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26/03/2009

_Alien constructions : Science fiction and feminist thought_

Alien constructions : Science fiction and feminist thought : Patricia Melzer : University of Texas Press : 2006 : ISBN 978-0-292-71307-9 : 325 pages (y compris index thématique complet, notes et bibliographie) : une vingtaine d'Euros pour un TP.

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Cet ouvrage traite de l'intersection des théories féministes et des oeuvres de Science-Fiction. Ecrit par la directrice des Woman's studies d'une université de Philadelphie, il se concentre sur un nombre limité d'oeuvres appartenant au genre : des romans comme Dead Girls de Richard Calder, Shadow (of) man de Melissa Scott; des cycles tels que 'Patternist' ou 'Xenogenesis' d'Octavia Butler et des films récents comme Matrix ou Aliens 3. Ces oeuvres servent de base à une exploration des théories sur l'identité sexuelle qui leur sont sous-jacentes, la démarche de l'auteur conduisant ensuite à une confrontation avec l'état de l'art en matière de théories féministes.

Aliens 3 (JL 1993).jpg

Après une étonnament longue introduction (35 pages) qui sert à la fois de cadre historique très sommaire et de présentation générale des théories manipulées, ce livre est organisé en trois grandes parties. La première est une analyse de l'oeuvre de Butler sous l'angle féministe, la deuxième se concentre sur les films de SF et sur la représentation de la relation ambigüe entre le corps physique et la technologie (essentiellement sous l'angle de la 'cyborgisation' et du fétichisme du corps féminin) et la troisième ouvre vers les possibilités évoquées par le genre de transcender notre identité sexuelle (transexualité, androgynie). Suivent plusieurs (35 !) pages de notes, une bibliographie et un index sophistiqué (par nom et par concept).

De par son approche, ce livre nécessite donc une bonne connaissance des divers courants de pensée qui forment la réflexion féministe théorique et de ses nombreuses chapelles (divisées par exemple sur les différentes attitudes à adopter face à la technologie : l'embrasser pour vaincre, la nier, la subvertir...). Il faut aussi, vu leur très faible quantité et variété, une bonne connaissance des oeuvres discutées.

N'étant dans aucun des deux camps (j'ai juste vu Matrix et lu quelques textes de Calder et Butler), je n'ai guère accroché à l'ouvrage, même si j'ai été impressioné par le fait que l'on arrive à tirer 50 pages (avec photos à l'appui) sur les rapports entre Matrix (le 1 seulement) et le féminisme. L'usage d'un jargon théorique envahissant est un autre point négatif (à mon niveau) qui place ce livre plutôt dans le rayon 'Etude sur le féminisme' que 'Etude sur la SF'.

Le maitre du réseau (PC 1977).jpg

Le point le plus génant pour l'amateur de SF que je suis est l'impression diffuse que l'auteur n'arrive pas à dépasser le stade de la réflexion sur quelques oeuvres choisies un peu au hasard ou pour faire 'mode'. Ce point étant assez flagrant au vu de la faible contextualisation dans le genre des oeuvres étudiés et de leur très faible nombre. La bibliographie est révélatrice d'une certaine méconnaissance (voulue ou subie) du genre puisque ne listant qu'une minorité (10% tout au plus) de textes de SF. 

En fait, au lieu d'une vaste reflexion sur les rapports entre Féminisme & SF considérés comme champs d'étude d'une importance égale, on a plutôt le sentiment que l'auteur (qui n'est effectivement pas du sérail SF) a décidé de se 'farcir' quelques livres ou films de SF pour écrire son quota de publications. Du coup, si la partie 'féministe' semble solide, la partie 'SF' est visiblement négligée ce qui induit un doute sur la validité des démonstrations de l'auteur, démonstrations qui se veulent d'une portée générale mais qui sont basées sur un échantillon non pertinent ou pour le moins incomplet.

D'une façon strictement anecdotique, j'ai été gêné dans ma lecture par les notes qui, reportées en fin de livre, ne facilitent guère la lecture (il faut avoir deux marque-pages) et surtout, vu leur volume (15% du texte de l'essai est constitué de notes), peuvent indiquer une structuration du discours insuffisante.

Note GHOR : 1 étoile.

11/12/2008

_Where no man has gone before : Women and science fiction_

Where no man has gone before : Women and science fiction: Lucie ARMITT (éditirice) : Routledge : 1991 : ISBN 0-415-04448-0 : 234 pages (y compris index + bibliographie) : une dizaine d'euros en occase pour un TP.

Where no man has gone before.jpg

Ce livre est un recueil de 13 essais (inédits lors de la parution du livres, puis parfois repris pour certains, IIRC) explorant les rapports entre la SF (ou la fantasy) et les femmes, à la fois quand elles sont actrices (auteures), sources de réflexion ou sujets (personnages).

