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11/09/2009

_Starcombing : Columns, essays, reviews and more_

Starcombing : Columns, essays, reviews and more : David LANGFORD : Cosmos Books : 2009 : ISBN-13 978-0-8095-7348-6 : 233 pages (y compris index) : TP disponible en neuf pour une dizaine d'Euros (existe aussi en HC).

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Comme son long sous-titre l'indique bien, cet ouvrage est un recueil des nombreux textes de Langford. Il rassemble ceux parus entre 2000 et 2004 pour les non inclus dans Up through an empty house of stars et la quasi intégralité de sa production de 2005 à 2009. Pour ceux qui ne connaissent pas Langford, c'est une des figures essentielles du fandom britannique, une légende vivante aux presque 30 Hugos (il me semble qu'il en a eu autant que Locus), un homme extrêmement sympathique et plein d'humour (pour l'avoir un peu rencontré lors des Worldcons), le créateur du fanzine mensuel Ansible (www.ansible.co.uk/) et un puits de science en matière de SF (il est d'ailleurs impliqué sur le projet de la troisième version de la SF encyclopedia voir http://sfe3.org/).

Up through an empty house of stars.jpg

Ce recueil rassemble donc une masse assez diverse de textes dont la majorité est constitué par les courts (au maximum deux pages) billets de Langford dans le magazine SFX (une première sélection antérieure se trouve dans The SEX columns). Ces billets sont des pièces d'humeur généralement plutôt amusantes (sauf quelques moments d'émotion pour certains décès) sur une grande variété de sujets. Outre quelques critiques d'ouvrages (tirées essentielement de Foundation) de MacLeod (Learning the world), Wright (Null-A Continuum) ou McDonald (Cyberabad Days), on y trouve aussi quatre fictions (des short-shorts parues dans Nature) comme c'est l'usage dans les livres de l'auteur, ainsi que diverses pièces plus longues (préfaces, articles sur Harry Potter ou Sladek).

Learning the world (Orbit 2005).jpg

Malgré quelques moments d'émotion, cet ouvrage est plutôt d'une lecture légère. Les piques de Langford contre la vision caricaturale qu'ont du genre les commentateurs extérieurs à celui-ci sont toujours réjouissantes même si elles peuvent faire grincer des dents l'amateur. Cette impression de légèreté est aussi générée par la courte taille des textes ce qui, hormis quelques cas, ne laisse guère à l'auteur la place physique de déployer un discours sur le genre. Dans le même esprit, les fictions sont des textes à chute, des sortes de mises en bouche qui peuvent parfois faire regretter que Langford aie si peu écrit sur des formats plus longs.

The space eater (Baen 1987).jpg

Au final, un livre qui permet de retrouver une voix sympathique et érudite pour ceux qui (comme moi) ne lisent pas SFX. A déguster par petites bouchées pour éviter les quelques redites et savourer l'ensemble.

 

Note GHOR : 1 étoile

10/09/2009

_Cyberpunk _

Cyberpunk : Andrew M. BUTLER : Pocket Essentials (série "Pocket Essential Litterature") : 2000 : ISBN-10 1-903047-28-5 : 96 pages (y compris bibliographie mais pas d'index) : coûtait 4GBP pour un poche.

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Ce livre fait partie d'une collection britannique dont le principe est assez similaire à nos "Que sais-je ?" français. Ce sont des petits guides qui ont pour vocation de faire le tour d'un sujet dans un format aisément transportable. Les sujets couverts sont essentiellement du domaine du cinéma ou des littératures de genre (on notera un opus sur PKD). Cet ouvrage qui vise à faire le tour du Cyberpunk, un sous-genre de la SF à l'existence météorique a été écrit par Andrew M. Butler, une des figures du genre en Grande-Bretagne, membre influent de la BSFA et de la SF Foundation.

Idoru (JL 1999).jpg

Le livre est divisé en sept parties d'une dizaine de pages chacune : 1) "Introduction" qui est en fait une histoire complète du mouvement, de ses précurseurs à ses successeurs ou opposants; 2) "Consensus hallucinations" qui discute des textes centraux du mouvement (ceux de Gibson et Sterling); 3) "The Cyberpunk movement" sur les autres membres déclarés du groupe (de Bear à Shirley); 4) "Post-cyberpunk" qui traite des héritiers du CP dont le plus célèbre est indiscutablement Stephenson; 5) "Cyberpunk-flavoured fiction" sur les écrivains qui ont utilisé l'esprit CP dans des textes ou l'informatique était pourtant absente (de Egan à Womack); 6) "Cyberpunk goes to the movies" qui parcourt les films CP, du fondateur Blade Runner au blockbuster Matrix; 7) "Resource material" une bibliographie primaire (essentiellement) couvrant les textes et les oeuvres audiovisuelles et secondaire (y compris sites web). On notera que les six premières parties se focalisent sur les oeuvres avec une originale grille de lecture constituée de plusieurs rubriques standards typiques du sous-genre (le décor, le héros, la femme fatale, l'angle d'attaque, le style, les bas-fonds et le résultat). Ce livre ne comporte pas d'index.

