18/03/2009
_La science-fiction : Lecture et poétique d'un genre littéraire_
La science-fiction : Lecture et poétique d'un genre littéraire : Irène LANGLET : Armand Colin (Collection U) : 2006 : ISBN-10 2-200-26-921-8 : 303 pages (y compris index sommaire et bibliographie) : 25 Euros pour un TP pas super solide.

Ce livre est dû à la plume d'une universitaire française, même si elle a suivi une partie de son cursus au Canada, pays très en pointe en ce qui concerne l'étude de la SF dans le cursus littéraire 'classique' et qui nous a donné plusieurs pointures. On peut citer (entre autres) Saint-Gelais, Suvin le grand ancêtre ou Gouanvic.
Cet ouvrage est organisé en trois parties principales :
1) "Outils de mécanique science fictionnelle", une partie à l'approche très originale puisqu'elle se concentre sur les outils littéraires utilisés par la SF dans sa stratégie de 'cognitive estrangement' (le terme inventé par Suvin) : paratexte, mots valises, appositons, usage du "je", fix-up, etc... Cette partie consacrée donc aux techniques d'écriture proprement dites fait une centaine de pages.
2) "Pour une histoire littéraire de la science-fiction" qui essaie de donner une autre histoire de la SF que celle de ses thèmes ou de sa socio-économie, illustrée par une chronologie schématique en annexe et qui s'ouvre sur une réflexion sur les rapports entre science et SF.
3) "Dans la machine science fictionnelle" qui part de 4 romans (L'usage des armes, Neuromancien, Des milliards de tapis de cheveux & Chroniques du pays de mères) qui sont utilisés comme bases pour aborder certains types de SF (le space opéra, le cyberpunk) et diverses problématiques (la datation interne des oeuvres).

Dans les nombreuses annexes on notera la chronologie de la SF évoquée plus haut, les synopsis des romans de la troisième partie ainsi que des extraits en VO & VF, un glossaire, une bibliographie secondaire (y compris sites web) et un index.
Globalement le livre à la fois original dans son approche (la première partie) et fait une lecture serrée des oeuvres étudiées. Le jargon de la technique narritive est certes présent (homodiégétique, hétérodiégétique) mais est suffisamment bien expliqué pour les profanes dans mon genre (y compris par le glossaire). La réflexion théorique est d'excellent niveau et s'appuie sur des bases saines.
Toutefois, je ne serais pas fidèle à ma réputation si je n'y avais pas trouvé matière à contestation/discussion/chipotage, à la fois dans les détails et dans ses orientations.
Dans le désordre :
- Il existe un certain nombre d'erreurs factuelles dans les données bibliographiques (par exemple, le cycle du non-A est daté de 1948) ou d'affirmation un peu légères (du style "le cycle de l'histoire du futur ne comporte aucune date dans ses titres", qui oublie Revolt in 2100 qui n'est certes pas le titre d'une nouvelle mais est celui d'un recueil) ou de données incomplètes (une comparaison pertinente des couvertures du Banks omet de préciser quelles éditions sont évoquées, ce qui pourrait laisser croire que toutes les éditions VO & VF ont la même couverture, ce qui n'est pas le cas) ou fausses (une troisième version du C&N est évoquée).

