendiqué sur la critical theory.
3- Excursuses : en lien avec le chapitre précédent, une lecture critique détaillée de cinq oeuvres : Solaris (Lem), The dispossessed (Le Guin), The two of them (Russ), Stars in my pocket like grains of sand (Delany) & The man in the high castle (Dick). Chaque oeuvre donne lieu au développement d'une problématique particulière (Delany = la différence, Russ = le genre...).
4- Coda : une mise au point sur l'état des deux champs étudiés, avec en particulier une mise à mort du Cyberpunk (présenté comme simplement conservateur) remarquable de justesse, de concision et d'efficacité qui donnerait des boutons aux thuréfaires de Gibson et consorts.
La première partie commence fort, et mes connaissances limitées dans le domaine de la théorie littéraire m'ont empéché de gouter à toute l'érudition de Freedman. Pour ce qui concerne la partie SF, on est dans le classique avec à la fois une histoire relativement standard (une n-ième version de l'origine de la SF ici plutôt Poe, Verne ou Wells) et une approche théorique globalement Suvinienne. C'est toutefois correctement structuré et argumenté.
La deuxième partie m'est largement passée au dessus de la tête par manque de bagage mais se laisse lire même si Sartre, Lacan, Lukacs ne me passionnent pas.
Le troisième partie revient clairement dans le champ de la SF et dans une analyse purement marxiste de chaque ouvrage. Elle est donc du coup assez classique pour des non-américains mais certainement assez peu fréquente outre-atlantique. Techniquement, pas grand chose à en dire, particulièrement pour les textes déjà analysés de nombreuses fois (Lem, Le Guin ou Dick) où l'on arrive rapidement aux mêmes conclusions. On pourra regretter le niveau d'emphase qui est parfois (AMHA) un peu élévé, avec une présentation de PKD comme une sorte de dieu littéraire et de Delany comme le meilleur écrivain noir-américain de tous les temps.
Au delà de l'analyse littéraire opérée par Freedman, cette partie est surtout intéressante par sa sélection d'oeuvres étudiées qui, même si c'est hors du champ de ce livre, pose le problème des processus de canonisation à l'oeuvre dans le SF (pour une première approche voir l'excellent receuil d'essais Science fiction, canonization, margionalization, and the academy).
En effet, même si Freedman est parfaitement conscient du processus de formation du canon et des ses écueils, on peut dire qu'il tombe en plein dedans. Sa liste d'auteurs est d'un conformisme à faire peur. On a bien sûr une balance des sexes (soit 2 femmes et 3 hommes) dans les proportions préconisées, on a aussi l'écrivain hors USA/GB (Lem), un noir homosexuel (deux minorités d'un coup), une féministe engagée (deux de plus), une autre un peu moins (en bonus ?) et un auteur maudit génie méconnu.
Ce presque exactement les mêmes auteurs que ceux du Suvin que j'évoquais il y a peu (dans fras) : Positions and presuppositions in science fiction et surtout ce sont les auteurs que l'on retrouve à chaque fois dans toute étude sur le genre écrite par un membre du corps académique.
Sans nier les qualités de ces auteurs et de leurs oeuvres, l'amateur que je suis se pose la question de savoir si ce sont vraiment ces écrivains là qui forment le canon de la SF. Dans les cinq cités, pratiquement le seul dont le fond soit encore publié est PKD (aux USA) pour des raisons certainement liés au fait qu'il soit devenu une source de scénarios de cinéma et/ou un auteur canonique (la parution des ses oeuvres dans la Pleïade USA est symptomatique). Pour les autres, c'est le désert et certains des livres étudiés sont même difficilement trouvables d'une façon standard. Le Delany n'est disponible neuf qu'en version de luxe préfacée (surprise) par Freedman et sa dernière édition en paperback date de 18 ans. Le Russ est dans le même cas avec une seule édition dispo chez Wesleyan (re-surprise). Ces deux livres étaient donc indisponibles lors de l'écriture de cet essai et ne le sont redevenus que dans le cadre de ce qui semble être un joint-venture entre l'auteur et l'éditeur. Sur un plan pratique, on peut donc douter de l'intérêt de l'étude de tels textes.
Sur un plan théorique, je définirais (à mon humble niveau) le vrai canon de la SF comme l'ensemble des oeuvres qui trouvent encore un public malgré leur age et surtout qui touche un public "volontaire", c'est à dire un ensemble de gens qui les lit par choix et non par obligation (comme par exemple des étudiants qui les auraient dans leur cursus). Le canon de la SF, c'est par exemple Cordwainer Smith, Heinlein, Williamson ou Farmer (comme preuve supplémentaire d'une vraie permanence, on notera que ces auteurs sont aussi ressortis en VF).
Du coup, l'analyse de Freedman, même s'il est original dans le choix de deux des textes (le Delany, pour lequel on aurait plutôt attendu Dhalgren et le Russ qui aurait pû être The female man), se base sur une représentation de la SF que je juge fausse et qui ne correspond ni à l'histoire du genre, ni à sa cartographie, ni à sa réalité. C'est une vision de la SF très PC, respectable et propre sur elle qui n'aborde que des thèmes graves, à la mode et pouvant donner lieu à des papiers universitaires (gender studies, feminist theory...). C'est en tout cas bien loin des robots, fusées et autres aliens.