Headcrash (Aspect 1995).jpg

Comme on pouvait s'y attendre de la part d'un expert comme Butler, le livre remplit parfaitement sa mission. Il présente un des meilleurs panorama de ce sous-ensemble si particulier de la SF. Même si sa concentration sur les textes peut éventuellement occulter les éléments historiques d'une genèse mouvementée, on ressort de cet ouvrage avec une vision claire à la fois du Cyberpunk lui-même mais aussi de toutes les réactions (positives ou négatives) qu'il a pu susciter et de l'héritage qu'il a laissé au reste du genre (on pensera au NSO).

Islands in the net (Ace 1989).jpg

On remerciera aussi Butler de nous avoir épargné de longues tirades convenues sur le Steampunk et de penser à mentionner les "opposants" au CP. Le seul point surprenant est le fait que le roman de Sterling Islands in the net ne soit pas traité alors que son appartenance au Cyberpunk paraît difficile à nier.

Silver screen (Macmillan 1999).jpg

Un ouvrage synthétique, complet, maîtrisé et pas cher, que demander de plus ? Simplement plus de pages pour permettre à Butler d'approfondir un vaste sujet.

 

Note GHOR : 2 étoiles

09/09/2009

_Critique de la science-fiction_

Critique de la science-fiction : Jacques GOIMARD : 2002 : Pocket (collection "Agora" #249) : ISBN-10 2-266-11854-4 : 670 pages (y compris deux index) : une dizaine d'Euros pour un poche épais.

Critique de la science-fiction.jpg

Cet ouvrage est un recueil (partiel) des textes de Jacques Goimard sur la SF (à noter qu'il existe d'autres volumes consacrés aux autres composantes des "transfictions de l'imaginaire" qui rassemblent ses écrits sur ces genres cousins). L'auteur est l'un des grands noms de la SF en France sous de multiples casquettes : essayiste, critique, écrivain, anthologiste et principalement comme directeur de la collection SF de (Presses) Pocket.

Ce monde est notre (PP 1977).jpg

Ce recueil ne contient donc aucun inédit et rassemble des textes publiés sur une période de quarante ans (1961-2001). Il est organisé en trois grandes parties d'inégale longueur : 1) "Vue générale" qui, comme son nom l'indique, survole le genre à la fois sous l'angle historique, thématique ou sociologique; 2) "Historique" qui, comme son nom ne l'indique pas, est une suite d'articles sur des auteurs précis (de Heinlein à Jeury); 3) "Les images", la partie la plus courte qui est principalement constituée d'une longue étude sur 2001. Les essais rassemblés sont extrêmement variables dans leur taille (de deux à quatre-vingts pages). Ils sont tirés d'une grande diversité de sources (revues, revues de SF, encyclopédies, plaquettes, anthologies, omnibus, recueils de nouvelles) mais sont dans l'ensemble des préfaces ou des introductions plus que des oeuvres autonomes. L'ouvrage se termine par deux index, l'un pour les noms propres et l'autre thématique.

Oméga (PP 1977).jpg

M'étant précipité sur ce livre lors de sa sortie, il m'avait alors passablement énervé. Passons d'abord sur la typique habitude des responsables éditoriaux français de se publier dans leurs propres collections (de Klein à Ruaud en passant par Sadoul ou d'habiles utilisateurs de pseudonymes), une pratique qui ne peut que induire des doutes (parfois injustifiés) quand aux qualités réelles des oeuvres ainsi publiées. Ce qui m'avait fortement déplu était l'absence totale d'inédits ou au moins de choses importantes un peu difficiles d'accès. Même si c'est clairement énoncé sur la quatrième de couverture et repris d'une façon détaillée dans une page spécifique, j'ai eu le sentiment de repayer pour des choses que j'avais déjà achetées. En effet, le gros du livre est constitué des préfaces de Goimard à des omnibus et autres livres d'or, textes pour lesquels j'avais déjà payé. En fait les textes que je connaissais pas étaient les rares parutions hors des organes du genre, c'est à dire les textes les plus courts et les moins intéressants (peut-être parce que destinés à un public néophyte).