Il est divisé en trois grandes parties :

- Quatre essais sur des auteures traitées individuellement, à savoir Haldane (pour Man's world), Burdekin (pour son étonnante dystopie nazie écrite en 1931 : Swastika night), C. L. Moore, Le Guin & Lessing (les deux dernières étant des passages obligées pour ce type d'ouvrage à orientation féministe).

- Cinq essais sur l'image de la femme dans la SF, tant écrite que cinématographique (deux essais dont un sur Starman et Blade runner qui est assez féroce dans sa critique plutôt pertinente d'un film culte qui peut se lire comme éminemment patriarcal).

- Quatre essais qui analysent le genre et/ou ses lecteurs (juveniles, fantasy Arthurienne...).

Swastika night (L&W 1985).jpg

 
Les diverses contributrices (100% féminines) sont les "usual suspects" de ce type d'exercice (l'essai) pratiqué dans ce contexte idéologique (une approche féministe) : Tuttle, Lefanu, Jones, Saxton.

Que dire de cet ouvrage ?

Tout d'abord, il s'inscrit dans une lignée importante d'ouvrages du même type, visant (pour les pires) à annexer la SF comme auxilliaire d'un féminisme militant ou à la dénoncer comme outil d'oppression à la solde du patriarcat ou (pour les meilleurs) à montrer que le genre SF est/a été un espace d'expression pertinent pour faire avancer les choses ou pour mener une réflexion sur les rapports entre les sexes.

Ce livre emprunte une voie médiane, en ce sens qu'il ne peut s'empêcher de reprendre pour partie des arguments et un vocabulaire devenus caricaturaux (les éternelles théories sur homme=soleil=bien, femme=lune=mal) ou de sombrer dans les lieux communs sur la SF. Clichés dont la partielle fausseté (les fameuses femmes écrivains forcées de prendre des pseudos féminins pour cacher leur sexe) a été démontrée dans des ouvrages sérieux. Pour rester bien dans la ligne, nous avons droit aux traditionnels et inévitables couplets laudatifs sur Le Guin, Russ ou Bradley (qui joue parfois dans les deux camps) et aux railleries non moins obligées sur les 'traîtresses à la cause" comme McCaffrey.

Une fois ces tics (surtout agaçants par leur prévisibilité) mis de côté, cet ouvrage offre malgré tout un certain nombre de discussions solides :
l'étude de Gamble sur C. L. Moore et les symboliques sexuelles est bien faite et convaincante;  le décryptage des stéréotypes féminins dans Blade runner ou dans Rite of passageest exécuté avec calme et précision, ce qui rend la démonstration assez percutante; le texte de Jones sur les juvéniles est intéressant et la démonstration par Moody de la logique de l'usage d'un cadre "Arthurien" pour des textes à visées féministes est parfaitement claire.

Rite de passage (OPTA 1973).jpg

Dans ce cadre, le texte final de Saxton est une note dissonante et une faute de goût, puisque l'ouvrage se termine par une diatribe de cet auteure qui dit en gros que l'on a mis ses textes dans la SF à tort (la fameuse "défense Atwood" avant l'heure) et que maintenant elle a décidé de se libérer de ce carcan et de quitter ce genre de médiocres. Elle va donc se mettre enfin à écrire la littérature (avec un grand L) qu'elle veut (mais sous un pseudo, comme quoi les réalités du marché s'imposent même aux idéalistes). Cette position courageuse et intègre honore sûrement son auteure mais ressemble fort à un crachat final dans une soupe (généralement) défendue par ses collègues et pourrait être perçue comme un manque de respect pour le cochon (machiste ou autre) de payant.

En conclusion, il s'agit d'un livre qui présente de bons passages, mais reste handicapé par son hétérogénéité marquée (normale pour un recueil d'essais de différentes mains) et un certain manque d'originalité (pour qui pratique ce genre d'ouvrage).

Note GHOR : entre 1 et 2 étoiles suivant la familiarité du lecteur avec le discours féministe sur la SF

04/11/2008

_Galactic suburbia : Recovering women's science fiction_

Galactic suburbia : Recovering women's science fiction : Lisa YASZEK (1969- ) : Ohio State University Press : 2008 : ISBN-13 978-0-8142-5164-5 : 234 pages (y compris index et biblio) : 16 Euros 44 pour un TP.

 

Galactic suburbia.jpg

 

 

Cet ouvrage fait partie de la (très) longue liste de livres traitant des rapports entre les femmes et la SF.

Il s'intéresse ici aux femmes écrivains (et non lectrices par exemple) et aux écrits qu'elles ont pu produire et publier durant la période 1945-1965, soit la période située entre la fin de la 2GM et la pleine action du women's lib. Les recherches de Yaszek montrent que les femmes auteurs de SF ont, pendant cette période, utilisé une sorte de décor/ensemble de thématiques commun qu'elle nomme "Galactic suburbia", c'est à dire une version du futur des USA (et en leur sein de la place des femmes) concentrée sur la sphère domestique.

