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04/09/2008

_Positions and presuppositions in science fiction_

Positions and presuppositions in science fiction : Darko SUVIN (1930-) : Kent State University Press : 1988 : ill Goya : ISBN-10 0-87338-356-7 : 227 pages (y compris index et biblio) : une grosse vingtaine d'euros d'occase pour un HC avec jaquette.

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Cet ouvrage est un receuil d'essais de Darko SUVIN, un des grands de la théorie SF des années 80. Il est en particulier l'inventeur du terme "cognitive estrangement" comme définition de la SF. Il postule que la SF est une littérature de l'étrange (au sens d'écart avec le réel connu ou perçu par le lecteur) mais que cet écart est connaissable par un processus cognitif (en règle générale la sciene). C'est un analyste de tendance plutôt marxiste et, chose rare chez nos amis anglo-saxons, un grand connaisseur de la SF européenne (est-européenne pour être plus précis).

Ces essais datent de 1974 à 1984 et sont parus dans l'habituelle galaxie des publications académiques spécialisées (SFS) ou non.

L'ouvrage est organisé en trois parties :

- "Some presuppositions" : deux articles qui posent les défintions à la fois de la SF et d'une théorie 'sociale' de la littérature.

- "On SF théory" : 5 articles qui creusent divers aspects du genre (les rapports entre SF et Utopie qui les lie nettement, l'enseignement critique de la SF, l'idéologie dans la SF et sa critique...).

- "Seven writers" : comme son nom l'indique, une analyse (parfois de seconde main, hélas) de sept écrivains. Cette partie traite d'Asimov, Effrémov, Lem dans un article qui les compare tous les trois, en trouvant le premier, oh surprise, comme étant le moins bon, puis consacre un article chacun à Dick, Le Guin, les Strugatsky & les Braun (un couple d'acrivains de la RDA).

Il se termine par une conclusion surtout notable par le fait qu'elle offre sur la fin un éclairage original sur un texte de Cordwainer Smith (The lady who sailed the Soul).

Il y a quelque chose de très démodé dans cet ouvrage.

Mon impression est certainement dûe aux auteurs abordés. Certains (Dick, Lem, Le Guin) sont typiques de la critique académique de l'époque (les années 80) où tout le monde voulait écrire sur eux et, même si Suvin s'en tire AMHA plutot bien sur Dick, ces articles sont un peu courts face aux livres entiers sur ces auteurs qui peuvent déployer une argumentation nettement plus fournie. En reste une impression de survol tempérée par le fait que certains auteurs abordés le sont assez rarement, par exemple les Braun, même si l'enthousiasme de Suvin parait un peu artificiel et les textes mentionnés pas particulièrement séduisants ni originaux (de toutes façons ils sont introuvables).

Ce qui donne aussi son âge à cet ouvrage est aussi la conviction implicite et explicite dans le choix des auteurs étudiés (3 Américains, 1 Polonais, 2 Russes et 1 Allemand de l'Est) que la SF est un genre véritablement international où toutes les pays participent à égalité. C'était peut- être vrai à l'époque, cela ne l'est plus maintenant où le marché du genre est indiscutablement dominé par une SF (et encore plus une Fantasy) anglo-saxonne qui, dans la plupart des pays, pèse d'un poids supérieur à la SF autochtone. Cette "Internationale de la SF" était une belle idée mais relève désormais du domaine de l'uchronie.

L'ignorant en matière de théorie littéraire que je suis a aussi trouvé certaines portions de textes un peu difficiles à suivre, par manque de connaissance des théories de Lukacs, Goldmann ou Benjamin et n'a pas été capable d'y éprouver un intérêt quelconque.

Outre une position idéologique et théorique nettement de gauche, parfois acide mais toujours rafraichissante de part sa relative rareté, la meilleure partie du livre est (AMHA) l'analyse des auteurs même si elle vire parfois à la simple description de synopsis ainsi que la démonstration des liens entre SF et Utopie (la seconde étant une branche de la première), un sujet souvent polémique de la part de tenants de la Littérature qui souhaitent conserver ce sous-genre hors des pattes sales et velues de la SF.

