28/12/2015
_Monsters, Mushroom Clouds, and the Cold War_
Monsters, Mushroom Clouds, and the Cold War : American Science Fiction and the Roots of Postmodernism, 1946-1964 : M. Keith BOOKER : 2001 : Greenwood Press (série Contributions to the Study of Science Fiction and Fantasy #95) : ISBN-10 0-313-31873-5 (la fiche ISFDB du titre) : 196 pages (y compris bibliographie et index) : coûtait une soixantaine d'USD pour un hc non illustré sans jaquette.
Cet ouvrage est une relative rareté dans le domaine de l'étude du genre dans le monde anglo-saxon. En effet, il s'agit, comme l'indique bien Booker (presseur d'anglais dans une université US et auteur de nombreux livres sur le genre) dans son introduction, d'une lecture politique des textes de la période et du lieu choisis (ici la science fiction américaine tous médias confondus des années 50, c'est à dire en pratique celle produite entre 1946 et 1964, les long 50s comme les désigne l'auteur). C'est dans cette période, sans doute un peu oppressante pour les citoyens américains, que certains acteurs de SF ont utilisé le genre comme moyen de critiquer discrètement (la SF étant vue comme négligeable) mais efficacement les orientations politiques de leur pays. A contrario, une autre frange du genre l'a utilisé pour renforcer les messages de l'establishment (ou du gouvernement ou du complexe militaro-industriel).
Après une longue introduction qui précise la démarche et les buts de l'auteur, l'ouvrage est divisé en quatre chapitres conséquents : 1) les romans de SF comme critique sociale, 2) les romans et films post-apocalyptiques, 3) les films d'exploration spatiale et d'invasions extraterrestres et 4) les films de monstres. Quelques pages de notes, une bibliographie des oeuvres citées et un index clôturent l'ouvrage.
La lecture de ce livre est fort rafraîchissante (pour un européen) car elle met en perspective de façon claire les enjeux politiques qui se cachent toujours (bien évidemment à des degrés divers) derrière les oeuvres de fiction. Et la SF des années 50 (surtout du côté cinématographique) est une telle mine de caricatures diverses et variées (la SF écrite étant visiblement plus critique) que les flèches décochées par Booker font mouche et provoquent un amusement certain. Cette ironie permanente (même si elle est mâtinée d'une certaine tendresse) est une des forces d'un livre qui témoigne aussi d'une grande connaissance du genre de la part de Booker.
Même si les séquences de Heinlein Bashing (sur The Puppet Masters) ou de Gunn Trashing (pour ses écrits sur Asimov) sont particulièrement jouissives, il serait erroné de réduire le livre à une série de tirs aux pigeons sur des cibles faciles (par exemple les films de monstres avec leur bestiaire géant). Booker montre bien l'éventail des positions au sein du genre (de la résistance à la collaboration avec l'orthodoxie ambiante) et la façon dont les messages étaient passés. Il montre aussi comment le postmodernisme fort à la mode actuellement était déjà en germe dans les années 50. Un livre finalement assez court (à peine 160 pages de texte) mais particulièrement dense et passionnant à lire.
Note GHOR : 3 étoiles
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