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10/11/2008

_Different engines : How science drives fiction and fiction drives science_

Different engines : How science drives fiction and fiction drives science: Mark L BRAKE & Neil HOOK : Macmillan : 2008 : ill Corbis (en fait la couverture d'un pulp des années 20 colorisée différemment, l'original est de Frank R. Paul) : ISBN 978-0-230-01980-5 : 265 pages (y compris index) : de l'ordre de 8 Euros pour un HC avec jaquette (petit format).

Different engines.jpg

Cet ouvrage est principalement un receuil d'articles précédemment publiés dans Astrobiology magazine, articles qui ont pour principe de mettre en parallèle une époque de l'histoire des sciences et la SF qui lui est contemporaine, en partant du principe que les deux champs se répondent et s'alimentent l'un l'autre.

Il est divisé en sept chapitres :

1) The age of discovery : Kepler, Newton, Gallilée avec la proto-SF (du type Gulliver)
2) The mechanical age : Darwin, Flammarion avec Wells
3) The astounding age : Einstein et les premiers pulps
4) The atomic age : la bombe, la guerre froide et l'école Campbell
5) The new age : la course à la lune et la new wave
6) The computer age : l'essor de l'informatique et le cyberpunk
7) The age of biology : les biotechnologies et la SF à l'écran (GATTACA, Blade runner)

En ce qui me concerne, le sous-titre est un peu trompeur.

En effet, plus qu'un récit des interactions entre science et science-fiction, on a plutôt affaire à une histoire de la SF comme il en existe bien d'autres avec comme fil conducteur et repères chronologiques les progrès scientifiques. Hormis de rares exemples on ne voit pas trop comment la "fiction drives science", ce qui est dommage puisque c'est sur ce principe (ou du moins "fiction drives technology") que Gernsback a créé le genre. Quand à la proposition inverse ("science drives fiction"), elle est semble t-il tellement évidente qu'elle est carrément évacuée du livre.

Sans la réflexion sur la place de la science en SF (aucune mention de la Hard Science par exemple, ni d'aucun des ses auteurs) ni réflexion sur l'influence de la SF sur la science (si ce ne sont quelques anecdotes ultra-connues souvent tirées de Campbell), seule reste l'histoire de la SF.

Sur ce point le livre se situe dans une honnête moyenne (on notera toutefois quelques erreurs de dates) mais son principal défaut est surtout de n'être absolument pas original (les oeuvres discutées ont été vues et revues au fil des ouvrages sur la SF : A canticle for Leibowitz, The left hhand of darkness, 1984, Stranger in a strange land, etc...).

Un cantique pour Leibowitz (Denoel 1977).jpg

Il est aussi nettement trop court (les pages sont petites et les notes bibliographiques copieuses). Traiter la SF de Kepler à Doom (le film de 2005) sur 200 pages ne permet qu'une vague ébauche qui laisse de trop vastes zones d'ombre.

A la décharge des auteurs, l'entreprise est toutefois assez casse-gueule, surtout sur un texte aussi court, quand on voit qu'il fait 400 pages pour raconter deux décennies de magazines SF.

Enfin, deux points qui m'ont gêné :

1) on voit parfois un peu trop nettement les emprunts (avoués) à Franklin ou aux Roses.

War stars.jpg      The shattered ring.jpg

2) dans les premiers chapitres, le fait de voir appliquer le terme de Science Fiction à des textes comme Sommium , Les voyages de Gulliver ou Frankenstein. En tant que Westfahlien orthodoxe, je pense que la SF n'existe qu'à partir de 1926 et que les oeuvres antérieures n'en sont pas stricto-sensu, mais c'est juste une question de terminologie.

Un ouvrage pas forcément mauvais mais qui n'apporte rien de plus : trop long pour un livre d'initiation/introduction, trop court pour une histoire de la SF digne de ce nom.

Note GHOR : 1 étoile

 

05/11/2008

_The influence of imagination : Essays on science fiction and fantasy as agents of social change_

The influence of imagination : Essays on science fiction and fantasy as agents of social change : Lee EASTON & Randy SCHROEDER : McFarland : 2008 : ISBN-13 978-0-7864-3230-1 : 228 pages (y compris index et blibo des ouvrages cités après chaque essai) : une vingtaine d'Euros pour un TP.

The influence of imagination.jpg

Cet ouvrage est un receuil d'essais (inédits à ma connaissance) qui correspond plus ou moins aux actes d'un colloque tenu au Canada en 2004 sur le thème de "SF & social change".

