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04/09/2009

_Critical terms for science fiction and fantasy_

Critical terms for science fiction and fantasy : Gary K. WOLFE : Greenwood Press : 1986 : ISBN-10 0-313-22981-3 : 1xxxvi + 62 pages (y compris index des auteurs cités) : coûtait 35USD à l'époque pour un HC (sans jaquette), très cher ou pas facile à trouver comme d'habitude pour cet éditeur.

Critical terms for science fiction & fantasy.jpg

Ce livre est donc, comme son titre l'annonce, un dictionnaire des termes critiques utilisés pour l'étude et la discussion de la Science Fiction et la Fantasy. Il est écrit par Gary K. Wolfe, un des chroniqueurs habituels de la revue Locus et un fin connaisseur du genre qui, au fil des ses critiques de textes de fiction a pu bâtir une théorie complète du genre en développant en particulier l'imagerie qui lui est associée dans son ouvrage majeur The know and the unknown.

The known and the unknown.jpg

L'ouvrage débute par une courte préface et une longue (trente pages) introduction qui est en fait une histoire de la pensée théorique et critique autour du genre. La partie principale est donc un dictionnaire où chaque terme employé dans l'étude du genre est expliqué. Les définitions sont de longueur variable, allant de deux lignes (KUNSTSAGE : un terme utilisé par les Romantiques allemands pour des histoires imitant les légendes) à plusieurs pages (bien évidemment SCIENCE FICTION). Les évolutions (fréquentes) au fil du temps du sens des mots sont décrites et un système de renvoi permet de trouver dans quel(s) ouvrage(s) tel ou tel terme particulier est utilisé. Une liste des ouvrages utilisés sert de bibliographie et un index des auteurs des citations offre un autre système de recherche que l'alphabétique.

Soundings Reviews 1992-1996.jpg

Cette courageuse tentative pour essayer d'unifier le vocabulaire employé par l'ensemble des commentateurs du genre sera bien sûr un échec comme d'autres initiatives dans ce sens (on pensera aux divisions de la Fantasy proposées par Clute & Grant dans leur encyclopédie). Il n'y a qu'à voir combien il existe de définitions de la SF parfois difficilement conciliables pour arriver à la conclusion que la définition de SCIENCE FANTASY par Wolfe lui est propre et ne recouvrira pas la même chose sous la plume d'un autre auteur. Cet ouvrage n'est donc pas un dictionnaire indiscutable et indiscuté mais un outil permettant de tenter de deviner le sens de certains écrits sur le genre qui emploient un vocabulaire parois obscur ou spécifique.

The encyclopedia of fantasy.jpg

Cette plongée dans l'imagination sans limite des commentateurs ou analystes du genre est donc finalement un peu vaine puisque chacun met des sens différents sur des mots identiques. A part l'amusement de la découverte de sous-genres nouveaux comme FREE FANTASY (C. S. Lewis) ou MEDIEVAL FUTURISM (John Carnell), c'est un livre à réserver aux amateurs de taxinomie ou aux spécialistes de l'histoire de l'étude du genre.

 

Note GHOR : 1 étoile

Commentaires

Comme toujours, vous avez l'art et la manière de rendre séduisant le plus rébarbatif des pensum académiques. Néanmoins, je ne partage pas votre conclusion quant au côté "vain" de l'exercice.


Bien sûr, il est toujours frustrant de voir qu'un terme employé chez tel auteur, sera repris chez un autre avec un sens parfois très différent. Cette plasticité des concepts oblige donc le lecteur à reconstituer mentalement l'histoire de chaque terme et les définitions successives ou parallèles qu'il s'est vu attribuer.
Tous les lecteurs de sciences humaines et de philosophie connaissent bien cette frustration et la dépense de temps que nécessite la "recontextualisation" de chaque auteur. Et malheureusement pour nous, le flou du langage, loin de se borner aux grands concepts tirés du langage courant ("conscience", "passion","civilisation"), gagne également jusqu'aux néologismes les plus obscurs et confidentiels ("mythistoire", "interactionnisme") ...


On pourrait s'en chagriner et pester contre la pénible propension qu'ont les auteurs à inventer du sens jusqu'à l'absurde.
On peut aussi voir le côté positif de cette inflation conceptuelle. Un dictionnaire récent (le Vocabulaire européen des philosophies) se proposait même de pousser le luxe jusqu'à mettre en parallèle les nombreux glissements de sens d'une langue à l'autre artificiellement masqués par les traductions (avec mind, entend-on la même chose qu’avec Geist ou qu’avec esprit ? Pravda, est-ce justice ou vérité ? Et que se passe-t-il quand on rend mimêsis par imitation ?).