Au final, c'est un livre dont la pertinence dans les conditions actuelles est sévèrement limitée mais qui reste témoignage de l'état de l'art de la réflexion sur la SF il y a 20 ans.

Note GHOR : 1 étoile

28/08/2008

_Critical theory and science fiction_

Critical theory and science fiction: Carl FREEDMAN : Wesleyan University Press : 2000 : ill photographique de Piotr Uklanski Goya : ISBN-10 0-8195-6399-4 : 206 pages (y compris index mais pas de biblio) : 14 Euros 03 port compris pour un TP.

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Cet ouvrage a pour vocation de montrer les parallèles possibles entre la théorie critique (qui pratique le questionnement du monde et de son fonctionnement) et la SF. En effet, ces deux activités intellectuelles sont censées utiliser des outils communs (du type prospectif) et une base de discours critique similaire, faisant logiquement de la SF le genre idéal pour illustrer le premier.

On est là dans la lignée revendiquée de Suvin et de Jameson, c'est à dire d'une analyse à base marxiste qui place la SF, grâce à ses spécifités (novum, cognitive estrangement, appareil critique) comme outil de réflexion privilégié sur la société capitaliste actuelle et ses failles (pauvreté, sexisme, racisme...).

Metamorphoses of science fiction.jpg                    Archaeologies of the future.jpg

Le livre est organisé en quatre parties :

1- Definitions : comme son nom l'indique, c'est le passage obligé pour définir les deux élements (critical theory et science fiction) qui vont être corrélés. Cette partie est assez courte (20 pages).

2- Articulation : la partie la plus ardue (70 pages) qui montre donc les convergences entres ces deux élements, avec un focus revendiqué sur la critical theory.

3- Excursuses : en lien avec le chapitre précédent, une lecture critique détaillée de cinq oeuvres : Solaris (Lem), The dispossessed (Le Guin), The two of them (Russ), Stars in my pocket like grains of sand (Delany) & The man in the high castle (Dick). Chaque oeuvre donne lieu au développement d'une problématique particulière (Delany = la différence, Russ = le genre...).

4- Coda : une mise au point sur l'état des deux champs étudiés, avec en particulier une mise à mort du Cyberpunk (présenté comme simplement conservateur) remarquable de justesse, de concision et d'efficacité qui donnerait des boutons aux thuréfaires de Gibson et consorts.

La première partie commence fort, et mes connaissances limitées dans le domaine de la théorie littéraire m'ont empéché de gouter à toute l'érudition de Freedman. Pour ce qui concerne la partie SF, on est dans le classique avec à la fois une histoire relativement standard (une n-ième version de l'origine de la SF ici plutôt Poe, Verne ou Wells) et une approche théorique globalement Suvinienne. C'est toutefois correctement structuré et argumenté.

La deuxième partie m'est largement passée au dessus de la tête par manque de bagage mais se laisse lire même si Sartre, Lacan, Lukacs ne me passionnent pas.

Le troisième partie revient clairement dans le champ de la SF et dans une analyse purement marxiste de chaque ouvrage. Elle est donc du coup assez classique pour des non-américains mais certainement assez peu fréquente outre-atlantique. Techniquement, pas grand chose à en dire, particulièrement pour les textes déjà analysés de nombreuses fois (Lem, Le Guin ou Dick) où l'on arrive rapidement aux mêmes conclusions. On pourra regretter le niveau d'emphase qui est parfois (AMHA) un peu élévé, avec une présentation de PKD comme une sorte de dieu littéraire et de Delany comme le meilleur écrivain noir-américain de tous les temps.

Au delà de l'analyse littéraire opérée par Freedman, cette partie est surtout intéressante par sa sélection d'oeuvres étudiées qui, même si c'est hors du champ de ce livre, pose le problème des processus de canonisation à l'oeuvre dans le SF (pour une première approche voir l'excellent receuil d'essais Science fiction, canonization, margionalization, and the academy).

