25/01/2022
_Alien abduction_
Alien abduction : L'enlèvement extraterrestre de la fiction à la croyance : Michel MEURGER : 1995 : Encrage (série "Interface" et/ou revue "ScientifictionS #1-1") : ISBN-10 2-906389-62-5 (la fiche ISFDB du titre) : 253 pages (y compris index) : coûtait 250 Francs pour un petit hc illustré en n&b, parfois trouvable d'occase.
Cet ouvrage est donc un objet un peu hybride, à la fois ouvrage de référence et numéro d'une revue (qui n'aura visiblement que deux numéros). Dans la pratique, il s'agit d'une étude complète sur les interactions entre la SF et les croyances "soucoupistes" (en fait tout ce qui est relatif aux visites extraterrestres sur Terre). Meurger déroule donc l'histoire de ce type de récits d'enlèvements d'hommes par des créatures autres, que cela soit d'abord par des fées (ou des lutins ou de trolls ou des dieux) ou par la suite perpétrés par des petits hommes verts (ou gris) avec examens médicaux et tout le folklore des "abductees". Pour chacune de ces vagues de superstitions, il montre comment elle sont généralement l'écho d'une imagerie préexistante qui trouve sa source dans la SF légèrement antérieure (les "airships" après Jules Verne, les Martiens après Wells, les vaisseaux en forme de soucoupes après les pulps des années 30 et les civilisations souterraines nous influençant d'une façon maléfique après Palmer). Le tout en une dizaine de chapitres bourrées de notes de bas de page, illustrés et ordonnancés dans l'ordre chronologique. On notera l'absence d'une bibliographie regroupée (les références doivent se prendre à la volée en bas de page) et la présence d'un index qui n'est hélas que thématique.
À la lecture, on ne peut qu'être fasciné par l'érudition de l'auteur, que cela soit dans le domaine de des para-sciences que dans celui de la SF (en VO ou en VF). L'ensemble est très dense (c'est écrit assez petit !) et nécessite une certaine attention à la lecture. De plus, la thèse de Meurger, à savoir que les récits d'enlèvements ont de nombreux points communs avec les récits SF caractéristiques de chaque époque, est parfaitement étayée et démontrée par de nombreux rapprochements.
Là où je suis moins enthousiaste, c'est sur une certaine dérive "Moskowitzienne" de l'auteur. Comme Moskowitz, Meurger partage un peu le célèbre travers de l'érudit américain qui est de détecter des influences entre textes de SF (pour Moskowitz) ou entre fictions et récits pour Meurger en se basant uniquement sur des ressemblances dans les descriptions (on trouve dans X presque le même ET/vaisseau/mode opératoire que dans Y, donc Y, qui est postérieur, a dû lire X) sans aller beaucoup plus loin (par exemple en se basant sur des recoupements ou des informations sur les auteurs, informations qui sont effectivement presque inexistantes). En gros (et AMHA), ce n'est pas parce que Kenneth a parlé de soucoupes volantes qu'il a "péché" cette idée dans tel ou tel numéro de magazine de SF (par exemple celui qui illustre la couverture de l'ouvrage). On apprend seulement que une petite partie des "contactees" ou des "abductees" sont des amateurs de SF, ce qui est assez mince pour en tirer une relation de cause à effet. Du coup, j'ai bien plus apprécié le côté historique extrêmement détaillé de l'ouvrage plutôt que sa partie plus analytique.
Note GHOR : 2 étoiles (pour le travail de fourmi et le côté un peu "barré" du sujet)
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20/01/2022
_Science Fiction and Catholicism_
Science Fiction and Catholicism : The Rise and Fall of the Robot Papacy : Jim CLARKE : 2019 : Gylphi (série "SF Story Worlds: Critical Studies in Science Fictio") : ISBN-13 978-1-78024-084-8 (la fiche ISFDB du titre) : x+281 pages (y compris index et bibliographie) : coûte 17.99 GBP pour un petit tp non illustré, disponible chez l'éditeur.
Paru dans l'intéressante (et plutôt britannico-centrée) collection d'ouvrages de références de Gylphi, ce récent ouvrage part du constat fait par Clarke qu'une partie disproportionnée des textes de SF comporte comme acteurs des prêtres ou l'institution catholique elle-même dans sa structure ou ses symboles. En effet, sur ces thématiques viennent immédiatement à l'esprit de nombreux exemples avec des textes d'auteurs comme Simak, Silverberg, Farmer, Blish, Clarke, Simmons ou Mary Doria Russell. Il faut noter que cette présence très forte du catholicisme est sans plus surprenante pour des anglo-saxons (on va dire plutôt chrétiens mais pas forcément catholiques) que pour des latins, d'où le constat de Clarke.