- Plus étonnant et signe d'une recherche un peu "light", cette affirmation (note 1 de la page 231) que je ne peux resister au plaisir de citer : "L'ordre des nouvelles (de l'anthologie Histoires de voyages dans le temps) est celui de l'édition disponible en librairie datant de 1987. Cet ordre modifie légèrement celui de la première édition, à la date du copyright (1975). Pour les comparer voir le site d'amateur indexant les deux tables des matières, "index SF", URL : http://sf.marseille.mecreant.org/ouvrage/ouv000098.". Une rapide recherche sur le fameux site en question montre que, effectivement, l'ordre semble différent pour les deux éditions, même s'il peut sembler étrangement alphabétique pour la première édition. Une recherche plus poussé dans les différentes impressions de l'ouvrage en question permet de voir que l'ordre est strictement le même dans les deux version citées. L'affirmation de Langlet est donc factuellement fausse, faute d'une recherche suffisamment poussée. J'ai relevé ce point parce que l'ordre des nouvelles est une des bases de l'argumentation de l'auteur ("la complexité va croissant"). Voilà du coup une erreur/absence de 'sort' dans une page web promue au rang de fait avéré et, en quelque sorte, légitimée par l'académie.
- D'une façon générale, j'ai une impression curieuse quand à la profondeur des recherches et la quantité d'éléments bibliographiques vraiment consultés avant l'écriture de cet ouvrage. En effet, l'essentiel des citations et exemples qui appuient le texte provient de seulement trois sources principales (excellentes au demeurant) : L'empire du pseudo de Saint-Gelais, le Clute & Nicholls (The encylopedia of science fiction) et les oeuvres complètes de Gérard Klein telles que l'on peut les trouver sur le site de XLII (donc plutôt une collection de préfaces). Pour un genre aussi vaste et étudié que la SF, cette concentration des sources sur un nombre limité d'items parait assez surprenante. Ce manque de matière est d'autant plus frappant quand on consulte la bibliographie et que l'on y trouve des livres nullissimes comme le Manfrédo chez Le cavalier bleu ou l'infâme Gattégno, ou des chefs d'oeuvres d'approximation et d'erreurs comme le Colson & Ruaud ou le Barets. Avec de mauvais outils comme ceux-là, la qualité du discours ne peut que s'en ressentir. C'est effectivement ce qui se passe avec parfois une nette impression de flou, un manque d'originalité dans certaines analyses ou au moins une absence d'éclairages contradictoires.

- Du coup, cette faiblesse du coté des sources primaires explique probablement pourquoi la deuxième partie m'a un peu irrité. Si l'on veut ré-écrire correctement l'histoire de la SF comme veut le faire Langlet, il faut partir sur des bases solides et avoir une vue synthétique, ce qui n'est manifestement pas le cas. Il est vrai que la critique d'un graphique des évènements marquants est toujours subjective et discutable, mais, par exemple, trouver que le seul évènement SF marquant en Grande-Bretagne entre 1990 et 1995 est la tentative (rapidement avortée) de ressortir la revue New Worlds, témoigne d'une vision du genre que l'on peut qualifier de spéciale (spécieuse ?). Langlet n'a pas (ou n'a pas trouvé) le bagage nécessaire pour présenter une chronologie satisfaisante. A mon sens, elle aurait pu exciser cette partie qui est à la fois peu réaliste, atomisée dans son déroulé (qui saute du coq à l'âne) et peu convaincante.
- Les quatres oeuvres étudiés sont (je cite) : "...à la fin du parcours d'environ cent ans qu'a suivi la SF...". Si le choix des oeuvres est peu discutable dans l'absolu (ce sont de bons textes), il a été visiblement fait dans l'optique de proposer une représentation acceptable de la SF. On notera la répartition géographique des auteurs, qui si elle est très 'correcte' et 'cosmopolite' (un écossais, un canadien/américain, un allemand et une franco-canadienne) est assez peu représentative du paysage géographique (par nationalité des auteurs) du genre, même si l'on ne prend en compte que les titres existant en traduction française. Ce point de détail évacué, je reste néanmoins sceptique sur le fait que des oeuvres de 1984, 1990, 1995 & 1999 (dans sa version révisée pour la dernière) puissent être valablement prises comme réprésentatives de "l'état de l'art" de la SF. Pour un livre écrit en 2006 cela fait un gouffre de 22 ans avec Neuromancien. Certes, il faut le temps pour mener une analyse aussi poussée et aussi pertinente que celle là mais la date d'expiration et surtout la relevance des ces oeuvres vis à vis de la SF écrite et publiée de nos jours sont largement dépassées. Du coup, les leçons que l'ont peu tirer de ces romans (thématique, technique...), même si elles restent pertinentes, ne sont pas applicables pour comprendre et décrypter la SF actuelle.

Que ces quelques critiques ne vous empêchent toutefois pas d'acheter ce livre. Il représente une somme de travail non négligeable et constitue un ouvrage qui est parfaitement digne de figurer parmi les ouvrages de référence majeurs en VF.
Note GHOR : 3 étoiles
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16/03/2009
_Colloque de Cérisy : Les nouvelles formes de la SF_
Colloque de Cérisy : Les nouvelles formes de la SF : Roger BOZZETTO & Gilles MENGALDO : Bragelonne "Essais" : 2006 : ISBN 2-915549-46-X : 421 pages (pas d'index ni de bibliographie) : 40 Euros pour un TP à la solidité très moyenne.

