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25/09/2009

_The jewel-hinged jaw : Notes on the language of science fiction_

The jewel-hinged jaw : Notes on the language of science fiction : Samuel R. DELANY : Wesleyan University Press : 2009 : ISBN-13 978-0-8195-6883-0 : 254 pages (y compris index) : plus d'une vingtaine d'Euros pour un TP, disponible chez l'éditeur (http://www.upne.com/0-8195-6883-X.html).

The jewel-hinged jaw.jpg

Samuel R. Delany est un de ces auteurs/critiques qui sont un peu une spécialité du genre (on pensera à Blish, Knight ou plus récemment à Broderick). Il est donc aussi connu pour ses écrits de fiction (Nova, Babel 17) que pour ses positions théoriques sur le genre, parfois féroces mais empreintes d'une passion pour celui-ci sans être jamais complaisantes. Cet ouvrage est globalement la reprise d'un recueil d'essais de l'auteur initialement paru en 1978. Pour cette parution et par rapport à l'édition originale, on notera que le contenu de l'ouvrage n'est pas le même, que certains textes ont été révisés et que l'ordre des essais a été modifié.

Babel 17 (Sphere 1969).jpg

Cette version contient donc une dizaine de textes de longueur très variable (de moins de dix à soixante pages) qui datent des années 65-75. Comme souvent chez Delany, les thématiques abordées sont multiples (le féminisme, la définition et la réception de la SF, les protocoles de lecture du genre) et les essais ont parfois tendance à partir dans de multiples directions, alimentés par de nombreuses expériences personnelles. Malgré tout, un certains nombres de textes se concentrent sur des oeuvres précises (la série Alyx de Russ ou une longue lecture de The dispossessed de Le Guin) ou certains auteurs particulièrement appréciés par Delany (Disch et Zelazny). En annexe on remarquera le seul texte récent (2003) qui est une sorte d'analyse de la société américaine des années 50 sous l'angle des discriminations (raciales ou sexuelles). Un index thématique complète cet ouvrage.

The genocides (Panther 1968).jpg

A la lecture de ces textes qui ont plus de trente ans, on est frappé de la qualité de l'analyse de Delany et surtout de son actualité. A l'époque il explorait déjà la problématique des protocoles de lecture propres au genre (dans le très connu essai About 5,750 words) et s'interrogeait déjà sur la signification de la propension de la SF à générer des cycles. Même s'il est clairement ancré dans un paysage SF de son époque, les réflexions de l'auteur sont toujours pertinentes de nos jours. Ses analyses de textes précis sont assez pénétrantes malgré un choix d'oeuvres plutôt convenues (Le Guin, Russ, Disch) et font regretter qu'il ne se soit pas plus souvent livré à cet exercice.

Nova (LDP 1988).jpg

On regrettera que le très intelligent Delany ait les défauts de ses qualités, à savoir un discours parfois complexe et qui peine à se maintenir sur une seule ligne directrice avec des changements assez abrupts au sein d'un même essai. Un défaut récurrent, y compris dans le seul texte récent (celui sur les années 50) dont l'inclusion, malgré son intérêt général, dans l'ouvrage n'obéit à aucune logique évidente. La lecture de l'ensemble n'est d'ailleurs guère facilitée par une présentation peu aérée qui oblige à une lecture appliquée. Ce recueil ressemble des pièces indispensables pour qui veut connaître l'histoire de la réflexion sur le genre même si le contexte éditorial (tel que décrit dans Letter to a critic) a nettement changé.

 

Note GHOR : 2 étoiles

Commentaires

Bonjour,

Vous lire est un plaisir toujours renouvelé. Comme je l'ai évoqué dans d'autres commentaires, je suis très intéressé par la généalogie intellectuelle de certains concepts voisins (distincts mais apparentés) comme :

* la "willing suspension of disbelief"/
* le "sens of wonder"/
* la "mythopoeïtic subcreation"/
* la "mécanique du novum"/
* l' "encyclopédie" /
* la "xeno-encyclopédie"/
* l'"esthétique de la réception"/
* la "compétence générique"/
* les "communautés interprétatives" /
* et certaines "intertextualités" ou "intermédialités" qui témoignent de l'appropriation collective d'une lecture ( "polytextualités"/ "transfictionnalités")

Je n'ai pas de mal à dater certains de ces concepts (la "mythopoeïa" de Tolkien, l'"encyclopédie" d'Eco), mais j'avoue mon impuissance à relier les concepts spécifiques aux SF Studies avec ceux provenant de la narratologie, des sciences de l'information ou de la sémiologie.

Je n'ai pas eu de difficultés à remonter de proche en proche la filiation qui va de Langlet à Suvin et Delany, mais je suis bien en peine de remonter plus haut et de les rattacher aux grands ancêtres de la critique SFF (Tolkien /Moskowitz voire Coleridge) ou d'autres disciplines (Jauss/Iser/Kristeva voire Bakhtine).

Ce genre de questionnement peut sembler byzantin, mais j'aime faire l'archéologie d'un concept et comprendre d'où il vient et quelles nuances chaque auteur, chaque discipline lui a imprimé.

Les idées sont vagabondes, nomades, irréductibles à tout enfermement disciplinaire. J'aime à penser que la situation marginale des SF Studies est en soi une chance. Comme les autres "cultural studies", cette jeune (inter-)discipline s'est constituée dans un joyeux pillage transdisciplinaire, indifférente aux chasses gardées et prés carrés étroits de l'Académie. Delany, à cet égard, est l'incarnation de cette pensée dynamique et peu soucieuse des frontières...

PS: si vous aviez des lumières sur les influences de Delany concernant les "protocoles de lecture", je suis preneur.

Écrit par : Askaris | 26/09/2009

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