SF, canonization, marginalization and the academy.jpg

En effet, même si Freedman est parfaitement conscient du processus de formation du canon et des ses écueils, on peut dire qu'il tombe en plein dedans. Sa liste d'auteurs est d'un conformisme à faire peur. On a bien sûr une balance des sexes (soit 2 femmes et 3 hommes) dans les proportions préconisées, on a aussi l'écrivain hors USA/GB (Lem), un noir homosexuel (deux minorités d'un coup), une féministe engagée (deux de plus), une autre un peu moins (en bonus ?) et un auteur maudit génie méconnu.
Ce presque exactement les mêmes auteurs que ceux du Suvin que j'évoquais il y a peu (dans fras) : Positions and presuppositions in science fiction et surtout ce sont les auteurs que l'on retrouve à chaque fois dans toute étude sur le genre écrite par un membre du corps académique.

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Sans nier les qualités de ces auteurs et de leurs oeuvres, l'amateur que je suis se pose la question de savoir si ce sont vraiment ces écrivains là qui forment le canon de la SF. Dans les cinq cités, pratiquement le seul dont le fond soit encore publié est PKD (aux USA) pour des raisons certainement liés au fait qu'il soit devenu une source de scénarios de cinéma et/ou un auteur canonique (la parution des ses oeuvres dans la Pleïade USA est symptomatique). Pour les autres, c'est le désert et certains des livres étudiés sont même difficilement trouvables d'une façon standard. Le Delany n'est disponible neuf qu'en version de luxe préfacée (surprise) par Freedman et sa dernière édition en paperback date de 18 ans. Le Russ est dans le même cas avec une seule édition dispo chez Wesleyan (re-surprise). Ces deux livres étaient donc indisponibles lors de l'écriture de cet essai et ne le sont redevenus que dans le cadre de ce qui semble être un joint-venture entre l'auteur et l'éditeur. Sur un plan pratique, on peut donc douter de l'intérêt de l'étude de tels textes.

Sur un plan théorique, je définirais (à mon humble niveau) le vrai canon de la SF comme l'ensemble des oeuvres qui trouvent encore un public malgré leur age et surtout qui touche un public "volontaire", c'est à dire un ensemble de gens qui les lit par choix et non par obligation (comme par exemple des étudiants qui les auraient dans leur cursus). Le canon de la SF, c'est par exemple Cordwainer Smith, Heinlein, Williamson ou Farmer (comme preuve supplémentaire d'une vraie permanence, on notera que ces auteurs sont aussi ressortis en VF).

Du coup, l'analyse de Freedman, même s'il est original dans le choix de deux des textes (le Delany, pour lequel on aurait plutôt attendu Dhalgren et le Russ qui aurait pû être The female man), se base sur une représentation de la SF que je juge fausse et qui ne correspond ni à l'histoire du genre, ni à sa cartographie, ni à sa réalité. C'est une vision de la SF très PC, respectable et propre sur elle qui n'aborde que des thèmes  graves, à la mode et pouvant donner lieu à des papiers universitaires (gender studies, feminist theory...). C'est en tout cas bien loin des robots, fusées et autres aliens.


Un ouvrage pour universitaires, avec des vrais morceaux de SF sérieuse et aseptisée (Le Guin ^_^) dedans, mais pas forcément une image fidèle du genre dans ses attraits, ses forces ou ses enjeux.


Note GHOR : 1 étoile

23/07/2008

_MAMER 2007 Science Fiction & Hugo Gernsback_

MAMER 2007 Science Fiction & Hugo Gernsback  : Ralph LETSCH : Editeur non mentionné : 2008 : ill Paul : ISBN-13 978-2-87996-674-89 : 163 pages (pas d'index ni et biblio) : 15 Euros chez l'auteur port compris pour un TP.

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Cet ouvrage ressemble les actes de la "Journée de la SF" organisée à Mamer (Luxembourg) en 2007 et qui avait pour thème fédérateur Hugo
Gernsback, Luxembourgeois d'origine. L'organisation de cette journée a été à l'initiative d'un club philatélique local.