Cet ouvrage est donc le du recueil des interventions faites lors du colloque de Cérisy 2003. Ce colloque annuel rassemble divers intervenants (généralement les mêmes d'une année sur l'autre) autour d'une thématique qui n'est, comme c'est souvent la cas, qu'un prétexte à rassembler des communications diverses sur le genre.
C'est donc un ensemble de textes variés de textes, mêlant les perspectives historiques (le groupe Limite) à l'analyse d'oeuvres tant cinématographiques (Dark city, Alien, Ghost in the shell, etc...) que littéraires (série Darwin de Greg Bear) en passant par des études propres à certains auteurs (Brussolo, Ballard, Heinlein...).

Une fois évacués les problèmes proprement techniques de l'ouvrage : Photos de films taille timbre poste et toutes noires, transcription des dialogues mal éditée et ne faisant pas forcément avancer le débat, absence totale d'index et de bibliographie centralisée, on arrive au reproche principal que l'on peut faire à ce livre à savoir que la longueur des articles est globalement inadaptée.
En effet, une partie des textes est trop longue (pour ne pas dire délayée) parce que l'on sent que l'intervenant n'a pas grand chose à dire ou pas grand chose de préparé (textes sur Ballard et sur Brussolo par exemple où le manque de profondeur est flagrant). Dans au moins un cas (l'article de Besson sur les séries) c'est carrément une redite inutile puisqu'il s'agit d'un extrait d'un livre déjà publié.

A contrario, une partie des textes est trop courte parce qu'elle ne fait que mettre l'eau à la bouche. Un bon exemple est le texte de J. C. Dunyach qui développe des thèses intéressantes, assez proches de celle de Langlet, mais seulement sur 20 petites pages. Son argumentaire aurait gagné à être étendu à l'aide d'exemples plus nombreux.
Certains textes présagent parfois peut-être un livre en devenir comme l'intervention sur Heinlein où Eric Picholle nous présente l'oeuvre tardive de cet auteur non comme une série de navets verbeux, malsains et enflés mais comme une illustration de la mécanique quantique (NdA : c'est exactement ce qui c'est passé avec la publication de Solutions non-satisfaisantes).
Un ouvrage suffisamment varié pour que chacun y trouve son compte et un ouvrage à soutenir venant d'un éditeur qu'il est de bon ton de traîner dans la boue pour un mercantilisme excessif mais qui prend un risque (AMHA) important sur ce type de texte (remarque aussi valable pour le Sadoul) que je ne vois pas beaucoup d'autres éditeurs "de qualité" prendre.
Note GHOR : 3 étoiles.
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12/03/2009
_Pour une poétique de la Science-Fiction_
Pour une poétique de la Science-Fiction : Darko SUVIN : Presses de l'université du Québec (collection "Genres et discours" #3) : 1977 : ISBN-10 0-7770-0196-9 : 228 pages (y compris bibliographie et index) : TO trouvable (parfois) d'occase.

Cet ouvrage est un recueil d'essais (datant du début des années 70) de Darko Suvin, universitaire canadien (à l'époque) et connu comme l'un des théoriciens phares du genre.
Organisé en deux grandes parties ("Théoire" et "Histoire"), ce recueil est subdivisé de plus en plus finement : chapitre 1, puis partie 3, puis paragraphe 3.0 et parfois sous-paragraphe 3.2.2. J'évoque cette organisation alambiquée et variable (certaines parties ont un paragraphe 0 d'autres commencent à 1) parce qu'elle est à l'image du livre.
Dans les deux parties de son livre, Suvin se concentre sur la proto-SF et/ou sur les pays de l'Est. Sont donc au menu les habituels précurseurs de la SF, tendance respectable : Lucien de Samosate, More, Wells, Verne, Capek...