Le livre d'or de Fritz Leiber (PP 1982).jpg

Outre cet aspect économique, je n'ai pas été convaincu par la prose de Goimard. C'est parfois assez fielleux vis à vis de certains de ses confrères (Sadoul est particulièrement visé) ou des amateurs du genre qui lui on quand même permis de manger pendant un moment. Même si c'est souvent érudit et détaillé (l'article sur Dick est profond et solidement étayé) l'auteur utilise parfois des méthodes fort approximatives et tombe dans l'énoncé de généralités absolument pas démontrées, comme dans l'article sur le lectorat de la SF où il commence par dire qu'il n'existe pas de données fiables mais où il nous livre quand même sa propre vision des choses.

Tu seras un autre (PP 1987).jpg

Au final un ouvrage largement ramasse-miettes et qui, de part sa construction, ne peut présenter une réflexion globale sur le genre. Manquant singulièrement d'une vision unificatrice, c'est au mieux une sorte de "Best-of" de Goimard à réserver à ceux qui n'ont pas les morceaux originaux.

 

Note GHOR : 1 étoile

08/09/2009

_This is me, Jack Vance ! (Or, more properly, this is "I")_

This is me, Jack Vance ! (Or, more properly, this is "I") : Jack VANCE : Subterranean Press : 2009 : ISBN-13 978-1-59606-245-0 : 208 pages (y compris cahier de photographies N&B) : 40 USD pour un HC avec jaquette.

This is me, Jack Vance !.jpg

Jack Vance (né en 1916) est probablement l'un des derniers grands auteurs de l'age d'or encore en vie. Il nous livre ici son autobiographie telle qu'il l'a dictée puisque sa vue défaillante ne lui permet plus d'écrire lui-même. Elle est publiée par Subterranean Press, un petit éditeur américain spécialisé dans les ouvrages luxueux à destination des collectionneurs et qui a à son catalogue une certain nombre de titres de Vance ou autour de lui.

Wyst Alastor 1716 (Coronet 1980).jpg

Comme il s'agit d'une autobiographie, Vance ne déroge pas au format chronologique habituel. Il nous raconte donc sa vie en 13 chapitres d'une longueur assez variable et qui se concentrent plutôt sur ses jeunes années (on atteint à peine 1974 au trois quart du livre). En fait, le terme d'autobiographie est assez trompeur puisque la majeure partie du livre est plutôt ce que les anglo-saxons appellent un travelogue (un journal de voyages en VF), un type de texte que l'on rencontre parfois sous la plume d'autres auteurs de SF (Heinlein en est le meilleur exemple). Dans la pratique, le Jack Vance "auteur" est totalement absent du livre à l'exception d'une partie intitulée "Final word" qui nous donne, visiblement à contrecoeur, quatre pages sur l'écriture. Le livre se termine par un cahier photographique (en N&B) d'une dizaine de pages. Il n'y a pas d'index.

The star king (Coronet 1980).jpg

Etant un grand amateur de Vance, je dois bien avouer que cet ouvrage m'a particulièrement énervé. J'ai tout d'abord été profondément déçu par le texte lui-même. Au début (la jeunesse de l'auteur et les années de marin), on se dit que c'est assez normal qu'il ne se passe pas grand chose d'intéressant et que l'extrême platitude de la narration n'est que le prélude à des parties autrement savoureuses comme Vance sait si bien les faire. Et bien non. Est-ce un symptôme de facultés intellectuelles sur le déclin ? En tout cas, le livre n'offre aucun plaisir en tant que texte. C'est plat, mal écrit et surtout absolument sans intérêt. L'auteur égrène un liste de destinations dont la lecture est aussi passionnante que celle d'un billet d'avion : "Next day we retrurned downriver and flew back to Singapore, then to Hong Kong and finally back to Oakland.". Il nous raconte des trucs aussi importants que le fait qu'il ait donné sa voiture à un garagiste en Allemagne (et c'est tout). Le tout est parsemé d'anecdotes sans aucun intérêt (deux légionnaires français qui sont bousculés lors d'une soirée à Tahiti) ou dont le traitement déçoit de la part de Vance qui nous explique qu'il a dîné dans le meilleur restaurant français (La Pyramide) et que c'était génial mais qui ne nous indique même pas ce qu'il a mangé (on apprend juste que son fils est resté dans la voiture à lire), chose surprenante venant d'un auteur si à l'aise avec la description des plaisir de la table. Il n'y a aussi aucun romantisme. Pour un ouvrage dédicacé à sa femme Norma (décédée en 2008), celle-ci est étrangement absente et traverse le livre comme une silhouette traitée sans émotion ni affection.

