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23/10/2025

_Petites histoires de la science-fiction française_

Petites histoires de la science-fiction française : Alain GROUSSET : 2025 : ActuSF (collection "Les 3 souhaits") : ISBN-13 978-2-376866-95-4 (inconnu de l'ISFDB, chez Bruno) : 512 pages (pas d'index ni de bibliographie) : coûte 22.90 Euros pour un épais tp illustré de photos en n&b : disponible chez l'éditeur (merci pour lui), existe aussi en e-book.

français

Pour appréhender le projet de ce livre, il faut absolument lire la courte préface (qui est d'ailleurs titrée "Avertissement"). En effet, l'auteur y indique clairement qu'il n'a pas voulu faire UNE histoire de la SFF mais une "Petite Histoire" de la SFF entre 1945 et 2000 à base d’anecdotes. Sous cet angle, le contrat est rempli. Pratiquement, on est face à une masse d'informations d'intérêt parfois variable (untel était alcoolique, le bureau de unetelle était minuscule) présentée en courts chapitres (de quelques lignes à plusieurs pages) agencés de façon chronologique (du moins pour les dates de début) et patiemment extraites par l'auteur d'une masse de documentation (magazines, fanzines et interviews). Le tout est illustré de photos (surtout des portraits) en n&b dont, bizarrement, les légendes sont regroupées à la fin du livre. 

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Comme ce blog ne serait pas ce qu'il est sans critiques, j'ai un certain nombre de problèmes avec cet ouvrage. Tout d'abord, l'absence d'index (une désagréable habitude chez ActuSF) rend toute ré-utilisation des informations contenues dans le livre complètement illusoire. Pour retrouver une information lue, il faut retrouver l'année où est elle donnée et lire toutes les entrées correspondantes pour espérer retomber dessus. C'est pour cela que l'on a inventé les index. J'ajouterai qu'il existe même, miracle de la technologie, des outils qui le font automatiquement à la mise en page. Sur le plan méthodologique, l'absence d'indication des sources (qui ne sont que parfois mentionnées en passant), peut brouiller la frontière entre les faits, les on-dits ou les ressentis. Elle rend aussi toute vérification ou croisement impossibles.

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Plus gênant est le "focus" de l'ouvrage. Je m'explique. Si l'on dit souvent que la SF est un microcosme, ce livre ne se concentre que sur un "attocosme"  bien précis dont les acteurs se comptent sur les doigts d'une main. Hors de Klein (avec qui l'auteur semble avoir une relation d'amour/haine mais qui apparaît à presque toutes les pages), Dorémieux, Demuth, Sadoul et Goimard, rien d'autre n'existe et rien d'autre ne se fait dans la genre. Cet espèce de jacobinisme parisien (et en plus localisé dans certains arrondissements) est, à la longue un peu lassant et oublie la contribution de tant de personnes qui ont œuvré et œuvrent toujours pour la SF, en particulier en province. Juste un exemple, il ne me semble pas avoir vu évoqués AFR, les fanzines Sfère (pourtant parisien) ou Vopaliec et leurs équipes (mais bon, en l’absence d'index, dur de vérifier). Finalement, je me pose la question (mais en fait c'est plutôt à l'éditeur de le faire) de quels sont les lecteurs cibles de cet ouvrage. En ce qui me concerne, je n'ai à peu près rien appris de nouveau, et cela doit aussi être vrai pour les personnes qui connaissent relativement bien le genre et son histoire. C'est donc un public plus néophyte qui doit être visé. Mais, dans ce cas, ces lecteurs néophytes risquent d'être "noyés" face à des masses d'évènements, d'œuvres ou de personnes qui ne leur diront sans doute absolument rien (la collection "Cosmos" de Grand Damier ?). La question est finalement de savoir s'il existe une clientèle pour ce titre qui dépasse la centaine d'individus et partant, de l'opportunité économique de le publier pour une maison d'édition convalescente. Mais bon, ce n'est pas mon problème.

français

Au final, c'est quand même un ouvrage distrayant et d'une lecture agréable sous la plume d'un vrai connaisseur du microcosme. Je pense qu’il est préférable de le lire par petites touches et que son effet principal sera de rappeler des souvenirs (de lectures ou d'évènements) à certains.  Et puis, un livre qui cite le fanzine Avallon est forcément un livre digne d'être lu.