C'est donc une suite de transcriptions des diverses interventions qui se sont succédées durant cette manifastation. Il est à noter que les transcriptions sont dans diverses langues (Français, Anglais ou Allemand) mais qu'elle ne sont pas traduites dans les autres langues. Comme mon allemand (scolaire et ancien) est complètement rouillé, je n'exprimerai pas d'avis sur les textes dans cette langue.


On trouve donc pêle-mêle plusieurs interventions sur la SF en général (cinéma, philatélie, SF francophone) ou des séries particulières (Star Trek, Perry Rhodan), sur Gernsback lui-même (ses rapports avec le Luxembourg, ses débuts d'éditeur de magazines SF, son influence sur la SF Allemande), et des choses plus spécifiques : une intervention sur la conquête spatiale et une étude parallèle du traitement du thème de Frankenstein dans quatre supports (le roman original, deux films de cinéma et un épisode de X-files).


Le tout est très richement illustré en couleurs de couvertures de magazines de Gernsback (hélas jamais légendées ni attribuées) et de plein d'autres photos (pas mal de timbres par exemple).


Il s'agit là d'un ouvrage ponctuel voulant traduire sur le papier une manifestation multimédia. Il se heurte donc à l'écueil classique de ce type d'entreprise, à savoir la pauvreté d'une telle restitution qui ne peut capturer toute la richesse de ce genre d'interventions.


Les articles sont généralement très synthétiques et ne sont au mieux que des introductions (mais pas exemptes d'erreurs factuelles). Par exemple, les textes sur Gernsback pâlissent nettement face aux livres de Ashley, Siegel ou Westfahl qui ont pour eux l'espace nécessaire pour approfondir la vie et l'oeuvre de l'inventeur de la SF.

Hugo Gernsback.jpg   Hugo Gernsback and the century of science fiction.jpg   The gernsback days.jpg

On pourra trouver aussi que le texte fort intéressant sur la SF en philatélie manque cruellement d'images illustrant les timbres amoureusement décrits (un comble !). L'analyse de Frankenstein est le plus long texte de l'ouvrage mais son thème même est une peu HS pour un raout Gernsbackien que l'on attendrait comme plus orienté vers la SF "authentique" et célébrant la science.


En tout cas, un petit livre sympa qui n'apportera pas de révélations, mais une initiative à soutenir.


Note GHOR : 1 étoile

17/07/2008

_Textual poachers_

Textual poachers : Television fans and participatory culture: Henry JENKINS : Routledge : 1992 : ISBN-10 0-415-90572-9 : 343 pages (y compris index et bibliographie) : une grosse vingtaine d'Euros port compris pour un TP.

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Cet ouvrage est une des premières études sociologiques (ou ethnographiques) consacrée au phénomène du fandom. A ce titre, il est un des textes fondateurs de ce domaine particulier qui se concentre sur les lecteurs (ou spectateurs dans ce cas) plus que sur le corpus. Ce livre, pionnier de l'analyse de certains des acteurs incontournables de la SF compte parmi sa descendance des livres comme ceux de Torres, Sanders ou Bacon-Smith.                

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En se focalisant sur ce que l'on nomme les media-fans (amateurs de séries TV ou de séries filmiques, généralement SF mais pas exclusivement), il n'est évidemment pas un portrait fidèle du microcosme des fans de littérature SF mais apporte beaucoup d'enseignements sur des pratiques que l'on rencontre aussi chez eux.

En terme de structure, il est organisé en 8 chapitres :

1) "Get a life" : une longue partie introductive au milieu de la SF (puisque la plupart des séries braconnées appartiennent au genre) et à celui des fans qui donne une première idée de la complexité et des nombreuses structures qui sous-tendent le fandom (APA, clubs, conventions, fanzines, prix, filk...).

2) "How texts become real" : décrit le processus d'appropriation par des individus de ce qui est initialement un produit commercial copyrighté et qui est ré-utilisé et transformé par l'ajout de matériau original, qu'il soit canonique ou pas.

