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24/03/2009

_100 Must-read science fiction novels_

100 Must-read science fiction novels : Stephen E. Andrews & Nick Rennison : A&C Black (série Bloomsbury Good Raeding Guides) : 2006 : ISBN-13 978-07136-7585-6 : 194 pages (y compris index et annexes) : moins d'une dizaine d'Euros pour un petit livre de poche.

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Cet ouvrage fait partie de la catégorie des guides de lecture (on pensera au Béguin ou aux divers opus d'Actu-SF) et se propose de sélectionner les livres à lire dans l'ensemble du corpus du genre. Même si les auteurs s'en défendent puisqu'ils récusent le terme, il s'agit là d'un 'best-of'. La démarche, venant d'auteurs qui sont ici libraires, est parfaitement honorable et donne un résultat aussi légitime que ses petits camarades.

Outre une préface (C. Priest), une longue introduction qui brosse un portrait rapide mais fidèle du genre, le coeur du livre est donc constitué par 100 fiches consacrées chacune à un livre (généralement roman ou fix-up, les recueils étant peu présents). Organisé par ordre alphabétique d'auteur, chaque texte est donc tout d'abord résumé puis évalué et placé dans son contexte, le tout en un peu plus d'une page. A la fin de chaque entrée, des pistes de lectures (autres ouvrages du même auteur, ouvrages stylistiquement ou thématiquement proches) sont alors proposées, une pratique fréquente dans ce type de guide. En bonus, on trouve une liste des principaux prix SF, un glossaire et un index.

Comme le dit Priest dans la préface, un des attraits majeurs de ce genre d'ouvrage est à la fois de mesurer l'intersection de cette sélection avec sa bibliothèque ou ses lectures, de critiquer les omissions ou les choix et de (éventuellement) découvrir d'autres romans dont on n'avait pas forcément entendu parler.

Dans la première catégorie des classiques 'indiscutables', on trouve les suspects habituels (Frankenstein, Pavane, Ringworld, Dune, Earth abides, etc...), une sélection sans grande surprise même si elle manifeste logiquement un certain biais pour les productions britanniques.

Ringworld (Sphere 1981).jpg

Dans la seconde catégorie, celle des 'oubliés', on pourra être désagréablement surpris par certains manques (je ne cite que ceux qui m'ont frappé, chacun pouvant avoir sa propre liste) : Simak (qui n'apparaît qu'une seule fois dans tout le livre comme lecture possible), Leiber, Simmons (malgré ses Hugo).  De la même façon, certains choix d'oeuvres pour des auteurs présents sont assez surprenants. Choisir L'homme dans le labyrinthe comme seul 'ouvrage à lire' de Silverberg, Moonseed pour Baxter ou Les orphelins du ciel pour Heinlein, semble négliger d'autres textes plus importants pour la connaissance de ces auteurs.

Moonseed (Voyager 1998).jpg

Dans la trosième catégorie, celle des livres et/ou des auteurs que l'on voit rarement dans des top 100 on pourra évoquer The garments of Caen/Caean de Bayley, Involution ocean de Sterling ou Guernica night de Malzberg. C'est là une des aspects potentiellement les plus intéressant de cet ouvrage puisqu'il conduit à envisager de découvrir de nouveaux textes ou de nouveaux auteurs qui s'écartent des sentiers battus. Je n'ai qu'une réserve à faire sur l'inclusion dans les 100 livres à lire du roman de Leigh Kennedy : The journal of Nicholas the american, livre à peu près inconnu. Un esprit chagrin pourrait penser que la présence incongrue (j'ai carrément dû m'arrêter dans ma lecture pour chercher des infos sur lui) de ce roman pourrait être lié au fait que son auteur soit aussi la compagne de celui qui signe la préface.

The garments of caean (DAW 1980).jpg

Hormis ce bémol de pinailleur, ce petit ouvrage sympathique permet une confrontation avec un autre choix du meilleur de la SF que le sien, chose qui ne se refuse pas.

Note GHOR : 2 étoiles

23/03/2009

_Reading science fiction_

Reading science fiction : James GUNN & Marleen S. BARR & Matthew CANDELARIA : Palgrave MacMillan : 2009 : ISBN-13 978-0-230-52718-8 : 265 pages (y compris diverses bibliographies et index) : une vingtaine d'Euros pour un TP neuf.

