Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/08/2009

_Cosmic engineers : A study of hard Science Fiction_

Cosmic engineers : A study of hard Science Fiction : Gary WESTFAHL : Greenwood Press (série "Contributions to the study of SF & F" #67) : 1996 (pour la première impression) : ISBN-10 0-313-29727-4 : 148 pages (y compris index et bibliographie) : coûtait 50 USD pour un HC sans jaquette sur mon exemplaire, qui, au vu de la ligne de chiffres de la page de garde est une deuxième impression.

Cosmic engineers.jpg

La Hard Science est, en bon sous-ensemble de la SF, un sous-genre de celle-ci qui pose exactement les mêmes problématiques de définition. De la même façon que l'on s'amuse depuis des lustres à tenter de définir la SF en une jolie expression synthétique, on essaie (certes depuis un peu moins longtemps) d'isoler les caractéristiques propres à la Hard Science. C'est donc Gary Westfahl qui s'attelle à cette tâche dans cet ouvrage paru chez Greenwood, un des spécialistes de l'édition d'ouvrages de référence, essentiellement à destination des bibliothèques.

SOS Lune (FN 1962).jpg

Organisé en sept chapitres principaux partiellement inédits (ainsi qu'une introduction et une conclusion), ce livre peut se diviser en deux grandes parties. La première est consacrée à la Hard Science "en général" et couvre l'histoire du concept (de Gernsback jusqu'à la fin des années 80), fait participer les auteurs (principalement Hal Clement) en montrant comment ce sous-genre est perçu par ceux-ci et quelles sont les procédures d'écriture qui lui sont propres et revient finalement dans le passé pour découvrir d'autres exemples de HS dans la proto-SF. Cette partie est suivie par trois chapitres consacrés chacun à une oeuvre emblématique : A fall of Moondust (Clarke), Mission of gravity (Clement) et Between the strokes of night (Sheffield). L'ouvrage se termine par une bibliographie (qui ne liste que les ouvrages cités dans le texte et renvoie pour le reste à un article de SFS) et un index.

Between the strokes of night (Baen 1996).jpg

Comme à son habitude le travail de Westfahl est de qualité, mêlant recherches approfondies et opinions tranchées (voire polémiques). Les parties historiques sur l'émergence du concept au sein de l'ensemble plus vaste qu'est la SF sont particulièrement intéressantes et permettent surtout de ce rendre compte du flou générale qui entoure cette notion de HS. Entre SF relativement rigoureuse à la Anderson, extrapolations scientifiques à la Benford et "TP de physique" à la Clement, on trouve un vaste spectre de textes. Du coup, il n'est pas étonnant que HS soit parfois employé comme simple synonyme de SF, la partie devenant alors le tout.

Variations on a theme by sir Isaac Newton (NESFA 2000).jpg

Malgré ses qualités, deux points principaux m'ont gêné dans cet ouvrage. Le premier est d'ordre strictement mercantile, à savoir que 150 pages (dont 30 d'annexes), très aérées et seulement partiellement inédites pour la modique somme de 50 USD représentent un tarif aux limites de l'acceptable. Le second est lié au choix des ouvrages étudiés en profondeur dont deux (le Clarke et le Sheffield) me semblent se situer aux marges de la Hard Science. Un esprit soupçonneux pourrait d'ailleurs penser que l'inclusion du texte sur Clarke (une assez banale histoire d'exploration lunaire proche de l'anticipation technologique) est due au fait qu'il s'agit d'une reprise d'un travail déjà effectué. 

Les naufragés de la Lune (FN 1962).jpg

C'est malgré tout un ouvrage qui offre de nombreuses pistes de réflexion et d'interrogation sur un sujet problématique ("la Hard Science c'est quoi ?") à partir d'éléments factuels et historiques indiscutables.

 

Note GHOR : 2 étoiles

02/07/2009

_Biotechnological and medical themes in science fiction_

Biotechnological and medical themes in science fiction : Domna PASTOURMATZI : University Studio Press : 2002 : ISBN-10 960-12-1133-0 : 512 pages (y compris index) : un gros TP parfois illustré en N&B pas très solide ne comportant pas de prix (il semblait possible de demander des exemplaires gratuits à l'auteur).