3 "Fan critics" : montre comment cette appropriation n'est pas simplement aveugle mais s'accompagne à la fois d'un discours critique sur l'oeuvre mais aussi d'une prise en compte des paramètres (économiques le plus souvent) externes à celle-ci.

4) "It's not a fairy tale anymore" : se focalise sur la série télévisuelle Beauty and the beast (La belle et la bêteen VF, IIRC) et étudie les (fem)fans dans leurs pratiques et leurs motivations.

5) "Scribbling in the margins" : traite de la fan-fiction (fanfic), une production d'oeuvres (littéraires pour l'instant) qui enrichissent, modifient ou parfois contredisent ou renient les oeuvres "officielles" (le canon).

6) "Slash and the fan-writing community" : au sein de la fan-fiction en général, s'intéresse au "slash", c'est à dire des fictions mettant en scène les relations amoureuses homosexuelles de deux personnages d'une ou plusieurs séries. Particulièrement la plus connue de ces catégories : K/S, c'est à dire des fictions montrant Kirk & Spock comme amants.

7) "Layers of meaning" : creuse le domaine , nouveau à l'époque, des créations audio-visuelles dérivées des séries.

8) "Strangers no more, we sing" : se penche sur un phénomène propre au fandom SF initialement mais qui a migré vers les media-fans, celui du filk, c'est à dire la production de textes et chansons spécifiques à la communauté SF.

Suivent une conclusion, un appendice donnant quelques précisions sur les principales séries citées, une bibliographie et un index.

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Cet ouvrage est a replacer dans son contexte et représente, pour l'époque, une grande première dans son traitement des fans sous un angle à la fois académique s'appuyant sur une étude longue et étayée mais aussi respectueux du fait de l'appartenance de l'auteur à ce milieu.

En effet, il va plus loin, pour la première fois (plus ou moins), que l'image d'Epinal de l'amateur de ST déguisé en Spock ou du traducteur de la Bible en Klingon, en montrant que ces fans ont à la fois une vraie stratégie de consommation, font preuve d'une clairvoyance assez remarquable nourrie par une analyse permanente à tous les niveaux de l'oeuvre et de son contexte, mais aussi (et surtout) que ces fans sont eux-mêmes (et bien sûr à leur niveau parfois modeste) devenus des producteurs d'oeuvres d'art dans plusieurs domaines (récit, BD, chanson, vidéo, illustration...).

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Loin d'être de simples consommateurs d'images décérébrés, les media-fans deviennent alors des co-auteurs qui s'approprient d'une façon parfois peu légale (d'où l'usage du concept de "braconnage") un univers et des personnages et les font leurs en l'analysant puis en l'intellectualisant et enfin en l'enrichissant. Pour l'époque, cette idée était tout simplement révolutionnaire et a eu du mal à s'insérer dans un discours dominant qui opposait la high culture (élitiste, sophistiqué, active) et la popular culture (passive, limitée). C'est là la grande force de cet ouvrage, cet effort de montrer les activités nombreuses des media-fans sous un jour positif et comme créateur "net" de sens.

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On pourra regretter deux choses à ce livre, la première étant un nombre important de coquilles systématiques concernant les noms propres (Gernsbeck, Lundwell) relevant du domaine de la SF écrite (qui n'est visiblement pas la tasse de thé de Jenkins), le seconde étant qu'une actualisation est éminemment souhaitable au vu de l'évolution actuelle des techniques de production d'oeuvres et de communication de ces oeuvres entre fans. Il y a un petit paragraphe sur usenet mais on rêverait d'une étude sur les webzines, les sites communautaires ou l'animation en 3-D.

Note GOR : 2 étoiles

15/07/2008

_Modern science fiction and the american literary community_

Modern science fiction and the american literary community : Frederick Andrew LERNER (USA, 1945 -) : The Scarecrow Press : 1985 : pas d'illustration (il se peut que ce livre ait normalement une jaquette ) : ISBN-10  0-8108-1794-2 : 325 pages (y compris index et énorme bibliographie de 150 pages) : une petite vingtaine d'Euros port compris pour un HC d'occase.

