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04/11/2008

_Galactic suburbia : Recovering women's science fiction_

Galactic suburbia : Recovering women's science fiction : Lisa YASZEK (1969- ) : Ohio State University Press : 2008 : ISBN-13 978-0-8142-5164-5 : 234 pages (y compris index et biblio) : 16 Euros 44 pour un TP.

 

Galactic suburbia.jpg

 

 

Cet ouvrage fait partie de la (très) longue liste de livres traitant des rapports entre les femmes et la SF.

Il s'intéresse ici aux femmes écrivains (et non lectrices par exemple) et aux écrits qu'elles ont pu produire et publier durant la période 1945-1965, soit la période située entre la fin de la 2GM et la pleine action du women's lib. Les recherches de Yaszek montrent que les femmes auteurs de SF ont, pendant cette période, utilisé une sorte de décor/ensemble de thématiques commun qu'elle nomme "Galactic suburbia", c'est à dire une version du futur des USA (et en leur sein de la place des femmes) concentrée sur la sphère domestique.

Ce cliché de "La femme américaine du futur au fourneaux" a été clairement le fruit d'une nette volonté de la société US et de ses dirigeants (masculins) de renvoyer les femmes dans leur foyers après les avoir utilisées comme main d'oeuvre durant la guerre (la fameuse "Susie la riveteuse"). Malgré tout, l'usage de ce cadre a permis aux auteur(e)s de subvertir, au sein d'un genre accueillant (le seul peut-être permettant une telle liberté), l'idéologie patriarcale ambiante en ouvrant la voie à un féminisme naissant et de préparer la place de la femme dans l'imagerie du futur.

Cet ouvrage est organisé en 4 chapitres :

1- "Writers" : qui place les auteurs féminins dans le cadre plus large de la SF de l'époque et explique leur positionnement et leurs stratégies dans l'espace propre au genre et extérieur à celui-ci.

2- "Homemakers" est un peu le coeur du livre qui montre comment ces écrivains ont utilisé la SF pour émettre un commentaire sur l'état de la
société US et constater le recul de la place des femmes sous la poussée conjuguée des demandes de la guerre froide et de la consommation.

3- "Activists" montre comment les femmes ont utilisé l'espace qui leur était dévolu (le foyer, la famille et les enfants) pour participer d'une façon importante aux avancées civiques des années 50-60 et comment cela s'est traduit en terme de récits SF se concentrant sur la rencontre de l'alien.

4- "Scientists" montre comme les femmes de la SF se sont positionnées par rapport à la science, à la fois comme journalistes scientifiques mais aussi, au travers des textes de fiction comme actrices de l'aventure scientifique.

 

Dans le débat traditionnellement assez controversé sur l'histoire croisée du féminisme et de la SF, il existe schématiquement deux positions :

- l'école Russ (et al.), du féminisme des années 60 qui part du principe que les auteurs de cette mouvance ont fait tomber les barricades de la SF et ont, à elles toutes seules, imposé la présence des femmes dans un genre qui les niait complètement.

- l'école Willis (et al.), celles des participantes au genre qui ont toujours connu une présence clairement féminine au sein de la SF, présence qui leur permettait (du moins pour un partie) de distiller leur message d'égalité.

Ces deux écoles sont bien sûr souvent antagonistes, les premières trouvant que les secondes ont trahi la cause en rampant au pied du patriarcat, les secondes trouvant les premières par trop ignorantes des réalités du genre et trop promptes à oublier leur contribution.

Yaszek me parait plutôt souscrire à la seconde école qu'à la première, même si sa conclusion lie les deux en faisant découler la révolution féministe en SF du travail des pionnières.

Sa thèse, à savoir l'utilisation d'une sorte de vision future de la sphère domestique pour faire passer des idées progressistes sur le rôle de la femme et l'emploi des tribunes offertes par le genre pour promouvoir une autre voie que la société patriarcale, est très bien présentée et appuyée sur des exemples concrets, même si l'on pourra toujours regretter une certaine concentration sur un petit nombre d'auteurs (la place prise par Merrill, est AMHA un peu disproportionnée, mais elle est la seule à avoir fait l'objet d'une biographie aisément disponible).

Homecalling (NESFA 2005).jpg

On notera qu'une partie importante du texte est consacrée à la présentation du contexte social et de ses enjeux, chose précieuse pour des non-américains.

L'écriture est facile et le discours reste très mesuré (ce n'est pas du Russ) mais n'en est pas moins lucide et critique, même si la conclusion sonne parfois un peu trop PC dans les lauriers tressés à la vague féministe et dans une certaine (AMHA) exagération de sa place actuelle et de son influence au sein du genre.

On regrettera juste quelques redites (des paragraphes entiers sur Merrill repris à l'identique dans les chapitres 1 et 4) et une impression (assez floue, je le concède) d'un léger manque de profondeur, générée à la fois par certaines affirmations qui sonnent un peu faux à la lumière d'autres travaux (par exemple la place "importante" d'Amazing sur la scène SF dans les années traitées me parait douteuse) et ce qui me parait être un manque de familiarité avec la totalité du matériau primaire disponible (les textes parus en revue entre 1945 et 1965), matériau peu accessible il est vrai.

Amazing 1961-10.jpg

Mais ces quelques points ne doivent pas masquer le fait qu'il s'agit de la meilleure, la plus claire et la plus complète présentation du travail des auteurs féminins de SF de l'après 2GM. A ce titre et dans une perspective historique de la SF, c'est un ouvrage indispensable.

 

Note GHOR : 3 étoiles

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