Se pose alors le problème de la réflexion théorique de Suvin, certes brillante mais qui peut surprendre dans la mesure où il théorise un genre à partir d'éléments qui le prédatent de parfois plusieurs siècles. Quelle est la relevance de Rabelais (10 fois plus cité que Heinlein) pour étudier un genre dont la naissance se produit au XXème siècle aux USA ?
Du coup, n'étant pas amateur de SF-avant-la-SF, cet ouvrage ne m'a absolument pas intéressé. Je dois avouer qu'une N-ième discussion sur Swift (que je n'ai jamais lu), L'utopie ou Wells m'ont rebuté. Seuls les cercles académiques peuvent penser qu'un ouvrage russe du XVIIIème siècle puisse avoir une importance quelconque sur l'état actuel du genre. De plus, mon renoncement a été facilité par l'usage par l'auteur d'un jargon auquel je ne comprends pas grand chose, pénible à lire et en bonus agrémenté de force italiques et superbes matrices 2x2 (Suvin n'est quand même pas un matheux, on est loin du calcul tensoriel).
Un ouvrage à réserver aux spécialistes de théorie littéraire et à ceux qui préfèrent les fossiles.
Note GHOR : 1 étoile
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26/02/2009
_L'uchronie_
L'uchronie : Eric B. HENRIET : Klincksieck (collection "50 questions", No 46) : 2009 : ISBN-13 978-2-252-03710-2 : 262 pages (y compris bibliographie et index) : 18 Euros pour un TP à la solidité probablement moyenne (le mien a déjà les couvertures cornées).

Cet ouvrage fait donc partie de la collection "50 questions" qui nous a déjà donné l'immortel Science-fiction, une littérature du réel du duo Colson & Ruaud. Le principe de cette série est de faire le tour d'un sujet sous la forme de réponses assez longues (plusieurs pages) à 50 questions. Ici, c'est donc Eric Henriet qui s'y colle, ce qui tombe bien puisqu'il est le spécialiste français de l'uchronie avec déjà un (+1 réédition augmentée) ouvrage sur le sujet à son actif : L'histoire revisitée.

Ce livre est logiquement organisé en 50 chapitres, on peut toutefois le diviser en trois grandes parties :
- L'histoire et la théorie de l'uchronie dans ses divers variantes (uchronie pure, du futur, histoire secrète...).
- Une liste d'uchronies (tous médias confondus), classée par période de divergence (WW2, empire romain, moyen âge...) ou par origine géographique.
- Un rappel de l'état de l'art du genre et de ses perspectives d'évolution ou de développement.
Le texte est suivi d'une bibliographie organisée par média et d'un de ces index si particulier propre à cet éditeur.
AMHA, il y a tout d'abord deux problèmes structurels avec ce livre.
Le principe même des 50 questions et les contraintes qu'il induit : trouver une question, y répondre dans une longueur assez standardisée (les réponses sont de taille homogène) ont pour effet de hacher le discours de l'auteur (quand il a beaucoup de choses à dire) ou de le rendre parfois délayé (quand il a moins de choses à dire d'où la digression sur Turtledove de la question 10 qui vient comme un cheveu sur la soupe). Cette organisation implique des cassures de rythme plutôt désagréables et tendent à ventiler une même discussion sur plusieurs chapitres parfois très éloignés (par exemple les rapports entre uchronie et récits d'univers parallèles). C'est dommage pour le plaisir et la facilité de lecture.

L'autre problème est l'aspect 'catalogue' très marqué, un aspect dèja présent dans les autres livres de l'auteur mais qui atteint ici ses limites puisque plusieurs chapitres ne sont qu'une (longue) liste d'oeuvres. Elles ne sont hélas que très rarement évaluées (sauf pour Lambert qui en prend pour son grade), parfois assez peu décrites dans leur trame, voire évacuées en un mot ("Même Armageddon pour Barton, DuBois et Niven" page 156). Il aurait été préférable de fournir un vrai listing sous forme d'un tableau synoptique (si c'était possible) et de concentrer l'analyse sur moins de textes en la détaillant plus.
Cet exemple ("Même Armageddon pour Barton, DuBois et Niven") montre aussi une habitude très irritante de l'auteur, la citation tronquée.
En effet, pour savoir quels sont les textes de ces auteurs qui décrivent ce fameux Armageddon (et qui n'apparaissent qu'à cet endroit), il vous faudra vous reporter à l'index pour trouver que ce sont Age of aquarius, Resurrection day et All the myriad ways, avec la difficulté de déterminer laquelle des deux nouvelles de Barton présentes dans l'index il s'agit (entre Age of aquarius et Harvest moon). Les ayant lues, j'ai pu trouver mais je ne suis pas sûr que cela soit le cas de tous les lecteurs de l'ouvrage.