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Cet ouvrage fait partie de la longue liste de titres visant à présenter la SF à un public composé soit de professeurs ou assistants voulant se lancer dans l'enseignement du genre, soit d'étudiants ayant à suivre les cours des premiers ou ayant un devoir quelconque à rendre sur le sujet. Il est donc à comparer au James/Mendlesohn (2003) ou au Seed (2005).

The cambridge companion to SF.jpg

Pour familiariser ce public à notre genre, le système choisi par ces ouvrages est toujours le même, à savoir une série d'essais assez courts (ici 20 sur 220 pages), d'auteurs variés (académiques et professionnels), sur des sujets allant du général (définition de la SF, histoire du genre) au particulier (étude d'un auteur voire d'une oeuvre). Ce genre d'ensemble (qui peut être plus ou moins volumineux) crée, par petites touches, un portrait du genre capable d'intéresser des néophytes.

Celui-ci est divisé en cinq parties de trois à cinq essais chacune :
- "Mapping science fiction" : le passage obligé d'une définition de la SF et d'une histoire schématique, qui traite essentiellement de la SF littéraire.
- "Science fiction and popular culture" : se concentre sur les autres formes de la SF (ici le cinéma, la télévision et les jeux vidéo).
- "Thoeritical approaches to sience fiction" : se focalise sur certaines approches théoriques actuelles (féminisme, post-colonialisme, marxisme). - "Reading science fiction in the classroom" : une partie plus 'pratique' à destination des enseignants avec un exemple de la lecture spécifique d'un texte de SF (ici Sail on ! Sail on ! de Farmer) proche des travaux de Disch, un étude sur Russ et les apports possibles de la SF dans des cours de technologie.
- "Science fiction and diverse disciplines": relie le genre à d'autres disciplines universitaires (neurosiences, physique, philosophie, biologie) ou champs culturels (internet).

Startling stories 1952-12.jpg

Chaque article est suivi d'une courte (moins d'une dizaine) liste d'ouvrages à lire pour approfondir le sujet et une bibliographie générale qui recense tous les textes cités.

Pour un ouvrage destiné à présenter le genre à des primo-accédants, ce recueil est tout à fait satisfaisant. Les courants et diverses formes d'expression y sont bien détaillés (seuls les arts graphiques me semblent un peu négligés) et le discours est du niveau attendu.

Certaines parties sont même d'un excellent niveau et, par exemple, montrent vraiment le mode de lecture et de fonctionnement propre à la SF en s'appuyant sur un texte et en le décortiquant (l'article de Gunn sur Farmer déjà cité).

La partie théroique et celle destinée aux enseignants sont peut-être les plus faibles de part leur côté trop convenu et/ou trop à la mode. On y trouve les habituels couplets sur le féminisme dans la SF (Russ par Barr, le genre par Donawerth), un texte sur les post-colonial studies (Candelaria, une soi-disant analyse originale de Sundance de Silverberg, qui n'apporte pas grand chose), le détour par une SF 'autre' (lire que l'anglo-saxonne), ici celle d'amérique latine. Tout ce qu'il faut pour donner une belle image bien respectable à un genre dont la réalité est parfois moins glamour (plus Hamilton que Atwood).

Sundance (Corgi 1976).jpg


On regrettera aussi le dernier essai "Science fiction and the Internet" (Bruce Sterling) qui ne parle que du second, et on pleurera devant la pathétique tentative de faire "hype" par l'inclusion en guise de conclusion d'un vrai blog sur papier (sic).

Au final, c'est globalement un assez bon petit livre, capable de donner les grands contours du genre, mais qui déçoit parfois par certains maniérismes. Il est clair que les amateurs un tant soit peu au fait n'ont pas grand chose à attendre de ce titre, mais là n'est pas son but.

Note Ghor : 2 étoiles

20/03/2009

_Worldcon guest of honor speeches_

Worldcon guest of honor speeches : Mike RESNICK & Joe SICLARI : ISFiC Press : 2006 : ISBN-13 978-09759156-3-9 : 309 pages : une grosse vingtaine d'Euros pour un HC avec jaquette.

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Ce livre rassemble les discours d'une trentaine des 'GoH', prononcés lors des conventions mondiales (Worldcons, où sont décernés les Hugos). Le plus ancien date de 1939 (Frank R.Paul) et le plus récent est celui de 2005 (Christopher Priest).

