28/10/2009
_Microworlds _
Microworlds : Stanislaw LEM : 1986 (reprise d'un HC paru en 1984) : Harcourt Brace Jovanovich : ISBN-10 0-15-659443-9 : 285 pages (y compris bibliographie de Lem, pas d'index) : coûtait 6 USD pour un TP, se trouve d'occase aisément.
Cet ouvrage est donc la réédition en format plus accessible d'un ouvrage initialement paru en 1984 en format relié chez le même éditeur, celui qui publiait la SF de Lem aux USA. Stanislaw (Stanislas en VF) est le principal auteur de SF polonais et en tout cas le seul qui ait une renommée qui dépasse les frontières de son pays. A la fois auteur (assez à la mode dans les milieux académiques dans les années 80) et théoricien du genre, il reste actuellement plutôt inconnu de la majorité des amateurs du genre.
Ce livre est un recueil de textes datant des années 70 (sauf trois plus récents) lorsque Lem, principalement grâce aux efforts de son traducteur et agent Franz Rottensteiner, a percé sur la scène de la SF mondiale (lire US). Il contient dix essais de longueur variable (du moins de dix à soixante pages) qui ont pour particularité d'être traduits en anglais à partir de diverses langues (il s'agit donc parfois de traductions de traductions). Parus généralement dans la revue Science Fiction Studies, ces textes comportent un segment autobiographique, diverses considérations sur la SF, des articles thématiques (la cosmologie dans la SF, les récits de voyages dans le temps) ou se concentrent sur des textes (Stalker) ou des auteurs précis (Dick, Borges). Une bibliographie des écrits de Lem sur le genre se situe en fin d'ouvrage, lequel ne comporte pas d'index.
Les amateurs d'histoire de la SF savent que Lem a un lourd contentieux avec le genre ou du moins avec les pratiquants américains de celui-ci (voir "The Lem affair" sur le net). La lecture de ce livre, délibérément polémique (aux dires de Lem) mais au final plutôt simplement puant, permettra d'en comprendre les raisons. Il commence assez fort, par une autobiographie dont la modestie ferait paraître Asimov comme un modèle de retenue. On y apprend incidemment que le QI de Lem est de 180 et qu'il est, semble t-il, l'enfant le plus intelligent de tout le sud de la Pologne. Héros de la Résistance, homme de lettres, homme de science, se comparant à Einstein, des esprits chagrins pourrait trouver le choix de carrière d'écrivain de SF un peu surprenant de la part d'un homme aussi doué.
Les deux textes suivants (les plus longs du recueil) sont une attaque au vitriol de la SF (américaine, les britanniques n'étant, dans une optique assez typique du bloc communiste, que de simples supplétifs des Yankees). Pour faire court, les écrivains de SF sont des prostituées, le genre une maison close à la solde d'éditeurs-souteneurs (il s'agit là exactement des mots de Lem qui semble manifester un certaine obsession pour la chose péripatéticienne), les lecteurs une bande de débiles et les fans ou les commentateurs du genre (Blish, Knight) un troupeau d'idiots qui singent les protocoles de la grande littérature. Heureusement qu'il y a la sainte trinité formée de Dick, Borges et les Strougatsky qui est la seule à pouvoir nous extraire de notre fange. On pourra donc comprendre aisément qu'un tel discours, qui franchit allègrement les bornes de la correction, ait pu provoquer une certaine ire au sein de la SFWA qui expulsera d'ailleurs Lem de ses rangs.
Sur le fond, les reproches de Lem ne sont ni dénués d'une certaine réalité, ni très originaux (voir par exemple Malzberg ou même Knight pour la croisade anti Van Vogt) mais la manière est particulièrement (délibérément ?) insultante pour l'ensemble des acteurs du genre (chacun est vilipendé à son tour), une attitude qui ne favorise guère le débat. La première idée qui vient à la lecture est d'ailleurs de penser qu'un personnage qui a su se tailler une si belle place au sein du monde officiel des lettres d'une dictature communiste est sûrement un expert es putasseries et compromissions. De plus, l'argumentaire de Lem sur les turpitudes de la SF US est parfois un peu léger et donne l'impression d'être plus une déduction de seconde main que le résultat d'une connaissance réelle. Il est par exemple assez surprenant de voir Dick et Van Vogt comparés à longueur de pages (le second étant bien sûr le plus mauvais des deux) sans que le bête fait que leurs oeuvres aient des décennies d'écart ne soit mentionné. On passera aussi sur le couplet laudatif obligatoire relatif aux Strougatsky écrivains d'un pays frère.
Au final un livre que sa stridence dessert et qui n'améliorera pas l'image de Lem désormais plus attachée à un film où on voit les fesses de George Clooney qu'à ses oeuvres littéraires. Une remarque peu élégante de ma part mais bien du niveau de cet ouvrage.
Note GHOR : 0 étoile
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