Biotechnological and medical themes in SF.jpg

C'est un drôle de livre que celui-là. Publié par un éditeur grec mais écrit à 95% en anglais (il y a quelques articles en grec avec l'alphabet adéquat), financé par le ministère Grec de la culture et de surcroît gratuit, il est donc logiquement assez peu commun. Il rassemble des interventions faites lors d'une conférence tenue en 2001 à Thessalonique et dont le sujet est donc la biotechnologie et la médecine telles que vues par la SF.

Darwin's radio (Ballantine).jpg

L'ouvrage contient 31 essais qui se divisent en huit parties d'une importance variable (de trente à une centaine de pages) : les nouvelles techonolgies (médicales); leur impact sur l'exploration spatiale; les transplantation d'organes; le clonage; les représentations cinématographiques; les post-humains; les approches des innovations biotechnologiques et la vision grecque de ces thématiques. Un index squelettique termine l'ouvrage. Pour ce qui est des auteurs des essais, les contributeurs grecs (me) sont inconnus (et les articles dans leur langue sont illisibles pour un non locuteur puisqu'ils ne sont pas traduits) et pour les autres on notera le peu d'acteurs connus du genre tant universitaires (Suvin et Blackford) ou qu'auteurs (Nordley, Sloncewzki).

Darwin's children (Del Rey 2004).jpg

Malgré un sujet potentiellement intéressant, c'est au final un ouvrage assez décevant. J'ai du mal à dire pourquoi précisément mais c'est sans doute à cause de la faiblesse des contributions individuelles et d'un manque d'articles de fond capables de replacer ce thème dans la trame globale du genre. A la place, on a une succession de textes sur des oeuvres uniques et bien souvent obscures (en tout cas pour moi) qui peine à dégager des lignes claires sur l'attitude de la SF face aux problèmes éthiques ou simplement pratiques posés par l'évolution de la technologie.

IASFM 1984-06.jpg

Une tentative originale venue d'un pays absent de la carte du genre, mais qui demanderait à être approfondie. Malgré tout, pour un ouvrage gratuit (à l'époque) c'est une affaire.

 

Note GHOR : 1 étoile

24/06/2009

_The battle of the sexes in science fiction_

The battle of the sexes in science fiction : Justine LARBALESTIER : Wesleyan University Press : 2002 : ISBN-10 0-8195-6527-X : 295 pages (y compris index et bibliographie) : coûtait à l'époque 20 USD pour un TP au pelliculage défaillant.

The battle of the sexes in sf.jpg

Malgré un titre que l'on pourrait trouver un peu racoleur, ce livre est plutôt une histoire croisée du féminisme et de la SF ou du féminisme dans la SF ou plus simplement de la place des femmes dans le genre (ce qui pour l'auteur semble être la même chose). Ce livre utilise comme fil rouge les textes de SF du type "bataille des sexes" pour déployer une histoire commentée de l'évolution du positionnement de la SF sur les problématiques de genre (au sens sexe), à la fois par l'apparition de producteurs féminins et par un changement d'attitude vis à vis des aspirations féministes.

Etoile double 12 (Denoel 1984).jpg

L'ouvrage est divisé en sept volumineux chapitres (entre trente et quarante pages chacun) qui suivent un vague ordre chronologique pour les premiers d'entre eux. Ils tentent de brosser la trame de l'évolution du genre dans son positionnement par rapport aux aspirations féministes tant par l'évolution des mentalités et des textes produits que par l'intégration d'auteurs femmes et/ou de thématiques connotées fémininement. Le sixième se focalise sur le personnage de Alice Sheldon/James Tiptree/Raccoona Sheldon, dont la complexe existence a toujours fasciné les universitaires. Le septième et dernier évoque l'histoire du prix littéraire homonyme pour lequel l'auteur a été jurée. Le livre possède un riche ensemble d'annexes : une comparaison sémantique de deux scènes de baiser (par Cooper et Bond), plusieurs pages de notes, un glossaire, une copieuse bibliographie (une trentaine de pages) et un index. 