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Note GHOR : 1 étoile (sans intérêt véritable AFAIC)

13/07/2025

_Science Fiction and Narrative Form_

Science Fiction and Narrative Form : David ROBERTS & Andrew MILNER & Peter MURPHY : 2023 : Bloomsbury Academic (série "Literary Studies") : ISBN-13 978-1-350-35074-8 (la fiche ISFDB du titre) : vi+231 pages (y compris index et bibliographie) : coûte 85.00 GBP pour un hc sans jaquette non illustré, disponible chez l'éditeur sous divers formats et en promo.

Science fiction and narrative form.jpg

Cet ouvrage est présenté comme une sorte de suite à The Theory of the Novel de Georg Lukacs qui (si j'ai bien compris) présentait le roman contemporain comme une forme sclérosée. Les auteurs avancent donc que la SF est seule à même d'en dépasser les limites. Ça, c'est le projet tel qu'il est annoncé. Dans la pratique, ce livre est un assemblage de quatre essais. Deux sont de Milner (un spécialiste du genre à qui l'on doit entre autres cet ouvrage) et un chacun pour Roberts et Murphy (qui sont des purs "extérieurs" au domaine, des professeurs -langue et sociologie-  qui n'ont rien écrit sur celui-ci). 

The three-body problem (Tor 18th hc).jpg

Le premier essai (Roberts) est typique en ce sens qu'il parle de tout le domaine de compétence de l'auteur (Defoe, Hegel,, Nietzsche, Tournier) sauf de SF, c'est jargonnant au possible et proche (AMHA) de l'illisible. Le deuxième (Milner) tourne autour des liens entre romans historiques et SF puis dérive vers la Cli-fi (la SF à la mode d'il y a quelques années). Le troisième (Murphy) renferme sans doute une intéressante étude du cycle Fondation qui se retrouve malheureusement encapsulée dans un fatras de théorie littéraire. Le court (10 pages) dernier essai (Milner de nouveau) traite brièvement de World SF (= la SF non US/GB). À cela s'ajoute une bibliographie par essai et un index.

Foundation's edge (Bantam 21st pb).jpg

J'avoue avoir eu plusieurs fois la tentation de ne pas finir le livre. En effet, lire des pages de texte d'un auteur pour qui la SF c'est Michel Houellebecq m'a fait largement dépasser mon seuil de tolérance à l'amateurisme. Du coup, j'ai lu le reste en diagonale, incapable de m'y intéresser vraiment. Un livre qui se paie trop cher pour une absence de projet et une connaissance du genre lacunaire. Sans doute à réserver aux spécialistes en théorie littéraire mais pas aux amateurs de SF.

Do androids dream of electric shhep (Gollancz 16th tp).jpg

Note GHOR : 0 étoile (pas pour moi)

18/06/2025

_Guerre des mondes !_

Guerre des mondes ! : Invasions martiennes, de Wells à Spielberg : Jean-Pierre ANDREVON : 03-2009 : Les Moutons Électriques (collection "Bibliothèque des miroirs") : ISBN-13 978-2-915793-69-7 (inconnu de l'ISFDB, dans la base à Bruno avec une couverture différente) : 186 pages (y compris index et bibliographie) : coûtait 19 Euros pour un tp presque carré avec couverture à rabats et illustré essentiellement en n&b : trouvable d'occase.

Guerre des mondes !.jpg

Paru dans la collection de référence (sic) des Moutons (celle avec les points d'exclamation dans leurs titres), cet ouvrage est présenté comme un "tour d'horizon complet" (je cite la 4ème de couverture) de la menace martienne. En fait il s'agit plutôt d'une sorte exposition autour du roman éponyme de Wells. On trouve en effet une partie "sources" sur Wells et le roman, une partie "prolongements" (en gros les adaptations du roman dans d'autres médias)  et une partie "ouvertures" (la plus courte) sur d'autres œuvres. Le tout est rédigé par Jean-Pierre Andrevon promu pour l'occasion "spécialiste de la science-fiction". Le livre propose un index et une bibliographie rachitique (6 tiitres !) et l’inévitable publicité pour l'éditeur. Comme pour les autres ouvrages de la série, on notera une iconographie nombreuse (mais parfois réduite à la taille d'un timbre poste) caractérisée par l'absence de légendes ou de crédits. 