Les 'GoH' (Guest of Honor) sont les invités vedettes des conventions mondiales, des gens que l'on honore tout au long d'une Worldcon et qui prononcent généralement au moins un 'grand' discours qui est assez suivi. Au début, celui-ci se déroulait juste avant les Hugos, maintenant c'est durant la convention et sans lien avec les Hugos (celui de Priest était le dimanche, c'est à dire le dernier jour de la convention).

Autant le dire tout de suite, ce livre n'est pas un ouvrage indispensable pour la connaissance de la SF ou son étude. En effet, ces discours sont généralement assez formatés ("La SF c'est bien.", "Les fans sont supers.", "C'est trop d'honneur.", "Merci à mon papa.", etc...). De plus, la transcription d'un discours ne passe pas aussi bien que l'écoute du même texte "en direct" dans une salle pleine d'amateurs enthousiastes.

En eux-mêmes, les discours rassemblés dans cet ouvrage sont assez inégaux, allant du sérieux au grandiloquent en passant par le comique ou l'anecdotique.

Ils permettent toutefois de bien voir les péoccupations qui agitaient le monde et/ou le microcosme de la SF lorsqu'ils ont été prononcés. En ce
sens, ils sont de précieux indicateurs de l'état du genre à des instants précis.

On y trouve aussi des morceaux complètement loufoques : Van Vogt expliquant les diverses zones cérébrales et leur activation, Gernsback suggérant d'envoyer les revues SF à l'INPI américain pour toucher des royalties sur des inventions à venir. On peut aussi découvrir des témoignages de première main sur les carrières de certains auteurs et surtout, répartis un peu partout, plein de petits bouts d'information qui
font le délice des amateurs (comme Sturgeon racontant l'extraordinaire bonté de Heinlein).

Un livre à lire (malgré des discours parfois soporifiques ou complètement à coté de la plaque) comme une série d'instantanés délicieusement rétros mais qui ne fera certes pas avancer la réflexion sur le genre.

Note GHOR : 1 étoile.

19/03/2009

_A companion to Science Fiction_

A companion to Science Fiction : David SEED (compilateur) : Blackwell Publishing : 2005 : ISBN-13 978-1-4051-1218-5 : 612 pages (y compris index très détaillé et bibliographies après chaque chapitre) : 120 Euros (ouch !) chez l'éditeur en neuf pour un volumineux HC avec jaquette.

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La structure de ce livre paraitra être assez originale pour les amateurs français. Il s'agit, comme son nom VO l'indique, d'un compagnon pour les gens s'intéressant à la SF plus qu'un ouvrage à caractère historique ou systématique. Les clients habituels de ce type d'ouvrage sont généralement les bibliothèques (d'où le tarif élevé) où ils sont généralement empruntés par des lycéens ou des étudiants ayant soit un cours portant sur la SF, soit un exposé ou un mémoire à faire sur le sujet.

Dans cette optique d'une introduction au genre, c'est donc une collection d'essais qui parcourt diverses facettes de la SF, allant de son histoire à sa géographie en passant par ses auteurs et ses oeuvres. Cela donne un tableau impressionniste de la SF, une sensation particulière par les manques que tout amateur perçoit ("Mais pourquoi ils ne parlent pas de Simmons ?").

Chaque essai (il y en a 41 au total) est écrit par un auteur différent, mais la constante est de n'avoir que du beau linge et de la grosse pointure : Ashley, Barr, Butler, Clute, Csicsery-Ronay, Hassler, Van Ikin, James, Ketterer, Luckhurst, Stableford, Westfahl etc... Les familiers de ce blog reconnaitront des gens réputés et reconnus pour leurs réflexions sur la SF, ayant souvent plusieurs ouvrages importants sur le genre à leur actif.

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Le livre est articulé en plusieurs grandes sections :

1) "Surveying the field" : 4 essais qui permettent d'avoir une idée de l'étendue de la SF, avec une approche historique (Slusser ou Ashley excellent et synthétique sur les magazines comme à son habitude), une approche par le biais du discours critique (Csicsery-Ronay) et un essai plutôt instructif sur la manière de lire la SF, somme toute  assez proche du livre de Langlet (Shippey).

2) "Topics and debate" : une série (7) d'essais thématiques sur des sujets parfois un peu bateau (Utopies, SF féministe qui a droit à 2 essais, Gothique...). Très inégal et parfois sombrant dans l'anecdotique comme l'essai de Barr tout entier consacré à la défense de sa proposition du terme de "Feminist fabulation", un combat qui s'est déroulé en 1992.