Who needs men (Coronet 1974).jpg

On sent bien derrière cet ouvrage la quantité importante de travail fournie par Larbalestier. Il faut dire que pour quelqu'un qui en 1992 et selon ses propres dires, se trouvait compétente en SF mais ignorait par exemple qu'il existait des magazines de SF, la marge de progression possible n'était pas négligeable. Elle a donc épluché des quantités de fanzines et de vieux pulps pour pouvoir bâtir son argumentation qui est du coup largement étayée. Son histoire de l'émergence d'une sensibilité féministe au sein de la SF est plutôt consensuelle, donnant la parole tant à Russ qu'à Willis. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle plonge aux racines du genre dans le fandom et ne se contente pas des quelques lieux communs habituels sur le machisme éditorial et autres histoires de pseudonymes masculins.

The girl who was plugged in (Tor Double 7).jpg

Je suis plus réservé sur la partie relative à Tiptree, qui souffre (maintenant) de la comparaison avec la biographie de Phillips ainsi que sur le Tiptree award qui nous est un peu présenté comme un conte de fées bien gentillet offrant des objets en chocolat (la liste nous en est même fournie) alors que les enjeux de pouvoir et d'influence sur le genre sont au coeur de sa création.

L'impression générale est en fait celle d'un ouvrage assez brouillon avec un plan peu lisible qui multiplie les allers-retours chronologiques et les digressions. Ceci est peut-être dû à la masse d'informations rassemblée par Larbalestier, d'une telle richesse qu'elle prend parfois le pas sur la clarté d'exposition. 

 

Note GHOR : 2 étoiles

22/06/2009

_Astrofuturism : Science, race, and visions of utopia in space_

Astrofuturism : Science, race, and visions of utopia in space : De Witt Douglas KILGORE : University of Pennsylvania Press : 2003 : ISBN-10 0-8122-1847-7 : 294 pages (y compris index) : une vingtaine d'Euros en neuf pour un TP.

Astrofuturism.jpg

Tout d'abord, il faut savoir que l'astrofuturisme est un mouvement qui prône la conquête de l'espace comme remède aux problèmes de toute nature (sociétaux, économiques, écologiques...) qui accableront l'humanité tant qu'elle restera confinée à notre bonne vieille Terre. C'est un courant plutôt américain (bien que son homologue ait dû exister en URSS) qui mêle un ensemble d'acteurs très disparates : les gens des fusées (des rêveurs comme O'Neill aux techniciens comme Von Braun), les gens de la SF (qui voient la possibilité de guider le futur), les gens du complexe militaro-industriel (qui voient les ventes possibles), les militaires (attirés par la doctrine du "high ground") ou diverses factions politiques, allant des utopistes aux libertariens tous attirés par la promesse d'un territoire vierge pour expérimenter leurs théories politiques.

Colonie T1 (JL 1980).jpg

Malgré toute cette diversité, ce mouvement a longtemps été très majoritairement composé d'individus de race blanche et de sexe masculin. C'est pourquoi Kilgore a décidé de retracer son évolution face aux tensions sociales liées aux problèmes raciaux ou sexuels (au sens de genre) qui se sont manifestés dans la société américaine depuis la 2GM. Après une très longue introduction (30 pages), il suit les diverses phases des rapports de l'astrofuturisme à ces sujets polémiques. Il le fait à travers sept chapitres dont la plupart se focalisent sur un des acteurs principaux du mouvement. Il commence donc par Lasser (le fondateur de l'American Interplanetary Society), puis aborde Von Braun et l'encombrant héritage nazi, Heinlein et la tradition politique américaine, Clarke et la fin de l'empire, O'Neil et l'espace proche comme banlieue et finit par Bova et ses tentatives d'infléchir l'idéologie parfois réactionnaire du milieu de la SF. Un dernier chapitre ouvre sur l'état actuel du genre et l'émergence d'utopies raisonnées (Steele, Robinson).

Red Mars (Harper Collins 1983).jpg

Même si c'est un ouvrage sur un sujet assez pointu et peu étudié, qui est de plus parfois (mais pas souvent) seulement tangentiel à la SF, cet ouvrage est une réussite. Fruit d'un travail important qui est bien visible, Kilgore nous offre un éclairage très cru mais nécessaire sur certaines limites du genre qui peine parfois à prendre en compte d'autres aspirations que celles de la petite bourgeoisie technophile, blanche et masculine. Il nous montre bien que la place actuelle des afro-américains et des femmes dans cet univers résulté d'un long processus, parfois de ce qui ressemble à un long combat pour l'égalité.

