04/02/2021
_Cyberpunk_
Cyberpunk : Histoire(s) d'un futur imminent : Stéphanie CHAPTAL & Jean ZEID & Sylvain Nawrocki : 2020 : Ynnis Editions : ISBN-13 978-2-37697-189-4 : 208 pages (y compris bibliographie "sélective" et index) : coûte 29.90 Euros pour un grand tp au format carré largement illustré en couleurs, disponible chez l'éditeur.
Ah, le Cyperpunk ! Comme le Steampunk, ce sous-genre éphémère a toujours eu la grosse cote auprès des amateurs francophones au point même que l'on a pu parfois penser que, pour certains, la SF n'a été à un moment donné constituée que de textes d'inspiration CP. Sans doute est-ce là l'expression de l'inconfort fondamental de la culture française vis-à-vis de ce pur produit US qu'est la Science Fiction.
C'est donc à une promenade dans cette sous-section de la SF que nous convient les trois auteurs (inconnus) de cet ouvrage qui joue clairement dans la catégorie des "beaux livres". Pour toucher un large public, la structure de l'ouvrage est parfaitement claire avec une division en sept parties de taille variable (la partie littérature étant la plus fournie, la partie musique la moins riche) : les origines du Cyberpunk (qui sont essentiellement littéraires), le CP à l'écrit (y compris en BD/mangas/Comics), le CP à la télévision, le CP au cinéma, le CP dans le jeu (surtout vidéo), le CP dans la musique et enfin une conclusion sur le futur du CP. Le tout est très richement illustré (mais pauvrement légendé) et propose un nombre significatif d'interviews de divers acteurs. Un index (trop léger pour être exploitable) et une bibliographie "sélective" (c'est à dire réduite à une petite dizaine de références) complètent l'ensemble.
Le résultat est sans doute conforme au cahier des charges que l'on peut supposer avoir été celui des auteurs : présenter le Cyberpunk dans ses multiples expressions et montrer visuellement sa présence indiscutable dans la culture geek actuelle. C'est parfaitement flashy, d'une mise en page sans doute branchée (la lisibilité est un autre problème), très largement illustré (mais comme d'habitude dans l'édition française sans aucun détail) et assez facile à lire. J'avoue que j'ai quand même eu un gros instant de doute dès les premières pages quand j'ai lu que Van Vogt écrivait de la Hard Science et que Flow My tears de PKD était la suite de Blade Runner. Heureusement, l'ensemble s'est ensuite révélé d'une facture beaucoup plus sérieuse avec des recherches un peu plus approfondies même si quelques membres du "club" CP ont été un peu laissés de côté (on pensera à Pat Cadigan ou à Wilhelmina Baird).
Conceptuellement, il y a deux problèmes avec les positions de cet ouvrage. Tout d'abord, et comme de nombreux interviewés le soulignent, le Cyberpunk est une branche de la SF qui est morte depuis longtemps en tant que mouvement autonome et structuré. Il est donc assez trompeur de vouloir en dresser une chronologie qui s'étend jusqu'en 2020. Comme d'autres mouvements/clubs/courants/sous-genres avant et après lui (de la New Wave à la climato-fiction en passant par le Steampunk ou les mouvements féministes), les spécificités de ce mouvement (ses thématiques, son "ton", ses techniques narratives voire même ses stéréotypes) ont fini par être intégrées dans le discours "général" de la SF et ne sont plus au mieux qu'un des "modes" du genre (et au pire une étiquette commerciale). Du coup, et face à un mouvement défunt, la tentation est parfois de coller systématiquement l'étiquette CP sur tout ce qui passe et qui comporte un ordinateur (ou des bas-fonds). C'est ce choix de "ratisser large" qui a été visiblement fait par les auteurs. Pour eux, un texte CP doit : 1) être situé dans le futur, 2) contenir des ordinateurs et/ou des robots et 3) explorer la thématique d'un monde inégalitaire (souvent suivant l'axe Riches vs. Pauvres). Ces critères particulièrement généraux expliquent comment une large partie de la SF se trouve rattachée au CP par les auteurs. C'est aussi la raison pour laquelle on peut trouver dans cet ouvrage des essais aussi incongrus que ceux sur John Scalzi, Red Dwarf ou Une créature de rêve qui sont respectivement présentés comme un auteur CP, une série télévisée "d'inspiration" CP et un film CP. Au final un ensemble plutôt intéressant et pas mal exécuté (même si un peu fouillis) mais qui donne parfois l'impression dans son désir d'annexer la majorité du genre que la grenouille Cyberpunk a voulu se faire aussi grosse que le bœuf Science Fiction.
Note GHOR : 2 étoiles
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