Tant qu'à faire, occupons nous maintenant des divers irritants que ce livre fournit à profusion :
- un index typique de l'éditeur au principe complètement débile puisque, au lieu de mentionner la page où tel élement est cité, il se borne à mentionner le numéro de la question, ce qui force à parcourir plusieurs pages pour trouver la réponse. Pourtant le livre est paginé mais le traitement de texte de Klincksieck ne doit pas avoir la fonctionnalité adéquate.

- une bibliographie inexploitable dans sa partie "littérature" puisque mélangeant (par ordre alphabétique d'auteur) romans uchroniques, nouvelles, anthologies (originales ou pas et contenant parfois des nouvelles cités ailleurs), ouvrages de référence (le Hellekson), ouvrages non uchroniques cités dans le texte (1984 !), ouvrages purement historiques (la série d'ouvrages d'histoire militaire d'Economica). Le tout sans fournir au lecteur de moyen de savoir ce que peut bien être telle ou telle oeuvre citée. On peut y ajouter quelques coquilles (par exemple Henriet parle souvent de l'anthologie Alternative Kennedys en réalité Alternate Kennedys) et un format incomplet (pas de TO, pas toutes les éditions).

- Des assertions un peu hâtives, comme l'inclusion dans les uchronies de Darwinia de R. C. Wilson alors qu'il s'agit de SF extrême si situant au point oméga de l'univers (comme dans Missile gap de Charles Stross).
- Et mon préféré (réservé aux spécialistes de l'aviation), le détail technique qui tue pour le profane ("whouah, cet auteur, c'est un vrai balèse, il s'y connaît trop") mais qu'il aurait mieux valu vérifier avant : "Chez Special Hobby, une boîte intitulée Ki 103 Randy 1/72, permet de construire la maquette de ce qui fut dans la réalité un prototype d'avion et l'illustration de la boîte montre une version opérationnelle d'un Randy en combat contre un Skyraider." (page 211).
Je pourrais tartiner des pages sur le fait que le Randy est le Ki102 (a,b ou c), que c'est un appareil produit à 240 exemplaires (pas mal pour un prototype), mis en service en 1944, que le Ki 103 n'a jamais existé et de que toute façon la boîte en question permet de monter un Ki 83, un appareil d'un autre constructeur (Mitsubishi et non Kawasaki) qui n'a d'ailleurs jamais reçu de code-name.

Après les histoires de cuirassés US ou de SS-20 (^_^), cela montre bien que les auteurs d'ouvrages de référence ont parfois l'affirmation technique un peu facile, jugeant sans doute ces domaines de peu d'importance et la tâche de vérification de leurs dires comme accessoire.
Mon goût pour le chipotage m'a conduit à n'émettre que des critiques sur ce livre. En fait, c'est un ouvrage d'une grande érudition sur le sujet et qui permet de mettre à plat certaines ambiguités sur la définition du genre ou sa typologie (une partie que j'aurais préféré nettement plus approfondie), parfaitement adapté pour une découverte de ce type de SF particulier. Un livre d'autant plus bienvenu que la pensée uchronique se développe un peu partout, à titre d'exemple l'excellent Stalingrad de Jean Lopez contient plusieurs passages uchroniques, chose impensable il y a quelques années dans ce type d'ouvrage.

Malgré tout, l'amateur plus chevronné lui préfèrera L'histoire revisitée, plus dense et plus pratique même si un poil moins récent mais surtout exempt des lourdes contraintes du format question-réponse. Et puis quelqu'un qui encense l'excellent Aztec century de Christopher Evans ne peut qu'avoir ma sympathie.

J'aurais quand même aimé un peu plus de soin dans les détails d'où :
Note GHOR : 2 étoiles
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16/02/2009
_Anticipation : 50 ans de collections fantastiques au Fleuve Noir_
Anticipation : 50 ans de collections fantastiques au Fleuve Noir : Alain DOUILLY : Black Coat Press : 2009 : ISBN-13 978-1-934543-64-1 : ill Christine Clavel : 406 pages : 25 Euros (port compris) pour un TP chez l'éditeur.

Cet ouvrage est consacré aux collections relevant du domaine de l'imaginaire (cela veut dire SF&F&H en jargon à la mode) qui ont été publiées par l'éditeur Fleuve Noir. Bien évidemment, la principale est la collection "Anticipation" qui, forte de ses 2002 romans (y compris au moins un recueil de nouvelles) a été probablement la collection SF la plus influente, jouant des rôles aussi divers que repoussoir, pépinière de talents ou gagne-pain.
D'autres ont déjà tenté de gravir cette montagne avec plus ou moins de réussite. On se souviendra du No 2-3 de Fantascienza à la couverture signée Manchu, ou, plus près de nous, des cinq fascicules du Catalogue analytique de Sylviane Collas.