Kinsman (Futura 1981).jpg

Ses analyses des positions et des actions de certains auteurs me semblent très pertinentes et n'épargnent personne, voir par exemple son traitement du sexisme chez Heinlein, même si l'on sent une grande admiration ou affection de la part de Kilgore pour tous ces personnages. On appréciera aussi particulièrement le chapitre sur Ben Bova qui décrit bien cet homme assez peu connu mais dont l'influence sur le genre a été certainement plus grande qu'il n'y paraît ou que ne le laisse penser l'histoire de la SF telle que l'on la raconte ici.

Même si l'astrofuturisme à l'américaine n'est pas facilement transposable à la France où la conquête spatiale a longtemps été une affaire non de visionnaires mais de militaires, ce récit de l'évolution d'un rêve est fort séduisant.

 

Note GHOR : 3 étoiles

25/05/2009

_Space Opéra ! : L'imaginaire spatial avant 1977_

Space Opéra ! : L'imaginaire spatial avant 1977 : André-François RUAUD & Vivian AMALRIC (et al.) : Les Moutons électriques (série La bibliothèque des miroirs) : 2009 : ISBN-13 978-2-915792-72-7 : 426 pages (y compris index et bibliographie) : 28 Euros pour un TP illustré (N&B + 4 pages couleurs) avec couverture à rabats (en neuf chez l'éditeur http://www.moutons-electriques.fr/).

Space opéra !.jpg

Cet ouvrage a pour objectif de dresser un panorama du "Space Opéra" jusqu'en 1977, cette date (celle de la sortie de Star wars) ayant été choisie comme marquant une rupture dans une catégorie emblématique de la SF. Cette catégorie, qui existe depuis les débuts du genre, est ici globalement prise (cf. le sous titre) comme celle des aventures dans l'espace, par opposition au Planet Opéra qui se concentre sur un décor planétaire précis.

Il se présente sous la forme d'une vingtaine de chapitres rarement inédits organisés dans un ordre vaguement chronologique et confiés à des auteurs différents (Nolane, Brèque, Wagner...) avec une contribution majoritaire du duo Ruaud/Amalric qui signe plus de la moitié de l'ouvrage. Certains chapitres sont plutôt génériques et abordent soit un thème (les serials) soit un domaine (les comics) mais la plupart des interventions se concentrent sur un auteur (de Smith à Delany) ou une série (littéraire comme Perry Rhodan ou télévisuelles comme Doctor Who ou Star Trek).

L'ensemble est illustré par des vignettes ou des pleines pages en N&B montrant généralement les couvertures des ouvrages évoquées dans le corps du texte. Il y a aussi 4 pages couleurs au début. Le tout est complété par une courte bibliographie (deux pages écrit gros), un index et quelques publicités pour d'autres ouvrages de même éditeur.

L'étoile en exil (FN 1969).jpg

Comme il y a pas mal de choses à dire, je vais tenter d'organiser mes remarques d'une façon un peu synthétique, en plusieurs points.

1) Où la passion du recyclage l'emporte :

Etant un garçon radin, ma première réaction a été de voir ce que j'obtenais pour mes 28 Euros, sachant qu'au départ l'ouvrage n'est pas physiquement d'une aussi belle qualité que ceux du même éditeur sur Anderson ou Heinlein (le premier étant à peine plus cher). Je m'attendais donc logiquement à ce que ces 28 Euros soient investis dans des efforts de recherche et d'écriture, mais il est vrai que j'étais un peu naïf vu que l'un des ouvrages précédents de Ruaud pratiquait déjà l'auto emprunt. Pour être clair, cet ouvrage fait plus penser à un patchwork qu'à une étude originale.

