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07/01/2009

_Une succursale du fantastique nommée science-fiction_

Une succursale du fantastique nommée science-fiction : Jacques STERNBERG : Le Terrain Vague : 1958 : 63 pages (+ photos) : un semi-poche pas forcément évident à trouver vu son âge, acheté pour 15 Euros.

Une succursale du fantastique nommée science-fiction.jpg


Il s'agit là d'un des premiers (si ce n'est le premier, j'ai la flemme de vérifier, voir peut-être La littérature française d'anticipation scientifique de Bridenne qui date aussi de 1958) ouvrage consacré uniquement à la SF, avec le but avoué de faire connaître et apprécier le genre lors de son (re ?) introduction (dans sa variante anglo-saxonne) dans notre pays, à la suite de l'apparition des premières collections clairement estampillées SF (Fleuve Noir Anticipation, Rayon Fantastique, Présence du Futur).

Le livre est assez mince et très aéré, mais avec des jolies photos (en N&B et bizarrement légendées au recto). Structurellement, il se présente d'une façon similaire à ces ouvrages d'introduction. Il commence par tenter de définir la SF (en discutant l'étymologie du terme), chose plus pertinente qu'il n'y parait en 1958, puis il essaie d'en cerner les origines et en montre les qualités (via une suite de résumés des grandes nouvelles de SF).

On notera que la subordination avec le fantastique, implicite dans le titre, est largement ignorée dans le corps du texte.

Vu le peu de matière, il n'y a pas grand chose à dire sur cette étude, si ce n'est qu'elle est cohérente avec l'état de l'art de la réflexion sur la SF des années 50. 

En gros, il y a un certain nombre d'erreurs ou d'approximations, une focalisation bienvenue sur les nouvelles (présentées, AMHA à juste titre, comme le coeur du genre) et un certain nombre d'attaques sur des cibles habituelles : Bradbury (à rebours des goûts littéraires prévalants), le FNA (déjà critiqué pour son populisme à l'époque).

J'ai été gêné par les lauriers insistants (2 pages quand même) tressés par Sternberg à la collection Présence du Futur. Un esprit chagrin comme le mien pourrait y voir un lien avec le fait qu'il y ait été publié. Comme quoi le passage de brosse ou le renvoi d'ascenseur (je te publie et tu parles de moi, je t'édite et tu m'édites) est une pratique qui, dans le microcosme de la SF, a toujours été d'actualité.

Entre deux mondes incertains (Denoel 1973).jpg


Un ouvrage qui ne présente qu'un intérêt historique.

Note GHOR : 1 étoile

06/01/2009

_Ultimate island : On the nature of british science fiction_

Ultimate island : On the nature of british science fiction : Nicholas RUDDICK : Greenwood Press : 1993 : 202 pages (y compris bibliographie & index) : ISBN 0-313-27373-1 : en occase pour quelques dizaines d'euros, en neuf pour une centaine; le tout pour un HC (sans jaquette).

Ultimate island.jpg

Cet ouvrage a pour but de cerner les spécificités de la SF britannique, dans la mesure où elle existe, principalement en la mettant en opposition aux autres SF (et dans celles-ci, essentiellement la SF US).

Il est divisé en quatre chapitres principaux :

- "Critical assumptions : The idea of british science fiction"  : Ruddick trace dans les divers ouvrages consacrés à ce sujet, l'évolution de la pensée théorique sur ce qui "fait" la SF britannique, à la fois par rapport à la SF 'en général' (lire US) et par rapport à la littérature britannique mainstream. Au final, le résultat de ses réflexions est le constat que la SF UK est, plus que d'autres, plutôt bien intégrée à la littérature générale de son pays. La preuve en est donnée par le nombre important d'ouvrages ou d'auteurs SF qui font partie du canon littéraire (Wells, Lewis, Orwell, Huxley, Amis...).

Cette partie est la plus difficile de toutes, non qu'elle ne soit pas claire mais elle nécessite une certaine connaissance à la fois de l'histoire de la SF britannique et surtout des diverses théories et approches de la SF UK qui sont abordées par Ruddick. En effet, l'auteur ne va pas très loin dans les détails des diverses thèses en présence, ce qui est normal sur 200 pages.

Il vaut donc mieux avoir lu Aldiss (Billion year spree), Grifiths (Three tomorows), Ketterer (New worlds for old), Greenland (The entropy exhibition), Stableford (pas lu) ou Clarke (Voices prophesying war 1763-1984) pour pouvoir suivre dans ce chapitre assez dense.