3) "Genres and movements" : 5 études sur les genres marquants de la SF (Hard SF, New wave, Cyberpunk, Nouveau Space Opéra...). C'est un excellent moment de synthèse qui met bien à plat ces genres en les insérant dans l'histoire de la SF. Les auteurs font aussi parfois un travail salutaire de démystification/démythification de certains courants de la SF dont l'influence ou l'importance réelle sont parfois un peu sur-évalués, comme la New wave ou le Cyberpunk.

4) "Science fiction film" : 3 essais sur SF & Cinéma et SF & TV, un peu en marge du livre qui est quand même axé sur la SF écrite. Leur brièveté pour des domaines aussi vastes leur est peut-être préjudiciable.

5) "The international scene" : 3 survols des paysages SF hors des USA (Canada, Asie & Australie), on peut regretter l'habituelle absence de la SF européenne, mais pour un ouvrage destiné à un public anglo-saxon, l'écueil de la traduction qui limite très fortement la possibilité d'accès à ces textes impose logiquement ce choix.

6) "Key writers" : 9 études se focalisant sur certains auteurs (dans l'ordre : Wells, Asimov, Wyndham, Dick, Delany, Le Guin, G. Jones, Clarke & Egan). C'est là que l'on pourra être étonné de certains choix (Jones & Delany) sur lesquels je reviendrai, mais c'est du boulot d'orfèvre (ce sont généralement ce que j'estime être les meilleurs essayistes qui traitent sur ces auteurs) avec un article sur Asimov par Clute, qui n'est certes pas tendre mais qui correspond exactement à mon sentiment.

Cocon (DLM 1999).jpg

7) "Readings" : 10 études détaillées (entre 10 et 12 pages) sur une oeuvre précise (dans l'ordre chronologique : Frankenstein, Herland, Brave new world, Fahrenheit 451, The female man, Crash, The handmaid's tale, Neuromancer, la trilogie de Mars de KSR & Excession). Chaque article est compétent mais ce qui frappe c'est le manque total d'originalité de cette sélection (sauf pour le Banks). Ces romans ont été traités de nombreuses fois, ce qui, pour un familier de la réflexion sur le genre, entraîne une certaine lassitude à la lecture du dix-septième résumé de l'intrigue de The female man.

Excession (Orbit 1996).jpg

Malgré sa taille, ce livre est un plaisir à lire, le mélange des voix et des styles couplé à la légèreté crée par sa structure non sytématique permet une lecture de 'dégustation' par petits morceaux. Les intervenants sont de grande qualité et le discours est pertinent même s'il n'échappe pas toujours à un certain militantisme ("...patriarchal imperatives have nothing to fear from imagined feminist scenarios.") ou un jargon envahissant ("Metaparadigmatic fiction").

Un oeil attentif pourra certes relever un tout petit nombre de scories : Gernsback rédacteur chef de Astounding, End of an era daté de 2000 sont les seules qui me sont venues immédiatement à la lecture, mais je n'ai pas creusé particulièrement les données factuelles.

End of an era (NEL 1994).jpg

En fait, le point qui m'a le plus ennuyé est une impression de "Politiquement Correct" qui est certes prévisible dans un ouvrage destiné à des bibliothèques et de jeunes lecteurs, mais qui pèse parfois un peu lourdement sur ce livre. Ces orientations sont manifestes dans les choix des auteurs et oeuvres étudiés. Par exemple (c'est le point le plus visible), la proportion de textes féministes atteint un tiers, proportion sans aucun rapport avec le pourcentage relatif de tels ouvrages dans l'ensemble de la production SF.

Pour être plus précis, à chacun son panthéon personnel, mais la présence (indépendamment de leurs qualités certaines) dans les 10 auteurs retenus de Delany, Le Guin et Jones et dans les 10 oeuvres étudiés de Herland, The handmaid's tale & The female man ajouté au fait que le féminisme bénéficie de deux textes qui lui sont consacrés (Barr & Wolmark) doit certainement plus à une tentative de sur-représenter les minorités raciales ou sexuelles, voire à une tentative de surfer sur la vague des "gender studies" ou "post-colonial studies", qu'à une vision objective de l'état de la SF IRL.