L'ouvrage s'ouvre par en une longue introduction qui détaille un peu l'historique des rapports entre SF et catholicisme sous l'angle des territoires culturels ou sociétaux (le futur, le sublime...) que ces deux entités se discutent depuis longtemps. Suivent ensuite quatre longs (une cinquantaine de pages) chapitres qui abordent successivement 1) l'opposition entre les deux, l'une étant qualifiée de "counter-narrative" de l'autre; 2) les rapports entre le catholicisme et la question de l'intelligence ou l'âme de la machine ou de l'ordinateur (ce qui mène aux robots-papes du sous-titre de l'ouvrage); 3) la même problématique mais vis-à-vis des extraterrestres et 4) le cas particulier des uchronies (souvent dystopiques) décrivant des sociétés catholiques. Une très courte conclusion, une bibliographie globale et un index complètent l'ensemble.
Après un début que j'ai parfois trouvé un peu trop wikipediesque sur l'histoire croisée de la SF et du catholicisme, j'ai rapidement été séduit par les thèses de Clarke. Il reprend en gros la position développée par Adam Roberts dans cet ouvrage, à savoir que la SF, même si elle est culturellement chrétienne, est plus protestante (ou anglicane ou réformiste) que catholique, à l'inverse de la fantasy. Comme dans la culture et la société anglo-saxonne il semble y avoir en permanence une espèce de peur d'un complot catholique pour reprendre le contrôle et que la SF est un genre lui-aussi anglo-saxon (n'en déplaise à une certaine frange d'universitaires français), il s'est presque naturellement créé un antagonisme entre les deux, chacun jouant le repoussoir pour l'autre (obscurantisme fanatique contre athéisme iconoclaste).
En ce qui me concerne, outre la pertinence du discours de l'auteur, que je trouve très juste, j'ai aussi été séduit par la vaste culture SF de Clarke (on y croise même Charles Duits) et par une focalisation sur la SF écrite qui nous change agréablement des auteurs dont l'érudition s'arrête à Dune ou Star Trek (même si Clarke fait référence aux deux dans son livre). Sur le fond, on pourrait sans doute argumenter que la position de la SF face au catholicisme est plutôt celle d'une superbe ignorance (ou d'une certaine incompréhension) que d'une détestation active telle que la postule l'auteur. En tout cas, une jolie démonstration dans laquelle il est agréable de se plonger même si certains élans mystiques peuvent surprendre l'athée que je suis.
Note GHOR : 3 étoiles
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14/12/2021
_Cyberpunk's Not Dead_
Cyberpunk's Not Dead : Laboratoire d'un futur entre technocapitalisme et posthumanité : Yannick RUMPALA : 2021 : Le Bélial' (série "Parallaxe") : ISBN-13 978-2-84344-984-0 (la fiche ISFDB du titre) : 252 pages (y compris bibliographie) : coûte 16.90 Euros pour un petit tp non illustré, disponible chez l'éditeur, existe aussi en ebook (978-2-38163-026-7).
Je dois avouer que je n'ai pas vraiment saisi le projet qui sous-tend ce livre. À en croire la 4ème de couverture, il s'agit à la fois d'une perspective historique sur ce "mouvement" et d'une sorte de comparaison de ses projections avec la réalité, quarante ans après l'écriture des œuvres étudiées. Dans la pratique, l'ouvrage se révèle plus comme être une sorte de précis sociologique du monde cyberpunk "standard" (avec cowboys de la console, métropoles asiatiques, publicité envahissante, pauvreté endémique et toute l'imagerie issue de Blade Runner). Outre une introduction et une conclusion qui discute de l'aspect utopique (ou pas) des textes, le livre est divisé en six grands chapitres correspondants à autant de thématiques (l'informatique, le capitalisme, la ville, le corps, le crime et le cyberspace). On notera de copieuses notes (20 pages), une bibliographie rachitique (voir plus bas) et, hélas, l'absence d'index qui rend le livre difficilement utilisable comme référence.
Pour être encore plus précis, cet ouvrage peut être en fait considéré comme une sorte de guide touristique (et un peu sociétal) de la trilogie Sprawl de Gibson et plus particulièrement de son premier volume (Neuromancer pour ceux qui ne suivent pas). En effet Rumpala peine particulièrement à couper le cordon avec les mondes Gibsoniens (à la louche une référence sur deux est à Neuromancer et un autre quart concerne les deux autres tomes de la trilogie). Du coup, il les parcourt en long en large et en travers, presque comme s'ils étaient réels (on y suit par exemple les grandes manœuvres capitalistiques des conglomérats telles qu'interprétées par Rumpala).