D'une certaine manière, si on pousse l'analogie, toute discipline universitaire se construit dans la profusion et la compétition de ses "langues" portées par des auteurs, des courants, des écoles rivales.
Ainsi, quand j'ouvre deux dictionnaires de sociologie, il n'est pas très difficile de voir si l'un penche pour le holisme méthodologique d'inspiration bourdieusienne et l'autre pour l'individualisme méthodologique à la Boudon.
Cette diversité n'est pas gênante, pourvu qu'on sache où on met les pieds. Elle est même stimulante car elle nous empêche de nous reposer sur une vision univoque et instrumentale des choses.


C'est là, peut-être (?), que se situe notre divergence principale d'appréciation. Et je préciserais même "d'usage"...Car il est bien évident qu'un praticien du genre, un technicien ou un amateur éclairé ne se feront pas la même idée de ce que ce genre d'outil peut ou non apporter.
Un dictionnaire est la plupart du temps considéré sous sa dimension instrumentale : outil de vérification ponctuelle et de normalisation terminologique au sein d'une communauté. Les disciplines naissantes (socio-histoire) ou transdisciplinaires (sciences de l'information) produisent souvent de tels outils dans le but de normaliser leurs échanges et s'assurer une visibilité encore limitée. Mais il faut bien constater qu'en vérité, beaucoup de dictionnaires spécialisés offrent surtout le point de vue dominant d'un groupe sur les autres (ainsi le "dictionnaire de la Nouvelle histoire" en 1978 témoignait surtout de l'hégémonie de l'école des Annales sur la science historique), ou a contrario se font les miroirs d'une résistance à la tendance du moment (je pourrais passer des heures à vous parler des dictionnaires de géographie...).


Il existe donc un usage autre du dictionnaire. Non plus seulement la vérification ponctuelle ou la normalisation collective, mais la manifestation d'une pensée en mouvement, étrangère à l'idée de "figer" un savoir une bonne fois pour toute.
Que nous dit alors le dictionnaire de Wolfe ? Il témoigne d'un instant "T" des SF Studies où ces dernières, contrairement à ce qu'affirmait Bozzetto, ont développé des traditions et des méthodologies critiques fortement sructurées et contrastées (des freudo-marxistes aux féministes, des post-modernistes aux queer studies, et j'en passe).
23 ans plus tard, il est certain qu'une réédition de l'ouvrage apporterait de nombreux changements au texte originel. Et nul doute que dans 23 ans il faille de nouveau le réécrire.
Finalement, loin d'être frustrant, ce genre d'instrument nous rappelle que la critique est une matière vivante, faite de contradictions, de controverses et de revirements. À l'image de la vie elle-même.


Je laisse le mot de la fin à Bozzetto qui n'est pas dénué ici de bon sens : "La critique produit un discours sur les œuvres : selon les cas, il est jouissif, normatif, explicatif, évaluatif, etc. ; il dessine l'horizon d'attente, des spectateurs/lecteurs, etc., et marque les limites des capacités d'accueil de la société à un moment donné, pour une œuvre donnée. Car un genre littéraire n'est pas un simple amas d'œuvres. Il naît, à un moment historiquement déterminé, d'une rencontre entre des œuvres, un public en proie à une vague et imprécise attente, une configuration éditoriale, ET UN SUPPORT CRITIQUE. Pour la clarification de cette attente plus ou moins fantasmatique, l'intuition sur la capacité de réponse fournie par telle œuvre, tel type de récit, telle constitution en genre, la critique a son mot à dire. On ne peut la séparer de la production des œuvres et de leur impact."

Écrit par : Askaris | 05/09/2009

J'ajoute qu'un Wolfe à la française ne serait pas de trop. Je suis en train de relire Richard de Saint-Gelais dont l'écriture lumineuse tranche par sa clarté si on le compare à ses compatriotes (Suvin,Bouchard,Gouanvic,Langlet).
J'apprécie tout particulièrement son dernier chapitre sur Star Trek et l'activité créatrice des fans qu'il désigne du beau nom de "transfictionnalité". Or combien d'amateurs de SF en France utilisent ce terme dans ce sens ? Les "transgressives fictions" de Berthelot devenues "transfictions" ne lui ont pas laissé le loisir de s'installer dans notre patrimoine conceptuel (contrairemnt à la fameuse "xénoencyclopédie"). C'est bien dommage car le concept développé sous l'étiquette de "transfictionnalité" est éminemment préférable à tous les dérivés anglo-saxons de cross- (crossgenre, crossover...).
Exemple parmi bien d'autres qui nous rappelle que les idées qui ne s'incarnent pas dans un mot évocateur(comme la fameuse "différAnce" de Derrida) sont parfois bien démunies face au passage du temps.

Écrit par : Askaris | 06/09/2009

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