Mais tout ouvrage est par définition le résultat d'un choix ou d'une stratégie, on peut ne pas être d'accord avec tous ceux de Seed mais il faut reconnaître et saluer la haute qualité de cet ouvrage dont le seul vrai écueil est le prix dissuasif.

Note GHOR : 3 étoiles

18/03/2009

_La science-fiction : Lecture et poétique d'un genre littéraire_

La science-fiction : Lecture et poétique d'un genre littéraire : Irène LANGLET : Armand Colin (Collection U) : 2006 : ISBN-10 2-200-26-921-8 : 303 pages (y compris index sommaire et bibliographie) : 25 Euros pour un TP pas super solide.

La science-fiction (Langlet).jpg

Ce livre est dû à la plume d'une universitaire française, même si elle a suivi une partie de son cursus au Canada, pays très en pointe en ce qui concerne l'étude de la SF dans le cursus littéraire 'classique' et qui nous a donné plusieurs pointures. On peut citer (entre autres) Saint-Gelais, Suvin le grand ancêtre ou Gouanvic.

Cet ouvrage est organisé en trois parties principales :

1) "Outils de mécanique science fictionnelle", une partie à l'approche très originale puisqu'elle se concentre sur les outils littéraires utilisés par la SF dans sa stratégie de 'cognitive estrangement' (le terme inventé par Suvin) : paratexte, mots valises, appositons, usage du "je", fix-up, etc... Cette partie consacrée donc aux techniques d'écriture proprement dites fait une centaine de pages.

2) "Pour une histoire littéraire de la science-fiction" qui essaie de donner une autre histoire de la SF que celle de ses thèmes ou de sa socio-économie, illustrée par une chronologie schématique en annexe et qui s'ouvre sur une réflexion sur les rapports entre science et SF.

3) "Dans la machine science fictionnelle" qui part de 4 romans (L'usage des armes, Neuromancien, Des milliards de tapis de cheveux & Chroniques du pays de mères) qui sont utilisés comme bases pour aborder certains types de SF (le space opéra, le cyberpunk) et diverses problématiques (la datation interne des oeuvres).

Neuromancien (La Découverte 1985).jpg

Dans les nombreuses annexes on notera la chronologie de la SF évoquée plus haut, les synopsis des romans de la troisième partie ainsi que des extraits en VO & VF, un glossaire, une bibliographie secondaire (y compris sites web) et un index.

 

Globalement le livre à la fois original dans son approche (la première partie) et fait une lecture serrée des oeuvres étudiées. Le jargon de la technique narritive est certes présent (homodiégétique, hétérodiégétique) mais est suffisamment bien expliqué pour les profanes dans mon genre (y compris par le glossaire). La réflexion théorique est d'excellent niveau et s'appuie sur des bases saines.

Toutefois, je ne serais pas fidèle à ma réputation si je n'y avais pas trouvé matière à contestation/discussion/chipotage, à la fois dans les détails et dans ses orientations.

Dans le désordre :

- Il existe un certain nombre d'erreurs factuelles dans les données bibliographiques (par exemple, le cycle du non-A est daté de 1948) ou d'affirmation un peu légères (du style "le cycle de l'histoire du futur ne comporte aucune date dans ses titres", qui oublie Revolt in 2100 qui n'est certes pas le titre d'une nouvelle mais est celui d'un recueil) ou de données incomplètes (une comparaison pertinente des couvertures du Banks omet de préciser quelles éditions sont évoquées, ce qui pourrait laisser croire que toutes les éditions VO & VF ont la même couverture, ce qui n'est pas le cas) ou fausses (une troisième version du C&N est évoquée).

Revolt in 2100 (Signet).jpg

- Plus étonnant et signe d'une recherche un peu "light", cette affirmation (note 1 de la page 231) que je ne peux resister au plaisir de citer : "L'ordre des nouvelles (de l'anthologie Histoires de voyages dans le temps) est celui de l'édition disponible en librairie datant de 1987. Cet ordre modifie légèrement celui de la première édition, à la date du copyright (1975). Pour les comparer voir le site d'amateur indexant les deux tables des matières, "index SF", URL : http://sf.marseille.mecreant.org/ouvrage/ouv000098.". Une rapide recherche sur le fameux site en question montre que, effectivement, l'ordre semble différent pour les deux éditions, même s'il peut sembler étrangement alphabétique pour la première édition. Une recherche plus poussé dans les différentes impressions de l'ouvrage en question permet de voir que l'ordre est strictement le même dans les deux version citées. L'affirmation de Langlet est donc factuellement fausse, faute d'une recherche suffisamment poussée. J'ai relevé ce point parce que l'ordre des nouvelles est une des bases de l'argumentation de l'auteur ("la complexité va croissant"). Voilà du coup une erreur/absence de 'sort' dans une page web promue au rang de fait avéré et, en quelque sorte, légitimée par l'académie.