Déjà que j'ai toujours trouvé que le "mouvement" cyberpunk était une énorme baudruche (voir ici par exemple), on ne peut pas dire que le travail de Rumpala m'ait fait changer d'avis. La pauvreté de la bibliographie de cet ouvrage (deux petites pages dont une uniquement de textes de Gibson) est sans doute soit la marque d'une certaine légèreté dans la recherche de sources (ce manque de profondeur est d'ailleurs aussi le cas d'un autre titre de la même série) soit la confirmation que le cyberpunk ne "tient" qu'en une petite dizaine de romans. Il est dommage pour ses théories que Rumpala fasse l'impasse sur un tel nombre d'auteurs moins connus (de lui ?) comme Baird, Platt, Maddox, Laidlaw et tant d'autres.
Au final, un ensemble beaucoup trop léger qui, même s'il montre que l'auteur a bien digéré ses classiques sur le genre (Suvin, Abbott, Jameson, Vint...), n'apporte pas grand chose de plus que la simple lecture des quelques romans listés dans la bibliographie, si ce n'est un certains nombre de lieux communs (le futur CP c'est pas cool sauf si on est riche, les gens peuvent devenir des drogués de l’ordinateur, le futur sera asiatique...). En tout cas, ce ne sont pas les tics employés par l'auteur (les numéros de chapitres écrits en binaire) qui me rendront l'ensemble plus sympathique. A ce prix là, je m'attendais à mieux.
Note GHOR : 1 étoile
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29/11/2021
_Remainders of the American Century_
Remainders of the American Century : Post-apocalyptic Novels in the Age of US Decline : Brent Ryan BELLAMY : 2021 : Wesleyan University Press : ISBN-13 978-0-8195-8032-0 (la fiche ISFDB du titre) : xiv+270 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 24.95 USD pour un tp non illustré, disponible chez l'éditeur, existe aussi en hc (8031-3) et ebook (8033-7).
Sous la plume d'un professeur canadien, "théoricien" de pas mal de choses (science fiction, énergie, écriture, écologie, voir son site), cet ouvrage est donc consacré à la littérature post-apocalyptique depuis la 2GM et ne mentionne que brièvement les diverses adaptations cinématographiques de textes "canoniques" comme The Road, I Am Legend ou La planète des singes. Comme l'indique son sous-titre, ce sous-genre (Bellamy avance même l'idée qu'il s'agit d'un mode plus que d'un genre) est évoqué sous l'angle du déclin (réel ou supposé) des États-Unis et se caractérise par sa nature soustractive qui va laisser un certain nombre de restes (les "remainders" du titre). Paradoxalement, pour un genre qui traite de fins du monde, ces apocalypses sont souvent l'occasion d'un nouveau départ sur la base de ces fameux restes (on pensera à The Postman et -surtout- à A Canticle for Leobowitz).
Après une longue introduction (30 pages), le livre est divisé en deux parties : la première essaie de définir ce fameux "mode" post-apocalyptique en déterminant ses éléments spécifiques au sein du genre SF (la soustraction, les restes et en particulier les livres); la seconde étudie en détail quelques points particuliers (l'idée même des USA, la race, la reproduction et l'automobile/l'énergie fossile) tels qu'ils y sont abordés. Outre une conclusion, l'ouvrage comporte une copieuse bibliographie et un index.
Il existe déjà un nombre significatif de livres sur le post-apocalyptique, un genre qui avait un peu disparu après la fin de la guerre froide mais qui revient sous forme de hordes de zombies ou via le dérèglement climatique (en attendant les textes sur le COVID). On en trouve sous diverses formes, diverses plumes et divers focus. Par exemple, on pensera à Chelebourg, Brians ou Yoke (et ce n'est qu'une petite partie des ouvrages évoqués ici-même). L'analyse de Bellamy, même si son corpus est d'un classicisme certain, offre, malgré sa logique américano-centrisme affichée (après tout c'est le thème du livre), une approche originale.