Il est composé de 17 essais, de moins d'une dizaine de pages en général, qui abordent une vaste gamme de sujets, certains assez focalisé, comme les grilles de lecture de certaines oeuvres, qu'elles soient littéraires (Moonwise, Always coming home, Midnight robber, Last and first men ou No woman born), cinématographiques (Gattaca confronté à la "queer theory", le SdA) ou dans le domaine de la BD/Comics.

Les derniers et les premiers (Denoel 1978).jpg

D'autres essais se veulent d'une portée plus générale, et traitent, par exemple, des auteurs féminins dans le magazine Weird tales ou des tentatives de créer une SF hypertextuelle.

Pour aller à l'essentiel, il n'y a pas grand chose à sauver de ce livre :

- Aucune unité, les sujets n'ayant parfois aucun rapport discernable avec le thème choisi, qui pourtant est assez clairement exposé dans
l'introduction ou dans la 4ème de couverture : "This collection of essays examines the potential connections between speculative fiction and actual social change.". Par exemple le texte sur le SdA qui montre d'une façon assez  concluante l'étendue des trahisons de Jackson vis à vis de Tolkien en ce qui concerne les arbres et leur signification, est intéressant comme analyse croisée de divergences d'interprétation mais n'a aucun rapport avec la conscience sociale.

- Une trop grande proportion de textes "amateurs". Il est clair que tout le monde n'est pas Clute, Wolfe ou Westfahl, mais les auteurs ont quasiment tous été recrutés au sein du corps enseignant ou estudiantin du "Mount Royal college" situé en Alberta (Canada) avec (AMHA) comme seule condition l'existence chez le candidat d'un vague intérêt pour la SF&F. Ceci génère un double effet de manque, à la fois de recul mais aussi de pertinence (certains ne sont visiblement spécialistes que d'une seule chose et peinent à la relier au reste du genre) et un niveau de discours assez faible. Ceci nous vaut des articles sans aucune structure (celui sur Weird tales est une suite de paragraphes disjoints) ou des pages pleines de jargon à la mode (généralement féministe ou postmoderniste).

- Une certaine tendance à réinventer la roue, l'exemple frappant étant (encore) le texte sur les auteurs féminins dans Weird tales qui ne fait que paraphraser Davin (Partners in wonder : Women and the birth of science fiction 1926-1965) en infiniment moins bien et visiblement sans même en avoir connaissance (il n'est pas cité dans la biblio).

Partners in wonder.jpg


Du coup ne sont récupérables que l'analyse fouillée de No woman born dans le contexte de la fin de la 2GM et des préparatifs pour un retour des femmes à leur condition domestique antérieure (Linda Howell), la lecture de Gattaca comme récit homoérotique et/ou queer, qui éclaire le film d'un jour nouveau (Lee Easton) et l'article sur les fictions hypertexte qui offre des exemples récents d'une éventuelle évolution de la forme que pourrait prendre la SF (Brian Greenspan) même s'il pêche (AMHA) par un enthousiasme excessif.

Un livre pas vraiment indispensable qui ne révolutionnera pas la réflexion sur le genre et dont les raisons de la parution me sont mystérieuses.


Note GHOR : 1 étoile

04/11/2008

_Galactic suburbia : Recovering women's science fiction_

Galactic suburbia : Recovering women's science fiction : Lisa YASZEK (1969- ) : Ohio State University Press : 2008 : ISBN-13 978-0-8142-5164-5 : 234 pages (y compris index et biblio) : 16 Euros 44 pour un TP.

 

Galactic suburbia.jpg

 

 

Cet ouvrage fait partie de la (très) longue liste de livres traitant des rapports entre les femmes et la SF.

Il s'intéresse ici aux femmes écrivains (et non lectrices par exemple) et aux écrits qu'elles ont pu produire et publier durant la période 1945-1965, soit la période située entre la fin de la 2GM et la pleine action du women's lib. Les recherches de Yaszek montrent que les femmes auteurs de SF ont, pendant cette période, utilisé une sorte de décor/ensemble de thématiques commun qu'elle nomme "Galactic suburbia", c'est à dire une version du futur des USA (et en leur sein de la place des femmes) concentrée sur la sphère domestique.

Ce cliché de "La femme américaine du futur au fourneaux" a été clairement le fruit d'une nette volonté de la société US et de ses dirigeants (masculins) de renvoyer les femmes dans leur foyers après les avoir utilisées comme main d'oeuvre durant la guerre (la fameuse "Susie la riveteuse"). Malgré tout, l'usage de ce cadre a permis aux auteur(e)s de subvertir, au sein d'un genre accueillant (le seul peut-être permettant une telle liberté), l'idéologie patriarcale ambiante en ouvrant la voie à un féminisme naissant et de préparer la place de la femme dans l'imagerie du futur.