Modern SF and the american literary community.jpg

Cet ouvrage a pour objectif de retracer l'histoire de la réception de la SF (anglo-saxonne) par la communauté littéraire américaine. Par communauté littéraire américaine, Lerner entend plusieurs acteurs différents :
- les critiques et chroniqueurs de livres qui écivent pour des magazines ou des journaux ne faisant pas partie du genre (quotidiens, suppléments littéraires, magazines littéraires)
- les chercheurs et le milieu universitaire, vus sous le prisme de leurs publications
- le milieu enseignant (niveau primaire ou secondaire) à la fois dans leurs pratiques d'enseignement de la SF et dans le corpus des textes enseignés ou conseillés via leurs propres journaux
- les bibliothécaires principalement au travers de leur importante (aux USA) presse professionnelle
- les professionnels de la futurologie ou de la recherche appliquée.

Le pianiste déchaîné (LDP 1977).jpg

Organisé en une dizaine de chapitres, ce livre s'ouvre par le rituel exercice de la définition de la SF, une formalité expédiée sans aucune originalité.
Suivent cinq chapitres (un par "âge" de la SF Moderne) qui détaillent et contextualisent toutes les critiques ou chroniques d'ouvrages de SF dans des publications hors du genre (e.g. un article sur Slaughterhouse five dans The new republic).
Le chapitre 7 : "Science fiction and the scholars" trace à la fois les mentions de la SF dans le monde de l'académie mais aussi les ouvrages de référence existant à l'époque et le processus de constitution de réseaux de réflexion sur la SF (SFRA, SF Fondation...).
Le chaptre 8 : "Science fiction in the classroom" décrit à la fois l'émergence de cours sur la SF ainsi que l'évolution des lectures recommandées par les enseignants.
Le chapitre 9 : "Science fiction in the library" montre comment la SF a fini par entrer dans les bibliothèques, à la faveur d'un changement de format (apparition de HC de SF, seul type de livre toléré en bibliothèque) et en profitant de la quête de clients lancée par ces dernières.
"Science fiction in the laboratory" (chapitre 10) liste les interactions entre SF et futurologues, généralement peu fructueuses, chacune des parties tentant de garder ses prérogatives.
Une courte conclusion au titre ironique "The descent into respectability" (en écho à la fameuse phrase écrite par Dena Benatan -Brown à l'époque-) termine le livre en récapitulant le chemin parcouru depuis le ghetto des pulps.

Fantastic 1975-04.jpg

On pourra reprocher à certains chapitres (les premiers) de ce livre un aspect énumératif de lieux de parution et de citations qui rendent la lecture parfois un peu rébarbative. C'est toutefois un recensement unique (à ma connaissance) qui permet de mesurer réellement quel était l'image de la SF dans le monde des lettres américain. Ceci permet par exemple de tordre le cou au fantasme de la littérature maudite puisque l'on voit que, à ses débuts (jusqu'à aprés la 2GM), la SF était tout simplement ignorée du reste de la communauté littéraire ou que, par la suite, la réception était généralement plutôt favorable, grâce à certains intellectuels favorables au genre (K. Amis pour n'en citer qu'un). De plus, Lerner donnant l'intégralité de ses sources, la mise en doute de ses conclusions devient assez difficile.

J'ai trouvé les chapitres sur le monde de l'académie et de l'enseignement particulièrement intéressants tant dans un aspect historique "interne" que dans certains livres cités que je vais tenter de me procurer. Les lecteurs de nos jours pourront aussi être génés par le fait que le livre est tout entier rédigé en police "courrier" (avec titres soulignés), comme sorti directement d'une machine à écrire. Il est aussi probable que les lecteurs francophones regretteront l'absence d'un ouvrage similaire sur la réception du genre dans la sphère littéraire traditionnelle.

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En tout cas, c'est un sujet original pour l'époque (et encore actuellement) qui permet de sortir du cadre de la SF, un ouvrage d'une méthodologie indiscutable soutenue par une quantité de recherche impressionnante (peut-être même trop envahissante) et qui a la mérite de remettre en place certaines idées reçues.

Note GHOR : 3 étoiles