Three tomorrows.jpg

- "The island of Mr Wells" : pose l'île comme motif principal de la SF UK, en traçant sa présence, sous forme littérale ou métaphorique dans une suite continue de textes majeurs (de Shakespeare & More à Ballard en passant par Wells ou Golding) qui forment, pour Ruddick, la colonne vertébrale de la SF UK. En ce qui me concerne, j'ai trouvé que le motif de l'île, tel qu'utilisé par Ruddick, est tellement malléable qu'il peut s'appliquer à n'importe quel ouvrage (The inheritors de Golding, The star de Wells). Cette partie aurait gagnée à être approfondie avec plus d'exemples parce que, intuitivement, on sent bien que l'insularité et sa revendication est une caractéristique britannique très forte, qui n'est certainement pas sans influence sur la SF qui y est écrite, mais cet a priori aurant gangé à être plus étayé avec des exemples où la notion d'insularité est centrale.

- "Peopling the ruins" & "The nature of the catastrophe" : sont deux chapitres qui traitent de la spécificité de la SF UK dans sa thématique de la catastrophe (qu'elle soit cosy ou pas). C'est la partie la plus classique (au sens de proche de l'analyse standard) du livre. Un discours que l'on a pu lire de nombreuses fois (sous la plume d'Aldiss par exemple), qui va de Shelley à Ballard en passant par Wells, Wyndham ou Christopher. Ballard est d'ailleurs particulièrement envahissant puisqu'une grande partie du chapitre lui est consacrée, alors que le rapport entre la pornographie de Crash et la catastrophe (au sens habituel du terme) n'est pas si évident.

Ruddick conclut par sa définition de la SF UK, à savoir une suite de textes qui partagent le motif de l'île comme scène d'une lutte darwiniste, reliés entre eux et reliés au reste de la littérature britannique, le tout sous l'influence (ou en réaction à) de Wells.

The war in the air.jpg

La thése de Ruddick est donc intéressante et bien argumentée. C'est un ouvrage qui atteint son objectif, à savoir de faire réfléchir à sa propre définition de la SF UK et qui donne irrésistiblement envie de discuter (même à distance comme je le fais) avec l'auteur sur le sujet. C'est là le plaisir principal de ce type d'ouvrage de référence.

Personnellement, je ne souscris pas à sa méthodologie, à savoir qu'il ME (sans plus de valeur que cela) donne l'impression d'avoir fait les choses à l'envers. Au lieu de chercher à déterminer des critères discriminants applicables à un ensemble de textes, il semble être parti du résultat, un ensemble de textes canoniques représentant pour lui la SF UK et en avoir dérivé un jeu de critères permettant de les isoler. Du coup, tout ce qui ne rentre pas dans les oeuvres pré-sélectionnées par Ruddick est classé dans la catégorie SF US et se trouve donc, d'une façon parfois un peu trop pratique/rapide, poussé hors de champ de l'étude. L'auteur donne d'alleurs des explications, assez alambiquées dans la conclusion où il finit par mentionner plus ou moins pour la première fois des auteurs aussi "britanniques" que Clarke, Brunner, Shaw, Watson, Roberts (Keith), Stableford ou Moorcock et en les évacuant immédiatement manu-militari du "champ" de la SF UK (qui n'est, pour Ruddick, pas un "genre").

Les géants de craie (OPTA 1976).jpg

Bien sûr, les pinailleurs dans mon genre tiqueront sur des affirmations du genre "That Lewis was not totally unsympathetic to american pulp science fiction can be established by the fact that he published a story in The magazine of fantasy and science fiction...", qui ne prouve justement rien puisque F&SF n'est typiquement pas un pulp et s'est toujours distingué de ces derniers ou de leurs héritiers; ou sur des tautologies comme "Rather, an island is a land that [...] seems insular to its inhabitants [...]" ("une île est un lieu qui semble insulaire à ses habitants", ce qui paraît assez normal). Mais comment ne pas apprécier un théoricien de la SF qui affirme que l'expression "American Science Fiction" est un pléonasme.

Au bémol près d'une première partie assez technique, c'est un ouvrage riche en analyse et surtout une vraie base de réflexion sur l'existence même ou la matérialisation d'une éventuelle spécificité nationale dans la SF.