Le livre est d'Alain Douilly, auteur d'un Guide de l'imaginaire, un ouvrage plutôt introductif qui en est malheureusement resté au premier tome (Les thèmes) malgré une présentation séduisante et une qualité honorable (IIRC malgré quelques inexactitudes).

Cet ouvrage est donc divisé en deux parties principales :
1) les collections : qui traite les collections FN que l'on peut rattacher au domaine (y compris Angoisse) en donnant pour chacune un court historique (paragraphe "Présentation", qui va de quelques lignes à plusieurs pages pour Anticipation), une liste des titres parus classée par année (paragraphe "Liste des titres" au format : No dans la collection, TF, auteur, TO, date TO, traducteur, sous-genre, cote et infos supplémentaires) et (parfois) une partie consacrée au illustrations ( "Illustrateurs et illustrations" avec des informations sur les auteurs des couvertures et, pour le FNA, une sorte d'index).
2) le dictionnaire des auteurs : logiquement par ordre alphabétique, il liste les auteurs (et pseudonymes rattachés) avec une mini-biographie (et parfois une photo pas forcément récente, cf. celle de RCW) et indique pour chacun les ouvrages écrits ainsi que les cycles ou séries auxquels ils se rattachent. Pour certains auteurs qui ont eu des collections dédiés (J. P. Garen par exemple), l'information sur la collection en question se trouve bizarrement reportée dans cette partie auteurs.
Le tout est parsemé de reproductions de couvertures, parfois en pleine page mais généralement au format de vignette en noir et blanc (certainement pour un problème de coût).

En ce qui me concerne, et pour compléter l'avis de Laurent (http://groups.google.fr/group/fr.rec.arts.sf/msg/ff8c1300...), j'ai un avis favorable sur cet ouvrage, avec quelques points mineurs et quand même un souci majeur.
Pour les points (parfois très) mineurs, je regretterais pêle-mêle :
- Quelques (rares) coquilles restantes : par exemple certains TO (articles omis), un Bagnoles-sur-Cèze (c'est Bagnols).
- Des abréviations pas forcément logiques : "Lendemains retrouvés" noté LD (j'attendais LR et j'ai dû vérifier dans la liste).
- Des collections qui semblent avoir été oubliées : les premières rééditions des Perry Rhodan (celles au portrait qui ont pourtant connu au moins deux impressions), les omnibus (non évoqués) et les plus récentes (les noires) qui sont justes citées.
- Des informations pertinentes omises : par exemple le fait que le PR #74 (Le piège de glace) comporte dans sa réédition une deuxième partie inédite.
- La difficulté à trouver quel illustrateur est l'auteur de quelle couverture (pas de mention au niveau du livre et un index qui marche dans le sens Illustrateur->No du livre) et un manque de recherche pour les couvertures 'anonymes' (celles des années 80) pour lesquelles l'information est parfois trouvable assez facilement (par exemple sur le net).
- Des affirmations que je juge un peu hâtives : les coupes dans le AEVV (La guerre contre le Rull), coupes que j'avais (rapidement) essayé de trouver mais qui ne m'avaient pas parues si évidentes.
- D'une façon générale, j'attendais un peu plus d'éléments de contexte sur les collections plutôt qu'un listing parfois un peu sec. Dans le même esprit, un index par titre aurait été le bienvenu.
- Le non-traitement général des ré-impressions (celle avec même numéro sont juste mentionnées d'une façon globale) alors que cela aurait pu être une plus-value importante pour un tel ouvrage (cf. Blue ou certains romans de Arnaud ré-imprimés sous le même numéro mais avec parfois une couverture différente).
- Un formalisme des titres inversé (du type Piège de glace (Le)) que j'ai personnellement en horreur.