Un ouvrage pour universitaires, avec des vrais morceaux de SF sérieuse et aseptisée (Le Guin ^_^) dedans, mais pas forcément une image fidèle du genre dans ses attraits, ses forces ou ses enjeux.
Note GHOR : 1 étoile
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01/08/2008
_Anne McCaffrey A life with dragons_
_Anne McCaffrey A life with dragons_ : Robin ROBERTS (1957 - ) : University Press of Mississippi : 2007 : ill Rowena : ISBN-13 978-1-57806-998-9 : 243 pages (y compris cahier photographique central -non paginé- et index et biblio des sources utilisées) : 18 Euros 19 port compris pour un HC avec jaquette.
Comme son sous-titre l'indique, cet ouvrage est donc une biographie de Anne McCaffrey. C'est la deuxième après la courte tentative de son fils (_Dragonholder_ -> http://ecx.images-amazon.com/images/I/51ZZAKJT55L._SS500_.jpg , pas lu). L'auteur est un "spécialiste" de McCaffrey et aussi un fan de l'auteur qu'il a longuement interviewée chez elle.
Comme toute bonne biographie et d'une façon logique, ce livre est donc logiquement organisé de façon chronologique en huit
chapitres qui couvrent des péiodes clés de la vie de l'auteur.
1- Le cadre familial
2- L'adolescence
3- Le lycée et le mariage
4- Les débuts d'écrivain et le travail avec Virginia Kidd (son agent)
5- L'émigration en Irlande
6- Les premiers succès (Pern)
7- La réussite
8- Les derniers honneurs
On le voit bien aux titres des chapitres, le choix est clairement fait d'une narration très orientée sur la vie de famille de McCaffrey, bien plus que sur une analyse littéraire de son oeuvre.
Je dois avouer ne pas être un gros fan de McCaffrey, ni même un grand connaisseur de son oeuvre et je dois dire que je sors de cette biographie sans aucun désir de changer cet état de fait. C'est un peu dommage dans la mesure où, pour moi, la biographie peut être un outil pour approfondir un auteur en décryptant/dévoilant certaines influences, mais peut aussi être une raison de s'intéresser à un écrivain peu pratiqué.
On va dire qu'il s'agit d'une biographie bien "gentillette", écrite par un auteur visiblement très fan de son sujet. Ce côté "McCaffrey est une personne superbe, sublime, géniale, généreuse etc..." est certainement le point le plus énervant soulevé par un tel ouvrage. S'il parait normal de choisir d'écrire une biblio sur son auteur favori et non sur celui que l'on déteste le plus, il est important de garder une certaine distance avec le sujet, comme le font (par exemple) Phillips ou White.
Ici, on est plutôt dans le mielleux et la guimauve où mêmes les conflits sont minorés (AMHA on ne part pas s'exiler en Irlande à la quarantaine pour rien) et où McCaffrey écrase de sa majesté tout le livre.
Du coup, on a par moment l'impression que des bouts de l'histoire sont passés sous silence et cela peut rendre sceptique sur l'exactitude ou la complétude des évènements relatés.
Autre point négatif, la très faible profondeur de l'analyse des textes de McCaffrey. Il est vrai que McCaffrey n'a jamais écrit (AMHA, oeuf corse) de chef d'oeuvre et que sa place dans le panthéon de la SF est plus dûe à une influence sur les primo-accédants à la SF qu'à une participation active à l'évolution du genre. Ceci peut expliquer un certain manque de "matière" à analyse, on pourrait ausss penser que cette analyse éventuelle s'est trouvée déportée dans l'autre livre de Roberts qui est indiscutablement plus littéraire.
Cette analyse purement superficielle est montrée, par exemple, par le fait qu'il nous est répété à longueur de page que certains romans comportent des éléments biographiques fondateurs mais ceux-ci ne sont, le plus souvent, que des lieux communs (mort des proches, maladies, divorce...). Roberts pare aussi souvent McCaffrey des lauriers de combattante du féminisme, chose qui, dans sa démonstration, se borne au fait d'avoir utilisé des héroines féminines. AMHA un peu léger et pas forcément partagé par les personnes impliquées dans ce combat.
A la base, ce type d'ouvrage est intéressant dans la mesure où il peut livrer des clés pour l'interprétation des écrits de l'auteur en utilisant le prisme de la vie personnelle de cette dernière. Hors, ici ces éléments sont soit occultés, soit tellement génériques (ou trop détaillés) que la lecture de la biographie ne permet pas d'éclairer la lecture des textes fictifs produits. L'ouvrage ne sert donc pas à grand chose si ce n'est à raconter une belle histoire d'écrivain(e) qui devient riche et reconnue à la fin, mais en tout cas pas à comprendre pourquoi elle le devient.
Juste une dernière pique : on peut se demander comment une université peut cautionner et publier un tel livre. Non pas qu'il soit mauvais mais juste qu'il est au final assez vide pour qui veut aller plus loin qu'une suite de détails anecdotiques sur le nombre de salles de bain de la maison de McCaffrey.
A réserver aux fans de l'auteur et aux lecteurs de Gala (qui sauront tout de la liaison entre McCaffrey et d'Asimov ou de celle de Kidd et Elwood).
Note GHOR : 1 étoile
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