Note GHOR : 3 étoiles

05/01/2009

_Hugo Gernsback and the century of science fiction_

Hugo Gernsback and the century of science fiction : Gary WESTFAHL : McFarland (série Critical explorations in science fiction and fantasy #5) : 2007 : 271 pages (y compris bibliographie & index) : ISBN 978-0-7864-3079-6 : TPB, une vingtaine d'Euros (port compris).

Hugo Gernsback and the century of science fiction.jpg


Il s'agit d'un recueil des textes de Westfahl qui tournent tous plus ou moins autour de Gernsback (on peut penser qu'une partie de cette réflexion est constituée des restes de The mechanics of wonder, ce que semble confirmer la préface), dont un certain nombre ne sont pas inédits (même s'il ont été révisés pour la publication dans cet ouvrage).

9 essais, de longueur variable, constituent ce recueil :

- "Cremators of SF" : une réfutation féroce (parue dans Interzone) d'un précédent article de Stableford & Clute très (trop ?) négatif vis à vis de Gernsback. Cette attitude est fréquente dans les sphères de la critique SF britannique pour des raisons (aux limites du genre) d'ailleurs clairement énoncées par Westfahl.

- "The popular tradition of science fiction criticism 1926-1980" : montre comment les défintions de Gernsback et les buts qu'il avait "assignés" à la SF sont fondateurs de la majeure partie du discours sur la SF, qu'il soit issu du fanzinat, du prodom ou de l'académie.

- "Wanted : a symbol for science fiction" : cet OVNI est une discussion des divers symboles proposés pour la SF (voir par exemple les pages 320 & 321 de l'EVSF ou le connu dessin ci-dessous). Le point essentiel est que toute cette discussion sur des éléments graphiques est menée sans AUCUN dessin, d'où un essai incompréhensible pour qui ne connaît pas un peu les symboles mentionnés (le logo de Baen, celui de NESFA, le symbole d'Analog, l'illustration de la table des matières de divers pulps...).

The mechanics of wonder.jpg

- "Peaks and valley" : supplémente le livre de Ashley & Lowndes (The Gernbsback days) en retraçant la carrière de Gernsback comme éditeur, avec entre autres, pas mal de précisions sur son retour en 1953 avec le magazine Science fiction +, magazine a l'existence brève.

The gernsback days.jpg


- "Evolution of modern SF : The textual history of Ralph 124C41+" : une étude très détaillée (ligne à ligne) des nombreuses (au moins 5) variations textuelles de ce roman, à la fois sous les ciseaux de Gernsback lui-même ou de divers intervenants. Elle montre les diverses modifications apportées à ce texte, soit pour le rendre plus lisible, soit d'une meilleure qualité littéraire ou pour lui conférer son statut actuel de pièce prophétique.

Ralph 124c41+ (Cherry Tree).jpg

 - "Man against man, Brain against brain" : analyse la SF sous l'angle de ses rapports avec le mélodrame.

- "Gadgetry, government, genetics and god" : idem mais se concentre sur la relation difficile entre SF et Utopie, le tout à la lumière de l'influence supposée ou réelle de Gernsback.

- "The Gernsback continuum" : encore une fois, une lecture du Cyberpunk à la lumière des apports de HG, avec une lecture parallèle de Ralph 124C41+ et de Neuromancer qui en montre les similarités (sic).

- "Scientific adventures" : une étude complète de Gernsback, l'écrivain, basée sur ses fictions (au final peu nombreuses) autres que Ralph 124C41+, où l'on apprend (avec une certaine surprise) que Gernsback c'est un peu comme Clarke.

 

Je dois avouer que mes attentes vis à vis de cet ouvrage étaient très élevées, à la fois au vu des autres études de Westfahl, généralement excellentes et solidement charpentées et surtout vis à vis du thème supposé du livre, à savoir le combat de Titans entre d'un côté Stableford & Clute (les intellos) et de l'autre Westfahl & Ashley (les populaires) doublé d'une relecture de l'histoire entière de la SF à la lumière des influences Gernsbackiennes (c'est en tout cas le projet mentionné dans l'introduction).

Hélas, je me suis retrouvé à lire une série d'essais :

1) sans aucune ligne directrice majeure, si ce n'est la référence à Gernsback, qui dans certains cas (je pense à des paragraphes entiers sur la mécanique scénaristique de Star trek ou Star wars) est carrément oubliée sur plusieurs pages.
On a donc un livre qui passe du coq à l'âne, de l'essai bio-bibliographique ou documentaire à l'étude d'un genre (utopie, cyberpunk...) ou à celle d'un auteur. La chose n'est pas forcément mauvaise en soi, mais ne correspond pas aux prétetntions du livre qui se veut une réflexion unifiée.