Galactic effectuator (Coronet 1983).jpg

Pour ajouter à cette déception vis à vis du texte lui-même, je suis aussi en colère contre l'éditeur. Si, en tant qu'amateur de SF ou de Fantasy, je crache 40 USD pour un livre de 200 pages bien aérées (presque deux fois le prix d'un HC de ce type), c'est parce qu'il s'agit de l'autobiographie de JACK VANCE et que je m'attends à lire des choses sur le Jack Vance qui m'a fait rêver, à savoir l'auteur, mais pas une liste non commentée de noms de lieux et de moyens de transport. Pour être franc, on est presque dans l'abus de confiance et on retrouve bien le positionnement de l'éditeur dont la spécialité est justement les ouvrages hors de prix pour une population de pigeonsclients dans mon genre prêts à mettre la main au portefeuille pour un texte supplémentaire ou un bonus inédit. Je veux bien passer sur le Reynolds à 35USD pour 85 pages mais là je trouve que les limites de l'honnêteté sont atteintes : produit très cher, trompeur (un travelogue pour une autobiographie) et de mauvaise qualité. Cela fleure bon l'exploitation à outrance d'un filon.

The six directions of space (Subterranean 2008).jpg

Globalement, ce livre ne vous apprendra rien sur Vance l'écrivain (si, qu'il utilise un stylo à plume avec de l'encre bleue ou noire), ne vous donnera qu'une vision fugace de Vance l'homme (le jeune homme, le père, le mari, le patriarche) et vous dira presque rien sur le monde vu par l'auteur. Au final cet ouvrage est un joli attrape-gogo ou l'illustration parfaite de la crédulité des passionnés. Lisez et faites lire les fictions de Vance, c'est sûrement le plus bel hommage à lui rendre. 

Marune Alastor 993 (Coronet 1978).jpg

Note GHOR : 0 étoile

07/09/2009

_Fifty key figures in science fiction_

Fifty key figures in science fiction : Mark BOULD & Andrew M. BUTLER & Adam ROBERTS & Sherryl VINT : Routledge (série "Key Guides") : 2009 (on notera un copyright donnant 2010 !) : ISBN-13 978-0-415-43950-3 : xxiv + 288 pages (y compris index) : une vingtaine d'Euros pour un TP (existe aussi en HC et en e-book).

Fifty key figures in SF.jpg

Faisant partie d'une série de guides d'un format similaire publiés par Routledge, cet ouvrage est donc le résultat des cogitations des éditeurs quand aux cinquante personnages clés de la science fiction. Les éditeurs font partie du sérail universitaire du Commonwealth (Vint enseigne au Canada, les autres en Grande-Bretagne)  et ils sont d'ailleurs entourés de la fine fleur des "SF Studies" britanniques. On retrouve en effet au sommaire les noms des auteurs habituels (Attebery, Parrinder,Westfahl...) de ce petit monde.

Decoding gender in science fiction.jpg

Dans la pratique, chacun de ces acteurs clés du genre (49 réels et un personnage de fiction : Le Docteur) est présenté dans un essai d'une demi-douzaine de pages suivi d'une courte (quelques lignes au plus) bibliographie secondaire. En matière de répartition, on relèvera que sur ces cinquante personnes, 35 sont des écrivains (de Asimov à Wolfe) ou des acteurs de la SF littéraire (Gernsback, Suvin) le reste étant essentiellement consacré à des artistes du domaine audio-visuel (cinéma ou télévision, de Gerry Anderson à Spielberg). A ces catégories s'ajoutent un ou deux sociologues (Baudrillard, Haraway), deux auteurs de comics (Lee & Moore) et notre héros de fiction. L'ouvrage se termine par un index particulièrement détaillé.

21st century visions.jpg

En ce qui concerne les entrées individuelles on a, comme d'habitue avec ces ouvrages mêlant de multiples voix, une grande hétérogénéité. En effet, même si ce sont des spécialistes de tel ou tel écrivain (Luckhurst sur Ballard, Rieder sur Robinson ou Westfahl sur Gernsback), certains auteurs ont un peu de mal à se plier au format de l'exercice. Cela donne un format et un ton de chaque texte assez différents, allant de l'analyse thématique (Roberts sur l'enfermement chez Herbert), la mise en perspective historique (Westfahl sur Gernsback), la biographie (Roberts sur Hubbard) à la simple liste commentée d'oeuvres (Murphy sur Egan). A cela s'ajoute le fait que certains s'en sortent plus ou moins bien ou que d'autres s'amusent à évoquer des livres même pas encore écrits (Burling sur Miéville). Ces quelques critiques ne doivent pas masquer le fait que l'ensemble est, d'une façon logique, généralement d'un excellent niveau.