En effet, on constate que la préface de Klein est une reprise de 1992, que plusieurs (au moins Harness, Clement, Biggle, Kapp, Panshin) des chapitres du duo Ruaud/Amalric sont déjà parus dans Bifrost (où ils formaient la série des "petits maîtres de la SF"), que un des articles de Wagner (celui sur Thirion qui est aussi le plus long du livre) et celui de Vonarburg (sur La Plaie) viennent du recueil d'essais Le feu aux étoiles, que Brèque sur Anderson est un chapitre complet tiré de Orphée aux étoiles, sans parler d'emprunts non signalés comme des paragraphes entiers extraits tels quels de la postface de Ruaud au Chandler paru chez les moutons ou RAH chez le même éditeur (là, l'emprunt est toutefois signalé). Je ne parle pas des choses que je n'ai pu vérifier par pure flemme comme les possibles emprunts au Star Trek de Ruaud (encore) ou au Perry Rhodan de Archaimbault.

Le feu aux étoiles.jpg

Même si l'écologie et le recyclage sont à la mode et que ce léger détail est partiellement mentionné page 411 (en petit), je dois avouer une vague impression de m'être fait refiler des vieilleries au prix du neuf. Sentiment d'autant plus aigu que les "versions différentes" que l'on nous indique page 411 ne le sont en réalité que de façon minime. Les changements résidant essentiellement au niveau des introductions ou des transitions, le corps du texte restant strictement identique (et donc assez daté). Les seuls changements que l'on peut voir (j'ai comparé les textes entre eux) sont aussi profonds que, par exemple pour le Thirion, le remplacement de 60 par 1960 (au milieu de la première colonne de la deuxième page) ou le changement d'une référence pointant vers les article de Rémi Maure sur les arches stellaires vers (surprise) un texte de AFR himself. Il y a mieux puisque l'un des rajouts que j'ai pu détecter consiste à insérer des erreurs, comme page 279 où l'on nous dit en 2009 que le seul recueil de Kapp s'appelle Lambda 1, un élément omis dans l'article correspondant de Bifrost, ce qui n'était pas plus mal vu que Lambda 1 est en fait une anthologie qui ne contient qu'un texte de Kapp.

Il n'est bien sûr pas interdit de recycler son propre travail, mais à ce tarif, j'avoue que j'aurais préféré payer pour de l'inédit et non pour du réchauffé à la va-vite.

Cageworld Search for the sun ! (NEL 1982).jpg

2) Une histoire du SO par collage ? 

En toute logique, l'option prise de principalement réutiliser des textes existants a des impacts radicaux sur l'essence même de l'ouvrage. On a l'impression du glissement progressif d'un projet qui était une louable histoire du Space Opéra vers une compilation d'éléments existants plus ou moins libres de droits pour les auteurs (leurs propres textes par exemple). Au lieu d'une démarche historique classique et globale ("le SO commence là, puis il est devenu comme ça sous l'influence de XXX ou de telle ou telle chose...") on a une démarche de récupération ("Quels textes on pourrait utiliser qui ont un vague rapport avec le SO ?") qui se trouve donc fortement contrainte par les matériaux disponibles.

Orphée aux étoiles.jpg

Du coup, hormis dans les quelques chapitres sur des médias particuliers, il n'y a strictement aucune HISTOIRE du SO, aucune mise en perspective globale puisque la base du livre est une compilation de portraits d'auteurs. Par exemple, à aucun moment on ne sait quand a commencé le SO ou quelles sont les forces (économiques, éditoriales, sociétales...) qui l'ont façonné. Comme Ruaud n'avait pas fait d'articles sur eux, on se trouve face à un ouvrage sur le Space Opéra qui ne mentionne même pas des personnages aussi importants dans son évolution que Campbell (l'auteur), Leinster, Saberhagen ou Dickson (et on peut aisément en trouver d'autres).

Cette stratégie du recyclage nous vaut d'ailleurs quelques moments embarrassants où les auteurs peinent à justifier certaines inclusions comme Hal Clément ou Doctor Who, des éléments généralement peu associés d'une façon centrale avec le SO, le tout donnant lieu à des contorsions assez impressionnantes. Cela marche aussi dans l'autre sens avec les justifications alambiquées à l'absence de Vance ou Herbert ("c'est du Planet Opéra"). Le meilleur étant l'article sur Kapp dont la moitié finale traite de Manalone. Cette partie (La grande oeuvre, page 283) commence par dire clairement que ce roman n'est PAS un Space Opéra mais déroule quand même plusieurs PAGES de commentaires sur une oeuvre qui est, de l'aveu même des auteurs, complètement hors sujet.

Manalone (OPTA 1982).jpg

3) Une iconographie riche et rare ? 