La guerre des mondes (LDP 1962-3T).jpg

Pour éviter de me répéter au sujet de cet éditeur (et de cette série), tout cela ne va pas bien loin, ni très profond ni avoir demandé un travail intense (il n'y a qu'à voir la taille de la bibliographie). L'auteur réussit à éviter toute analyse un tant soit peu fouillée au profit de longues énumérations, d'extraits du roman et de diverses approximations hâtives (l'armée US équipée de canons de 88 !). Pour des choses un peu plus sérieuses, il existe un grand nombre de titres sur Wells ou des livres comme celui Crossley. Le tout n'est finalement pas désagréable (on y voit plein de couvertures du roman et de tripodes) mais reste très superficiel.

88 mm Flak.jpg

Note GHOR : 1 étoile (sans grand intérêt)

10/02/2025

_The Plurality of Imaginary Worlds_

The Plurality of Imaginary Worlds : The Evolution of French Roman Scientifique : Brian STABLEFORD : 2016 (pour l'EO, POD sans date pour cette édition) : Black Coat Press :  ISBN-13 978-1-61227-503-1 (la fiche ISFDB du titre) : 671 pages (y compris annexes, index et bibliographie) : coûte 49.95 USD pour un tp illustré en n&b, disponible chez l'éditeur .

The plurality of imaginary worlds.jpg

"Où était passée la Science Fiction Française avant la guerre ?" C'est la question que se posent les historiens du genre en constatant son éclipse dans notre pays entre Jules Verne (un de ses fondateurs) et l'arrivée de la SF US annoncée par le célèbre article de Boris Vian en 1951. Alors que le genre acquérait un nom et se structurait (avec ses auteurs spécifiques, un public identifié et un système de parutions lui étant destinées) dans les pays anglo-saxons, rien de tel en France. Même si certains (Lehman et ses disciples) ont voulu nous faire croire à une uchronie où la SFF (en tant que mouvement/genre/école/catégorie identifiable) existait vraiment, force est de constater que personne n'en a jamais trouvé de traces convaincantes. Tout ce que l'on a pu exhumer, c'est un certain nombre de concepts qui n'ont jamais vraiment pris et souvent liés à un unique intervenant (Maurice Renard par exemple) : "roman expérimental", "fantaisie scientifique", "merveilleux scientifique", "roman parascientifique" ou "roman scientifique". C'est sous ce dernier label que Stableford a décidé de regrouper la SFF d'avant la 2GM. Profitant de son travail de traducteur infatigable de textes de proto-SF francophone d'avant 1950 tels que parus chez le même éditeur, il a donc entrepris de construire une histoire de l'évolution du "roman scientifique" (lire "de la science fiction") français (francophone).

La guerre fatale (Flammarion).jpg

C'est donc le résultat de cette reconstruction historique qu'il nous livre dans cet ouvrage dense qui va des premiers "voyages imaginaires" ou "contes philosophiques" (encore d'autres termes à rajouter à la liste) de la Renaissance à la collection Les Hypermondes démarrée  à l'aube du second conflit mondial. Pour ce faire, Stableford s'est plongé dans une masse de textes (et leur paratexte) parfois difficilement trouvables (car parus uniquement dans des magazines disparus et consultables seulement via la BNF), un travail acharné et remarquable (sur lequel certains "historiens" du genre pourraient prendre exemple). Après une indispensable introduction sur les questions de terminologie et de taxonomie, l'ouvrage est organisé de façon classique par ordre chronologique en six grands chapitres eux-mêmes subdivisés en plusieurs parties. Le tout est illustré de vignettes des couvertures des livres évoqués. On notera la présence d'un chronologie des textes, d'une bibliographie (avec la plupart des textes de référence existants en VF) et d'un index. On a aussi (publicité gratuite) une liste des textes référencés publiés par le même éditeur.

L'avion fantastique (Nathan 1936).jpg

Indépendamment du travail de fourmi mené par Stableford qu'il faut admirer, la question est : "Est-il crédible dans sa tentative de découvrir l'existence en France d'un genre/mouvement/école qui se serait appelé le Roman Scientifique ?". En ce qui me concerne, j'avoue n'être toujours pas convaincu. Ce que nous livre Stableford est certes un vaste (+ de 300) catalogue de textes de SF/proto-SF, mais leur inscription dans un genre à l'existence documentée et continue n'est pas, à mon avis, clairement établie. En gros, je trouve que Stableford plaque sur un ensemble de textes identifiés une continuité, une démarche qui n'est pas attestée par la réalité et qui fait que le "Roman Scientifique" de son sous-titre reste, AMHA, une pure construction intellectuelle à postériori. Pour filer la métaphore mathématique, un ensemble de titres discrets ne peut pas vraiment constituer un continuum.