Ma plus grosse objection est à la présence de la partie "livre de cotes" et se base sur trois points négatifs induits par ce choix d'offrir un guide de prix, choix qui n'était absolument pas indispensable ni implicite dans le projet (AMHA).
1) Ce genre de choix a une fâcheuse tendance à "dater" très nettement un tel ouvrage au sens où les prix ont tendance à évoluer et les raretés et modes d'aujourd'hui ne sont pas celles de demain (on se rappellera la cotation de L'autoroute sauvage dans le Rayon SF). Pour rester crédible, cela implique que Douilly réactualise son guide tous les deux ou trois ans (cf. le BDM ou l'Argus de la SF), chose pas évidente ni économiquement pertinente pour des collections arrêtées.

2) A un tel niveau de détail, ici la cotation différenciée de chaque livre, il s'agit d'un outil qui est AMHA un peu trop sophistiqué pour la plupart des utilisateurs professionnels (bouquinistes et libraires non spécialisés). Pour comprendre pourquoi le FNLR #32 (Le péril psychique) cote 15 Euros contre 5 Euros au #31 & #33, il faut un sérieux bagage es-SF que n'ont pas forcément tous les vendeurs qui risquent naturellement de considérer que l'ensemble de la collection est aussi recherché. De plus, on notera que la reprise de ce titre par Eons annule sa relative rareté, point qui ne semble pas avoir été pris en compte par l'auteur (les autres DAS cotent 6 Euros).

3) Mon plus fort repoche est le coté complètement irréaliste et hyper-inflationniste des cotes proposés par l'auteur. Au début, j'ai même cru, tellement elles sont élevées, qu'elles étaient en Francs.
En effet les cotations proposées par Douilly n'ont pas leur place dans un monde un tant soit peu réel, hormis aubaines (par exemple L'étoile en exil vu avant-hier à 1 Euro en état neuf chez Emmaüs) ou vendeurs à la limite de l'indélicatesse (celui qui vend sur e-bay 7.95 Euros les Pdf soldés chez Auchan à 50 cts). Coter de la Fusée non Brantonne à 20 Euros de moyenne, du FNA blanc à 8 Euros, du FNA de 1990 (pas encore bleu) à 9 Euros ou du "Maîtres français de la SF" à 5 Euros, c'est juste ridicule. C'est aussi parfois illogique, comme le fait que les HS1&2 cotent plus de deux fois moins que les HS3&4 (tous des PR).
Comme ma perception du marché est peut être biaisée, j'ai donc choisi un exemple bien croustillant et je me suis mis en chasse des prix effectivement pratiqués pour ce titre.
Prenons donc le FNA #295 (La milice des mutants) qui vaut, selon Douilly 40 Euros (plus de 250 Francs pour les vieux comme moi), on le trouve, en état comparable et en moins de trois minutes :
- sur e-bay à 4.5 Euros (particulier) et 6 Euros (professionnel) en achat immédiat donc prix fixe.
- sur priceminister à 1.7 Euros (particulier) et 5 Euros (professionnel).
- sur chapitre.com (pourtant déjà habituellement largement hors-jeu sur les tarifs) à 14 Euros (donc d'un professionnel).
- à la librairie Ys à 8 Euros (librairie virtuelle mais vraie entreprise).
- à la librairie livreenpoche à 5.9 Euros (IIRC librairie physique).

Malgré le couplet défensif habituel sur les pauvres bouquinistes et commerçants de tous poils écrasés de taxes et victimes d'une structure bilantielle défavorable (même si le connaisseur appréciera la marge de 300% faite sur le livre d'occasion par l'auteur, marge qui satisferait plus d'un commerçant ainsi que le bénéfice net de 66% par livre vendu), le fait est que les cotes suggérées par Douilly sont entre 3 et 10 fois supérieures à celle du marché réel et surtout professionnel. Quel est alors l'intérêt d'une telle inflation ?
Mais bon, que les récriminations périphériques d'un pingre comme moi ne vous arrêtent pas. Il s'agit d'un ouvrage solide, sans erreurs bibliographiques manifestes, fruit d'un vaste travail (la répartition par série est impréssionnante et les biographies aussi même sil elles sont trop courtes), agréable à lire (au bémol de certains pavés annexes un peu incongrus au milieu du texte) et qui est, dans l'état actuel des choses, le must sur la nébuleuse Fleuve Noir.
Ne manquent pour un indispensable qu'un peu de couleur (un cahier central ?), un peu plus de contextualisation (ou d'anecdotes croutillantes) quelques index de plus, une couverture un poil plus solide et l'abandon de ces cotes stratosphériques et erronées qui n'apportent rien.
Note GHOR : 3 étoiles
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