2) d'une qualité inégale, certes toujours factuellement bétonnés mais dont les arguments sont parfois tellement ténus qu'il en deviennent ridicules. Les égalités faites par Westfahl, du type Gernsback = Sterling ou The ultimate world = Childhood's end sont assez peu crédibles initialement et ne le sont pas plus après lecture. Même si Gernsback à inventé la SF moderne (ce que je pense), toute la SF ne répond pas ou ne brode pas sur Gernsback.

Childhood's end (Pan 1966).jpg

3) d'une argumentation défaillante et manquant de précision, à tel point je me suis parfois demandé ce que voulait monter Westfahl. Je n'ai en tout cas pas trouvé dans cet ouvrage l'expression ou la démonstration de l'existence d'une vision unificatrice de la SF comme résultante de celle de Gernsback. Les piques vers les autres commentateurs (tout le monde en prend pour son grade : Panshin, Aldiss, Franklin...) sont certes acérées mais, une fois le bon mot ou l'attaque (souvent juste) passée, Westfahl peine à fournir une structure de remplacement conforme à ses vues.

Les articles biographiques ou les analyses textuelles sont toutefois d'une grande qualité, même si l'on peut se demander, si hormis Ralph 124C41+, le Gernsback écrivain mérite vraiment une telle débauche d'énergie.

Un ouvrage qui m'a donc laissé un peu dubitatif, sans doute parce que j'en attendais plus de son auteur.

Note GHOR : 2 étoiles

02/01/2009

_Intersections : fantasy and science fiction_ & _Bridges to science fiction_

Intersections : fantasy and science fiction : George E. SLUSSER & Eric S. RABKIN : Southern Illinois University Press : 1987 : 252 pages (y compris index) : ISBN 0-8093-1374-X : en occase pour quelques dizaines d'euros pour un HC avec jaquette.

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Bridges to science fiction : George E. SLUSSER & George R. GUFFEY & Mark ROSE : Southern Illinois University Press : 1980 : 168 pages (y compris index) : en occase pour quelques dizaines d'euros pour un HC avec jaquette.

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Un avis global sur deux livres similaires dans leur principe et le résultat obtenu. Ces ouvrages sont donc des recueils d'essais contenant chacun une dizaine de textes (plus nombreux et plus courts dans le premier que dans le second). Ce dernier (Bridges) correspond (IIRC) aux minutes de la toute première conférence sur le fantastique dans les arts, ce qui peut expliquer la piètre qualité des contributions, prévisible pour une manifestation dans sa première instance.

Ce sont donc des livres purement académiques, à la fois par le fait que le public ciblé est celui des bibliothèques universitaires et par le fait que l'on puisse penser qu'une publication dans ces supports rapporte des points pour une carrière. Du coup, les essais sont souvent (logique à l'époque)  écrits par des gens dont les domaines de compétences ne sont généralement pas la SF. Seules exceptions, les universitaires dont le champ d'étude est justement la SF (Slusser, Rabkin) et quelques auteurs comme ici Benford ou Zelazny.

C'est sans doute pour cela que je ne leur trouve aucun intérêt, le canevas de chaque court article étant le même, un début avec un très vague rapport avec la SF et une bifurcation immédiate vers le domaine de prédilection (ou de spécialité) de l'auteur. Ceci nous vaut par exemple des pages de citations en latin, des essais sur Faulkner, sur Gravity's rainbow ou sur Shakespeare, certainement très érudits, mais qui, au final, n'apportent absolument aucun éclairage sur la SF. De toute façon, de leur aveu écrit même, certains intervenants connaissent peu très peu le genre.

Seuls quelques essais arrivent à surnager (celui de Delany par exemple) dans cette mer de médiocrité. C'est dommage parce que le premier ouvrage (qui est nettement le meilleur des deux) aurait pu ouvrir des pistes sur les relations entre SF & Fantasy avec une discussion (hélas avortée) du genre hybride qu'est la Science-Fantasy.  Il est probable qu'à l'époque la réflexion sur ce thème était trop peu developpée (surtout du côté Fantasy) pour pouvoir aboutir.

Deux ouvrages que l'on peut aisément éviter, si ce n'est pour faire joli et sérieux dans une bibliothèque.

Note GHOR : 1 étoile pour Intersections, 0 étoile pour Bridges to science fiction.