25/05/2010
_La bibliothèque idéale FNAC_
La bibliothèque idéale FNAC : Karim BERROUKA ? (il est indiqué comme rédacteur) : 2010 : FNAC : ISBN-13 978-2-7431-0119-0 : 270 pages (y compris index) : coûte 3.90 Euros pour un TP largement illustré en couleurs, disponible dans toutes les FNAC (et sûrement sur leur site).
Cet ouvrage est d'un type classique dont il existe de multiples déclinaisons, à savoir une sorte de best-of du (ou des) genre(s) qui a pour objectif de proposer des pistes de lectures en établissant une sélection de textes. L'originalité de celui-ci (qui regroupe les trois branches de l'imaginaire - SF, Fantasy, Fantastique) est d'être publié par une chaîne de librairie majeure et d'avoir été réalisé (d'après les informations qui circulent) en collaboration étroite (et payante) avec certains éditeurs.
En matière de structure, on a aussi affaire à un canevas assez standard. Après une introduction, un mode d'emploi, un glossaire des sous-genres, ce guide est constitué de 222 fiches (une page) consacrées chacune à un ouvrage (ou par extension à un cycle via souvent son premier tome). Classées par ordre alphabétique de titre, chaque entrée comprend l'indication du sous-genre de l'ouvrage considéré, une grande reproduction de sa couverture, un résumé de l'intrigue (une quinzaine de courtes lignes), une évaluation critique ainsi que diverses autres informations (une autre oeuvre de l'auteur, un titre d'un autre écrivain thématiquement proche, etc.). Au milieu de cela s'intercalent quelques biographies d'auteurs majeurs (Asimov, Dick, Gaiman, Pratchett) et des focus sur certains sous-genres (Uchronie, Bit-Lit) en deux pages. On trouve enfin quelques portraits d'éditeurs (des small press) et plusieurs index (par titre, par auteur, par genre).
Sur le plan de la présentation, il n'y pas grand chose à reprocher à l'ouvrage, la maquette est aérée, les reproductions de couvertures et les photos (en couleurs et parfois pleine page) sont de bonne qualité sur un papier suffisamment épais. Seul la tenue dans le temps du revêtement métallisé de la couverture peut susciter quelques craintes tellement il semble se décoller au premier frottement.
Le contenu est particulièrement pauvre puisque l'essentiel des entrées est constitué d'un résumé de l'intrigue, les seules prises de position critiques étant généralement limitées à une dernière phrase du type "C'est trop génial". On regrettera aussi l'absence de toute information bibliographique pour les titres sélectionnés (collection, nombre de pages, illustrateur -même si le traducteur est donné) voire en fait l'absence de toute information tout court comme tout bêtement l'année de parution ou le fait que tel livre est en fait un recueil (on n'ira pas jusqu'au concept de fix-up visiblement trop ésotérique). Tant qu'à faire, on pourrait aisément se passer des pages de publicité finales, souhaiter un alignement des sous-genres des ouvrages présentés avec ceux évoqués au début (dans la pratique on a toutes les combinaisons possibles : Fantastique - Dejanté, SF - Antimilitarisme, Fantasy - Mythique, SF - Voyages temporels, etc.) et voir corriger les quelques coquilles qui restent (comme un joli Harry Seldon, le copain de Salli).
Le plus intéressant dans ce type d'ouvrage est bien sûr de disséquer la sélection proposée puisqu'elle est présentée comme constituée d'indispensables. En ce qui me concerne (donc plus spécifiquement sur la partie SF) on peut discerner plusieurs influences. La première est celle de l'inclusion de textes aux marges du genre mais qui bénéficient d'une aura de respectabilité littéraire suffisante (Vonnegut, Huxley, Orwell, Vercors, McCarthy) ou d'une ancienneté qui les met à l'abri de toute critique (Shelley, Stoker, Maupassant, London). La deuxième est la présence en masse d'une petite clique d'auteurs français faisant partie d'un petit microcosme branché. Si l'on s'en tient aux stricts chiffres bruts, on découvre par exemple que Beauverger, Day, Dufour, Dumay, Gaborit (avec chacun 2 livres sur 222) sont des auteurs véritablement indispensables (il n'y en a que trois ou quatre -Asimov, Dick, Pratchett- qui le sont encore plus), loin devant des auteurs aussi insignifiants que Silverberg, Van Vogt, Reynolds, Egan ou Baxter qui n'on droit qu'à un seul livre sélectionné chacun.
Mais en fait, l'influence majeure qui a présidé à la constitution de cette liste est bien évidemment la participation financière demandée aux éditeurs dans le plus pur esprit de la grande distribution. Ce système d'achat d'espace (déjà pratiqué dans les catalogues saisonniers) type "marge arrière" montre bien, pour ceux qui en doutait encore, que la FNAC conseille ses livres comme Auchan ses boîtes de conserves, en fonction du fournisseur qui paie le plus. Ceci explique par exemple la très surprenante absence complète de titres A&D (sur quand même 222, je le rappelle) et la surreprésentation de l'ensemble Bragelonne/Milady dont la visibilité est sans commune mesure avec la qualité des productions. Par exemple, un livre comme le Travis (La cité de perle) est un ouvrage parfaitement honnête et même plutôt bon mais il n'y a strictement aucune raison objective autre qu'un désir de promotion pour qu'il figure dans la petite centaine des ouvrages de SF indispensables. On pourrait multiplier à l'envi ce type d'exemple tant cette sélection (particulièrement en Fantasy, mais aussi en SF avec David Gunn) ne repose sur rien d'autre que les stratégies marketing des éditeurs.
Au final un ouvrage simplement pathétique réalisé par des "libraires" dotés d'une "grande expertise" et "passion" (je cite). Heureusement qu'ils restent anonymes (on ne connaît que leurs prénoms et leur FNAC d'attache), parce que, en ce qui me concerne, j'aurais un peu honte d'être associé à un tel ouvrage qui tient plus du prospectus d'hypermarché qui encombre nos boîtes à lettres que de l'ouvrage de référence. Oser participer à la rédaction d'un guide qui conseille comme livre indispensable la novellisation de la BD Le donjon de Naheulbeuk indique bien le niveau de conseil et de compétence que l'on peut attendre de cette enseigne. La seule brillante réussite de cet ouvrage est d'être un possible cas d'école pour montrer que l'on peut faire payer sa publicité non seulement par ses fournisseurs (ça c'est classique) mais aussi par ses clients. Là, je dis "Bravo la FNAC".
Note GHOR : 0 étoile
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