Ce cliché de "La femme américaine du futur au fourneaux" a été clairement le fruit d'une nette volonté de la société US et de ses dirigeants (masculins) de renvoyer les femmes dans leur foyers après les avoir utilisées comme main d'oeuvre durant la guerre (la fameuse "Susie la riveteuse"). Malgré tout, l'usage de ce cadre a permis aux auteur(e)s de subvertir, au sein d'un genre accueillant (le seul peut-être permettant une telle liberté), l'idéologie patriarcale ambiante en ouvrant la voie à un féminisme naissant et de préparer la place de la femme dans l'imagerie du futur.

Cet ouvrage est organisé en 4 chapitres :

1- "Writers" : qui place les auteurs féminins dans le cadre plus large de la SF de l'époque et explique leur positionnement et leurs stratégies dans l'espace propre au genre et extérieur à celui-ci.

2- "Homemakers" est un peu le coeur du livre qui montre comment ces écrivains ont utilisé la SF pour émettre un commentaire sur l'état de la
société US et constater le recul de la place des femmes sous la poussée conjuguée des demandes de la guerre froide et de la consommation.

3- "Activists" montre comment les femmes ont utilisé l'espace qui leur était dévolu (le foyer, la famille et les enfants) pour participer d'une façon importante aux avancées civiques des années 50-60 et comment cela s'est traduit en terme de récits SF se concentrant sur la rencontre de l'alien.

4- "Scientists" montre comme les femmes de la SF se sont positionnées par rapport à la science, à la fois comme journalistes scientifiques mais aussi, au travers des textes de fiction comme actrices de l'aventure scientifique.

 

Dans le débat traditionnellement assez controversé sur l'histoire croisée du féminisme et de la SF, il existe schématiquement deux positions :

- l'école Russ (et al.), du féminisme des années 60 qui part du principe que les auteurs de cette mouvance ont fait tomber les barricades de la SF et ont, à elles toutes seules, imposé la présence des femmes dans un genre qui les niait complètement.

- l'école Willis (et al.), celles des participantes au genre qui ont toujours connu une présence clairement féminine au sein de la SF, présence qui leur permettait (du moins pour un partie) de distiller leur message d'égalité.

Ces deux écoles sont bien sûr souvent antagonistes, les premières trouvant que les secondes ont trahi la cause en rampant au pied du patriarcat, les secondes trouvant les premières par trop ignorantes des réalités du genre et trop promptes à oublier leur contribution.

Yaszek me parait plutôt souscrire à la seconde école qu'à la première, même si sa conclusion lie les deux en faisant découler la révolution féministe en SF du travail des pionnières.

Sa thèse, à savoir l'utilisation d'une sorte de vision future de la sphère domestique pour faire passer des idées progressistes sur le rôle de la femme et l'emploi des tribunes offertes par le genre pour promouvoir une autre voie que la société patriarcale, est très bien présentée et appuyée sur des exemples concrets, même si l'on pourra toujours regretter une certaine concentration sur un petit nombre d'auteurs (la place prise par Merrill, est AMHA un peu disproportionnée, mais elle est la seule à avoir fait l'objet d'une biographie aisément disponible).

Homecalling (NESFA 2005).jpg

On notera qu'une partie importante du texte est consacrée à la présentation du contexte social et de ses enjeux, chose précieuse pour des non-américains.

L'écriture est facile et le discours reste très mesuré (ce n'est pas du Russ) mais n'en est pas moins lucide et critique, même si la conclusion sonne parfois un peu trop PC dans les lauriers tressés à la vague féministe et dans une certaine (AMHA) exagération de sa place actuelle et de son influence au sein du genre.

On regrettera juste quelques redites (des paragraphes entiers sur Merrill repris à l'identique dans les chapitres 1 et 4) et une impression (assez floue, je le concède) d'un léger manque de profondeur, générée à la fois par certaines affirmations qui sonnent un peu faux à la lumière d'autres travaux (par exemple la place "importante" d'Amazing sur la scène SF dans les années traitées me parait douteuse) et ce qui me parait être un manque de familiarité avec la totalité du matériau primaire disponible (les textes parus en revue entre 1945 et 1965), matériau peu accessible il est vrai.

Amazing 1961-10.jpg

Mais ces quelques points ne doivent pas masquer le fait qu'il s'agit de la meilleure, la plus claire et la plus complète présentation du travail des auteurs féminins de SF de l'après 2GM. A ce titre et dans une perspective historique de la SF, c'est un ouvrage indispensable.

 

Note GHOR : 3 étoiles