La guerre ! La guerre ! (Tallandier 1939).jpg

Malgré tout, le livre est une mine d'information et de pistes à explorer. Il est aussi fascinant de voir combien de thèmes et d'idées de la SF anglo-saxonne peuvent être reliés à des textes français (mais il s'ait là plus d'évolution parallèle que de plagiat). On pourrait presque le voir comme un Versins (c'est assez long à lire, 600 pages serrées) mais en nettement plus détaillé (au niveau des intrigues mais aussi du contexte littéraire ou éditorial des œuvres) et en pratique beaucoup plus facile et agréable à lire qu'une encyclopédie. C'est donc une réussite et un ouvrage indispensable pour qui veut se pencher sur la proto-SF française ou qui voudrait se lancer dans la lecture de cette masse de textes dont la plupart sont probablement illisibles de nos jours.

La révolte des pierres (NRC 1930-10).jpg

Note GHOR : 3 étoiles (pas forcément pour la thèse centrale)

17/02/2024

_Futuristic Cars and Space Bicycles_

Futuristic Cars and Space Bicycles : Contesting the Road in American Science Fiction : Jeremy WITHERS : 2023 (pour le tp), 2020 initialement : Liverpool University Press (série "Liverpool Science Fiction Textes and Studies" #66)  : ISBN-13 978-1-80207-834-3 (la fiche ISFDB du titre) : xii+253 pages (y compris index et bibliographie) : coûte 24.00 GBP pour un tp avec quelques illustrations en n&b, disponible chez l'éditeur, existe aussi en hc et ebook.

Futuristic cars and space bicycles.jpg

Dans cet ouvrage, Jeremy Withers (un professeur d'anglais dans une université américaine et dont c'est le seul ouvrage connu sur le genre) analyse les rapports complexes de la SF américaine (et seulement celle là) dans divers supports avec l'automobile et les moyens de transports individuels à roues (cela inclut donc les bicyclettes mais aussi les skateboards et autres aérocars). Mêmes s'ils sont réduits généralement à de simples éléments de décor, leur perception et leur description dans le genre passeront par divers stades, de l'optimisme des pulps à la défiance de la cli-fi pour la voiture thermique et, à l'inverse, du jouet marketé pour les enfants (après la 2GM) à moyen de déplacement vertueux pour le vélo.

Les roues des ténèbres (Mbt 1974).jpg

Organisé en six chapitres (plus une introduction, une conclusion, une bibliographie et un index), l'ouvrage suit une trame chronologique pour les cinq premiers qui se concentrent sur la SF écrite. Le dernier aborde la SF dans d'autres médias (cinéma -les films de Spielberg-, TV -la série Stranger Things- et comics -Paper Girls-). On y croise la plupart des textes qui se concentrent sur la mobilité comme sujet principal (et non comme accessoire), textes dont le nombre n'est finalement guère élevé. De The Revolt of the Pedestrians (Keller) à Bacigalupi, l'auteur dresse un panorama des attitudes changeantes du genre. Le tout est servi par une grande maîtrise de l'auteur des deux domaines qui s'intersectent, la SF et la mobilité (il y a de nombreuses notes et références pour ceux qui veulent aller plus loin) et par un discours qui reste parfaitement lisible et nous évite le jargon universitaire.

The windup girl (Night Shade 2009).jpg

Au final, on est là face à un vrai "ouvrage de référence" qui aborde, présente et décortique un thème précis en pleine connaissance de son sujet. C'est du solide à qui un esprit chagrin comme le mien ne pourra que reprocher une structure parfois un peu trop académique (les chapitres commencent par un -redondant- abstract de ce qui va être dit et se terminent par un résumé -aussi redondant-), un militantisme écologique qui fait parfois surface (le vélo c'est trop génial !) et un passage par les "figures imposées" de l'académisme à la mode (mais que vient vraiment faire tout UKLG dans cette galère ?). Mais ce ne sont là que des reproches mineurs pour un livre qui ne dépare dans une des meilleures collections de textes sur le genre.

Astounding 1951-06.jpg

Note GHOR : 3 étoiles (c'est ce que j'attends d'un ouvrage sur la SF)