C'est ce qui est écrit sur le premier rabat et c'est aussi l'un des pitch de la promotion de l'ouvrage. Effectivement, s'il y a bien une importante iconographie (plusieurs centaines d'images), elle souffre, à mon avis, de nombreux défauts.

Il faut dire que cela commence mal puisque les seules images en couleurs sont horriblement coupées (à dessein j'espère) et ne présentent que un petit quart des oeuvres originales. Le reste des illustrations étant en N&B on peut regretter que ces rares pages couleurs soient si mal utilisées. D'autant plus que cette absence de couleur et le traitement style "vignette" nuisent à certains illustrateurs, voir par exemple la comparaison de l'image ci-dessous (pourtant fortement compressée) et celle de la page 295 :

Stardeath (Del Rey 1983).jpg

On regrettera aussi l'absence quasi-totale de légendes en regard des illustrations (une habitude chez les Moutons) qui prive le lecteur d'éléments importants comme la date de parution puisque l'on ne représentait pas le SO en 1930 comme en 2000 et que ces choix sont eux-mêmes porteurs de sens sur (par exemple) l'image du genre auprès des lecteurs. Il est assez triste de voir que les illustrateurs ne sont presque jamais mentionnés, cette utilisation gratuite et non créditée de leur travail dans un produit destiné à être vendu me paraît assez désinvolte. De même, la qualité des ouvrages scannés laisse parfois nettement à désirer. Il arrive que l'on ne se soit même pas donné la peine d'ôter l'étiquette du prix apposée par un bouquiniste (par exemple sur le Brunner page 221), d'enlever des traces de colle ou de trouver un exemplaire dans un état décent.

Voilà pour la richesse, quant à la rareté, je peux juste dire que sur le millier de couvertures je dois facilement en avoir 75% (y compris en VO) et que je n'y ai vu que rarement des EO ou beaucoup de choses que l'on puisse qualifier de rares tant il y a de FNA, JL et autres PdF.

N'écoutant que mon bon coeur, si vous m'envoyez 28 Euros, je m'engage à vous faire parvenir un CD contenant plusieurs milliers d'images toutes aussi riches et aussi rares que celles contenues dans ce livre.

The altar on asconel (Ace Double M-123).jpg

4) Et c'est tout ?

Soyez rassurés, cet ouvrage pêche aussi dans de nombreux autres domaines.

On a tout d'abord la séquence publicitaire de l'éditeur qui réussit à placer presque tout son catalogue (je n'ai pas vu le PKD), y compris les zombies et même, grâce à une association d'idée fulgurante (Schmitz => médiéval => taverne => Shakespeare) Le panorama de la fantasy et du merveilleux (page 154).

On a aussi les coquilles (ClarkE Darlton, le frère d'Arthur), photes d'orthographe, notes inversées ou scories typographiques (des mots barrés) que l'on attend de cet éditeur.

Dans le même ordre d'idée, le sens si particulier de la chronologie de ces auteurs est aussi au rendez-vous avec des mentions de textes datant de bien après 1977, et (encore une surprise) l'habituelle mention de James Patrick Kelly.

Globalement, il vaut mieux parfois ne pas trop creuser les détails quand on lit des affirmations disant que (ce ne sont que quelques exemples) : The immortals de Gunn n'est pas traduit, que seulement trois nouvelles de Biggle existent en VF, que Van Vogt faisait partie de la Scientologie, que l'intégralité de Interstellar empire (Brunner) est parue en Ace Double ou que Karres (Schmitz) est traduit par Karès en VF. Autant de points, certes négligeables mais que quelques secondes suffiraient à corriger et qui, laissés tels quels, donnent un peu au cochon de payant l'impression d'un travail bâclé.

Les immortels (PC 1977).jpg     Les immortels (Le Masque 1978).jpg

Dommage pour une idée qui, traitée d'une façon un peu moins à l'économie, aurait fourni matière à un livre passionnant. Au final, les 28 Euros demandés sont largement prohibitifs pour la proportion réelle de matière inédite (même si certaines parties comme celle sur Doctor Who sont bien faites) et l'impression d'amateurisme de l'ensemble.

Note GHOR : 1 étoile (pour ceux qui n'ont pas accès au matériau original)