- D'une façon générale, j'ai une impression curieuse quand à la profondeur des recherches et la quantité d'éléments bibliographiques vraiment consultés avant l'écriture de cet ouvrage. En effet, l'essentiel des citations et exemples qui appuient le texte provient de seulement trois sources principales (excellentes au demeurant) : L'empire du pseudo de Saint-Gelais, le Clute & Nicholls (The encylopedia of science fiction) et les oeuvres complètes de Gérard Klein telles que l'on peut les trouver sur le site de XLII (donc plutôt une collection de préfaces). Pour un genre aussi vaste et étudié que la SF, cette concentration des sources sur un nombre limité d'items parait assez surprenante. Ce manque de matière est d'autant plus frappant quand on consulte la bibliographie et que l'on y trouve des livres nullissimes comme le Manfrédo chez Le cavalier bleu ou l'infâme Gattégno, ou des chefs d'oeuvres d'approximation et d'erreurs comme le Colson & Ruaud ou le Barets. Avec de mauvais outils comme ceux-là, la qualité du discours ne peut que s'en ressentir. C'est effectivement ce qui se passe avec parfois une nette impression de flou, un manque d'originalité dans certaines analyses ou au moins une absence d'éclairages contradictoires.

L'empire du pseudo.jpg

- Du coup, cette faiblesse du coté des sources primaires explique probablement pourquoi la deuxième partie m'a un peu irrité. Si l'on veut ré-écrire correctement l'histoire de la SF comme veut le faire Langlet, il faut partir sur des bases solides et avoir une vue synthétique, ce qui n'est manifestement pas le cas. Il est vrai que la critique d'un graphique des évènements marquants est toujours subjective et discutable, mais, par exemple, trouver que le seul évènement SF marquant en Grande-Bretagne entre 1990 et 1995 est la tentative (rapidement avortée) de ressortir la revue New Worlds, témoigne d'une vision du genre que l'on peut qualifier de spéciale (spécieuse ?). Langlet n'a pas (ou n'a pas trouvé) le bagage nécessaire pour présenter une chronologie satisfaisante. A mon sens, elle aurait pu exciser cette partie qui est à la fois peu réaliste, atomisée dans son déroulé (qui saute du coq à l'âne) et peu convaincante.

- Les quatres oeuvres étudiés sont (je cite) : "...à la fin du parcours d'environ cent ans qu'a suivi la SF...". Si le choix des oeuvres est peu discutable dans l'absolu (ce sont de bons textes), il a été visiblement fait dans l'optique de proposer une représentation acceptable de la SF. On notera la répartition géographique des auteurs, qui si elle est très 'correcte' et 'cosmopolite' (un écossais, un canadien/américain, un allemand et une franco-canadienne) est assez peu représentative du paysage géographique (par nationalité des auteurs) du genre, même si l'on ne prend en compte que les titres existant en traduction française. Ce point de détail évacué, je reste néanmoins sceptique sur le fait que des oeuvres de 1984, 1990, 1995 & 1999 (dans sa version révisée pour la dernière) puissent être valablement prises comme réprésentatives de "l'état de l'art" de la SF. Pour un livre écrit en 2006 cela fait un gouffre de 22 ans avec Neuromancien. Certes, il faut le temps pour mener une analyse aussi poussée et aussi pertinente que celle là mais la date d'expiration et surtout la relevance des ces oeuvres vis à vis de la SF écrite et publiée de nos jours sont largement dépassées. Du coup, les leçons que l'ont peu tirer de ces romans (thématique, technique...), même si elles restent pertinentes, ne sont pas applicables pour comprendre et décrypter la SF actuelle.

Use of weapons (Orbit 1990).jpg

Que ces quelques critiques ne vous empêchent toutefois pas d'acheter ce livre. Il représente une somme de travail non négligeable et constitue un ouvrage qui est parfaitement digne de figurer parmi les ouvrages de référence majeurs en VF.

Note GHOR : 3 étoiles