Cet ouvrage est organisé en 4 chapitres :

1- "Writers" : qui place les auteurs féminins dans le cadre plus large de la SF de l'époque et explique leur positionnement et leurs stratégies dans l'espace propre au genre et extérieur à celui-ci.

2- "Homemakers" est un peu le coeur du livre qui montre comment ces écrivains ont utilisé la SF pour émettre un commentaire sur l'état de la
société US et constater le recul de la place des femmes sous la poussée conjuguée des demandes de la guerre froide et de la consommation.

3- "Activists" montre comment les femmes ont utilisé l'espace qui leur était dévolu (le foyer, la famille et les enfants) pour participer d'une façon importante aux avancées civiques des années 50-60 et comment cela s'est traduit en terme de récits SF se concentrant sur la rencontre de l'alien.

4- "Scientists" montre comme les femmes de la SF se sont positionnées par rapport à la science, à la fois comme journalistes scientifiques mais aussi, au travers des textes de fiction comme actrices de l'aventure scientifique.

 

Dans le débat traditionnellement assez controversé sur l'histoire croisée du féminisme et de la SF, il existe schématiquement deux positions :

- l'école Russ (et al.), du féminisme des années 60 qui part du principe que les auteurs de cette mouvance ont fait tomber les barricades de la SF et ont, à elles toutes seules, imposé la présence des femmes dans un genre qui les niait complètement.

- l'école Willis (et al.), celles des participantes au genre qui ont toujours connu une présence clairement féminine au sein de la SF, présence qui leur permettait (du moins pour un partie) de distiller leur message d'égalité.

Ces deux écoles sont bien sûr souvent antagonistes, les premières trouvant que les secondes ont trahi la cause en rampant au pied du patriarcat, les secondes trouvant les premières par trop ignorantes des réalités du genre et trop promptes à oublier leur contribution.

Yaszek me parait plutôt souscrire à la seconde école qu'à la première, même si sa conclusion lie les deux en faisant découler la révolution féministe en SF du travail des pionnières.

Sa thèse, à savoir l'utilisation d'une sorte de vision future de la sphère domestique pour faire passer des idées progressistes sur le rôle de la femme et l'emploi des tribunes offertes par le genre pour promouvoir une autre voie que la société patriarcale, est très bien présentée et appuyée sur des exemples concrets, même si l'on pourra toujours regretter une certaine concentration sur un petit nombre d'auteurs (la place prise par Merrill, est AMHA un peu disproportionnée, mais elle est la seule à avoir fait l'objet d'une biographie aisément disponible).

Homecalling (NESFA 2005).jpg

On notera qu'une partie importante du texte est consacrée à la présentation du contexte social et de ses enjeux, chose précieuse pour des non-américains.

L'écriture est facile et le discours reste très mesuré (ce n'est pas du Russ) mais n'en est pas moins lucide et critique, même si la conclusion sonne parfois un peu trop PC dans les lauriers tressés à la vague féministe et dans une certaine (AMHA) exagération de sa place actuelle et de son influence au sein du genre.

On regrettera juste quelques redites (des paragraphes entiers sur Merrill repris à l'identique dans les chapitres 1 et 4) et une impression (assez floue, je le concède) d'un léger manque de profondeur, générée à la fois par certaines affirmations qui sonnent un peu faux à la lumière d'autres travaux (par exemple la place "importante" d'Amazing sur la scène SF dans les années traitées me parait douteuse) et ce qui me parait être un manque de familiarité avec la totalité du matériau primaire disponible (les textes parus en revue entre 1945 et 1965), matériau peu accessible il est vrai.

Amazing 1961-10.jpg

Mais ces quelques points ne doivent pas masquer le fait qu'il s'agit de la meilleure, la plus claire et la plus complète présentation du travail des auteurs féminins de SF de l'après 2GM. A ce titre et dans une perspective historique de la SF, c'est un ouvrage indispensable.

 

Note GHOR : 3 étoiles

24/10/2008

_Political science fiction_

Political science fiction: Donald M. Hassler & Clyde Wilcox :  University of South Carolina Press : 1997 : ISBN-10 1-57003-113-4 : 256 pages (y compris index et biblios éventuelles) : une vingtaine d'euros pour un HC avec jaquette.

Political science fiction.jpg

Cet ouvrage est en quelque sorte le premier volume d'une série de recueils d'essais qui s'est poursuivie par New boundaries in
political science fiction
que j'ai récemment évoqué.

 

New boundaries in political science fiction.jpg

 

Il rassemble donc aussi des textes portant sur l'angle politique de la SF. Il est d'ailleurs frappant de voir la similitude (ou la permanence) des sujets abordés dans ces deux ouvrages, à croire que certains sujets ou écrivains sont particulièrement attractifs pour qui veut lier ces deux thèmes.