Incandescence (Night Shade 2008).jpg

Mon problème avec cet ouvrage est exactement le même que celui que j'ai eu avec The science fiction handbook, un autre titre récent et d'une provenance éditoriale assez similaire (voir http://ghor.hautetfort.com/archive/2009/08/04/22d9917f66b...).

Pour commencer, je rappelle le projet du livre "... a collection of engaging essays on some of the most significant figures who have shaped and defined the genre." (4ème de couverture). Il se place donc dans une optique affichée de sélection par l'importance pour le genre et son histoire et non de "qualité" ou de représentativité. A mon grand regret, j'estime que cet ouvrage offre une vision complètement biaisée du genre. La question de savoir pourquoi est à poser aux éditeurs même si la présence d'arrière-pensées visant encore et toujours à présenter un visage respectable du genre dans les cercles académiques où ils se meuvent est à peu près évidente.

The science fiction handbook.jpg

Un premier élément éclairant cette volonté de "toiletter" la SF est l'inclusion d'entrées comme celles consacrées à Baudrillard, Haraway voire celle sur Jones. Le premier est certainement un philosophe remarquable, la seconde est une figure à la mode dans les milieux post-modernistes/féministes/socialistes et la troisième est centrale dans la critique SF féministe britannique. Ce sont des théoriciens respectés dont le discours se situe à posteriori mais leur influence directe sur le genre est certainement très faible. Par contre, il sont clairement des cautions de valeur dans le monde académique ("Oui, mais la SF ce n'est pas que des calmars dans l'espace, la preuve, même Baudrillard en parle."). On peut mettre dans le même sac l'article sur Hubbard qui fait plus "reniement des péchés de jeunesse" qu'autre chose, à tel point que Roberts est un peu à la peine pour justifier de son inclusion.

The invaders plan (New Era).jpg

Quand on se concentre sur les écrivains de SF qui sont donc des personnages clés du genre, on assiste à un autre type de travestissement de la vérité. Dire que dans les trente-cinq écrivains les plus importants (pas les meilleurs, ni les plus prometteurs) se trouvent des gens comme Brackett, Capek, Hopkinson, Mièville ou Tepper, c'est juste vouloir donner une image de la SF qui montre combien c'est un genre génial, ouvert  à toutes les minorités (homosexuels, femmes, afro-américains ou encore mieux une combinaison de ces facteurs), post-colonialiste, post-moderniste, féministe, écologique, branché, cultivé... En un mot, parfaitement digne d'intérêt, fréquentable et générateur de bourses de recherche. Je dois avouer que le pompon est atteint par l'essai sur Hopkinson qui, comme elle n'a écrit que deux romans de SF, se trouve forcé de basculer à mi-chemin dans la discussion de textes (The salt roads ou The new moon's arms) qui n'ont strictement aucun rapport avec la science fiction. Cela fait un peu désordre pour quelqu'un faisant partie de la trentaine de personnes clés du genre.

People of the talisman (Ace Double M-101 1964).jpg

A contrario, les exclus sont révélateurs de cette orientation normalisatrice si spécieuse. Le simple fait de ne pas consacrer une entrée à Campbell dans un tel ouvrage est tout simplement indéfendable et ne mérite pas plus de commentaires de ma part. Pour les autres absents, il y a toujours matière à discussion, mais sachez que les personnes suivantes ne sont pas considérées comme ayant eu suffisamment d'influence sur le genre : Aldiss, Blish, Farmer, Gold, Leiber, Pohl, Silverberg, Sturgeon, Vance, Van Vogt... (pour une liste plus réaliste, voir Sabella : Who shaped science fiction ?). 

Who shaped science fiction.jpg

Au final, un livre qui montre bien que l'on ne peut pas (re)faire l'histoire du genre en appliquant la méthode des quotas, une tentation souvent grande dans le monde universitaire. A ce titre la convergence de ce livre et celui de Booker et Thomas est sidérante et les diverses statistiques que l'on peut faire sur les auteurs retenus en matière de sexe, de race ou de nationalité sont assez amusantes. Cette tentative de glisser sous le tapis les "embarassements" de la SF (comme le dirait Disch) n'est pas une pratique très efficace ni très juste. La SF a suffisamment de vraies qualités pour qu'il ne soit pas nécessaire de lui inventer une généalogie acceptable ou de la faire passer pour autre chose. Ce manque d'honnêteté est à mon sens regrettable et décrédibilise totalement un ouvrage qui, sur le fond, est pourtant de qualité.

 

Note GHOR : 2 étoiles (et encore)