En effet, la première partie offre un cadre théorique original, qui s'il n'est pas vraiment révolutionnaire dans son concept (le post-apo comme mode du "moins"), a le mérite de permettre une certaine efficacité dans l'analyse. J'ai par contre un peu regretté que l'autre axe d'analyse choisi par Bellamy, celui d'une lecture typiquement États-unienne des textes, se soit révélé relativement peu développé alors qu'il semblait prometteur. À la place, on a un chapitre sur les races (centré sur Farham's Freehold) et un autre sur les figures féminines (centré sur The Road) qui sont sans doute plus dans l'air du temps. Le tout forme un ensemble très lisible qui rappellera pas mal de souvenirs de lecture aux plus anciens.
Note GHOR : 2 étoiles
16:49 | 16:49 | Ouvrages thématiques | Ouvrages thématiques | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : anglais, 2 étoiles | Tags : anglais, 2 étoiles
29/10/2021
_Pscience Fiction_
Pscience Fiction : The Paranormal in Science Fiction Literature : Damien BRODERICK : 201 : McFarland : ISBN-13 978-1-4766-7228-1 (la fiche ISFDB du titre) : ix+235 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 45.00 USD pour un tp non illustré, disponible chez l'éditeur, existe aussi en ebook (-3197-4).
Damien Broderick, un Australien qui vit au Texas, est à la fois auteur de textes de science-fiction (une vingtaine de romans de sa plume mais aussi des expansions "autorisées" de textes de Brunner) et un des théoriciens du genre (au moins une vingtaine d'ouvrages dont plusieurs ont été évoqués ici). Visiblement, il est aussi très intéressé par les phénomènes Psi et semble vraiment y croire (voir son Evidence for Psi chez le même éditeur). Il a donc réuni ces deux centres d'intérêt dans cet ouvrage qui est consacré à l'étude de ce que Broderick appelle "Pscience Fiction" (le terme est joliment inventé), c'est à dire la partie du genre qui explore des sujets comme la télépathie, la précognition, la téléportation ou la RV (Remote Viewing = Vision à Distance).
Après une préface et une introduction, Broderick entreprend d'analyser dans l'ordre chronologique une certain nombre de textes (une soixantaine, répartis en 44 chapitres correspondant généralement à un roman ou alors à plusieurs nouvelles). De Go Home, Unicorn (un roman peu connu de Macpherson paru en 1935) à un quatuor de nouvelles des années 1960-1990 (Anderson, Silverberg, Stableford, Cherryh), il nous détaille en quelques pages les classiques se rattachant à la Pscience Fiction (Slan, Dying Inside, Psion, Ubik) ainsi que plusieurs "univers" fictifs (Darkover, Dune, Bossy) s'y rattachant. Après une conclusion qui récapitule le projet de Broderick, se trouvent, outre un index et un bibliographie, deux annexes consacrées l'un à état des lieux de la recherche dans le domaine du paranormal et l'autre spécifique au thème de la vie après la vie dans la SF.
Il est clair dès le début que l'idée de Broderick d'un sous-genre orienté Psi au sein de la SF n'est pas vraiment originale, on croirait parfois (re)lire le (ou les) chapitre(s) correspondants des diverses encyclopédies qui existent depuis des années, d'autant plus que, comme il l'explique bien, sont corpus est assez daté (autour années 50) pour des raisons historiques liées à l'évolution des thématiques centrales du genre. Du coup, l'amateur plus tout jeune retrouve avec plaisir des textes emblématiques (The Demolished Man, The Stochastic Man ou The Witches of Karres) que l'auteur fait revivre tout en leur apportant un regard (parfois) critique t une certaine mise en perspective.
Une fois passé le plaisir d'avoir retrouvé de vieux compagnons de lecture, se pose la question de savoir quel est l'intérêt réel de ce livre. Outre une possible réaction épidermique comme la mienne aux croyances manifestées par Broderick (qui semble persuadé par exemple qu'un certain Joe McMoneagle a pu dessiner l'intérieur passé et futur d'une base de sous-marins russes Typhoon), la structure même du livre, atomisée, l'empêche de déployer une théorie satisfaisante de sa Psience Fiction autrement que par bribes et redites dans chaque chapitre. Il manque visiblement à l'ouvrage, une partie "synthèse" conséquente après la sympathique partie "exposition". De plus, et c'est strictement personnel, j'ai toujours eu du mal avec le style de Broderick que je trouve parfois difficile à suivre. Finalement un ensemble qui, en ce qui me concerne, n'est pas suffisamment intéressant ni assez construit pour sortir de la simple liste de titres. Dommage.
Note GHOR : 2 étoiles (à peine)
16:42 | 16:42 | Ouvrages thématiques | Ouvrages thématiques | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (4) | Commentaires (4) | Tags : anglais, 2 étoiles | Tags : anglais, 2 étoiles