Au sommaire :
- l'utopie (Wells, Le Guin) ou la dystopie (Swift, Pohl & Kornbluth).
- le Cyberpunk, un article élogieux qui tranche avec celui de 2008.
- Dune, un texte qui lie les romans du cycle avec la pensée de Machiavel.
- Heinlein, avec une analyse de The moon is a harsh mistress (en parallèle avec Triton et Les dépossédés) et un article sur Starship troopers visiblement un livre qui fait toujours débat.
- l'Amérique latine et la SF qui s'y écrit.
- Star Trek, trois articles (!), le premier sur les typologies de gouvernement que l'on y rencontre, l'un sur les problématiques de genre et l'autre sur la politique US des années 60-90 telle que reprise dans la série TV (l'ancienne et TNG).
- une tentative de classification des gouvernements extraterrestres imaginés par les auteurs de SF.

Même en faisant effort d'originalité, je ne peux que faire les mêmes commentaires que sur New boundaries in political science fiction du fait de la grande similarité formelle et conceptuelle de ces ouvrages. Je tiens à préciser que, même s'ils abordent les même thèmes, ils sont complémentaires et ne se recoupent pas.


Les essais sont de qualité et sont agréables à lire. Je dirais même que ce premier volume est un peu supérieur au deuxième, même si je suis toujours surpris de la quantité de choses que des académiques arrivent à lire dans des épisodes de Star Trek. C'est toutefois clairement un ouvrage américano-centré (même s'il est parfois très critique des actions US) et cet aspect pourra éventuellement le distancer de notre sensibilité européenne.

C'est donc un ouvrage à acquérir qui, pour un prix modique, offre une vaste palette de pistes de réflexion à l'amateur.

Note GHOR : 2 étoiles (et demi ^_^)

22/10/2008

_New boundaries in political science fiction_

New boundaries in political science fiction : Donald M. Hassler & Clyde Wilcox : University of South Carolina Press : 2008 : ISBN-13 978-1-57003-736-8 : 362 pages (y compris index et biblios éventuelles) : une vingtaine d'euros pour un HC avec jaquette.

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Cet ouvrage est un recueil d'essais (inédits en règle générale, le reste étant paru dans Extrapolation) traitant de l'aspect politique de la SF ou directement de la SF politique (pour peu qu'une telle bête existe).
                                                                                                                                                                                                    
Il se divise en trois sections d'importance égale :
- On the personal "New Man" qui se focalise sur le côté personnel de la SF et les éléments qui nous définissent en tant qu'individus : le sexe (genre), la race, le corps. Les articles sont sur des sujets variés : Foster, Moorcock, Merril, Asimov ou la biologie.
- On the power and the "Nation" traite de systèmes politiques plus vastes que la section précédente en passant à l'étude du concept de nation au travers de divers exemples (la Fédération de Star Trek, celle de Starship troopers, le Brésil, l'après 11 septembre...).
- On individual writers and situations va se pencher sur des auteurs : Banks, Miéville (deux articles sur la série New Crobuzon, une nouvelle mode dans le monde académique ?), Donaldson (le cycle des Seuils), Dick (surprise !) et Mosley (pour un ouvrage qui semble vaguement cyberpunk : Futureland).
This day all gods die (Bantam).jpg
Comme toujours, ce type d'ouvrage est d'une valeur assez variable, dépendant à la fois de la maîtrise de sujet par l'auteur (bien qu'ici il n'y ait pas d'erreurs de casting évidentes) et de la familiarité du lecteur avec le matériau étudié. En tout cas, le ton est assez critique (pour un ouvrage américain, s'entend) et la lecture est plaisante.
Personnellement, je retiendrais de ce livre une n-ième démolition de Starship troopers (c'est toujours facile mais cela fait du bien), un remise en perspective bienvenue du Cyberpunk qui, sous des dehors vaguement anarchiques, faisait quand même du capitalisme trans-national une chose inévitable et parfois même séduisante et une amusante analyse politique des types de relations de la Culture banksienne avec d'autres civilisations, un article dont la structure fait parfois se demander si la fiction n'est pas prise au premier degré (au sens de décrivant une réalité objective) par certains auteurs.
Starship troopers (Berkley).jpg
On notera aussi la part grandissante accordée à la SF autre que écrite avec plusieurs articles sur des séries télévisuelles (Star Trek mais aussi Battlestar Galactica) ou des films (Firefly), une tendance assez lourde dans les ouvrages sur la SF.
Star trek (JL 1980).jpg
Note GHOR : 2 étoiles