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12/03/2009

_Pour une poétique de la Science-Fiction_

Pour une poétique de la Science-Fiction : Darko SUVIN : Presses de l'université du Québec (collection "Genres et discours" #3) : 1977 : ISBN-10 0-7770-0196-9 : 228 pages (y compris bibliographie et index) : TO trouvable (parfois) d'occase.

 

Pour une poétique de la SF.jpg

Cet ouvrage est un recueil d'essais (datant du début des années 70) de Darko Suvin, universitaire canadien (à l'époque) et connu comme l'un des théoriciens phares du genre.

Organisé en deux grandes parties ("Théoire" et "Histoire"), ce recueil est subdivisé de plus en plus finement : chapitre 1, puis partie 3, puis paragraphe 3.0 et parfois sous-paragraphe 3.2.2. J'évoque cette organisation alambiquée et variable (certaines parties ont un paragraphe 0 d'autres commencent à 1) parce qu'elle est à l'image du livre.

Dans les deux parties de son livre, Suvin se concentre sur la proto-SF et/ou sur les pays de l'Est. Sont donc au menu les habituels précurseurs de la SF, tendance respectable : Lucien de Samosate, More, Wells, Verne, Capek...

La guerre des mondes.jpg

Se pose alors le problème de la réflexion théorique de Suvin, certes brillante mais qui peut surprendre dans la mesure où il théorise un genre à partir d'éléments qui le prédatent de parfois plusieurs siècles. Quelle est la relevance de Rabelais (10 fois plus cité que Heinlein) pour étudier un genre dont la naissance se produit au XXème siècle aux USA ?

Du coup, n'étant pas amateur de SF-avant-la-SF, cet ouvrage ne m'a absolument pas intéressé. Je dois avouer qu'une N-ième discussion sur Swift (que je n'ai jamais lu), L'utopie ou Wells m'ont rebuté. Seuls les cercles académiques peuvent penser qu'un ouvrage russe du XVIIIème siècle puisse avoir une importance quelconque sur l'état actuel du genre. De plus, mon renoncement a été facilité par l'usage par l'auteur d'un jargon auquel je ne comprends pas grand chose, pénible à lire et en bonus agrémenté de force italiques et superbes matrices 2x2 (Suvin n'est quand même pas un matheux, on est loin du calcul tensoriel).

Un ouvrage à réserver aux spécialistes de théorie littéraire et à ceux qui préfèrent les fossiles.

Note GHOR : 1 étoile

26/02/2009

_L'uchronie_

L'uchronie  : Eric B. HENRIET : Klincksieck (collection "50 questions", No 46) : 2009 : ISBN-13 978-2-252-03710-2 : 262 pages (y compris bibliographie et index) : 18 Euros pour un TP à la solidité probablement moyenne (le mien a déjà les couvertures cornées).

L'uchronie.jpg

Cet ouvrage fait donc partie de la collection "50 questions" qui nous a déjà donné l'immortel Science-fiction, une littérature du réel du duo Colson & Ruaud. Le principe de cette série est de faire le tour d'un sujet sous la forme de réponses assez longues (plusieurs pages) à 50 questions. Ici, c'est donc Eric Henriet qui s'y colle, ce qui tombe bien puisqu'il est le spécialiste français de l'uchronie avec déjà un (+1 réédition augmentée) ouvrage sur le sujet à son actif : L'histoire revisitée.

L'histoire revisitée.jpg

Ce livre est logiquement organisé en 50 chapitres, on peut toutefois le diviser en trois grandes parties :
- L'histoire et la théorie de l'uchronie dans ses divers variantes (uchronie pure, du futur, histoire secrète...).
- Une liste d'uchronies (tous médias confondus), classée par période de divergence (WW2, empire romain, moyen âge...) ou par origine géographique.
- Un rappel de l'état de l'art du genre et de ses perspectives d'évolution ou de développement.

Le texte est suivi d'une bibliographie organisée par média et d'un de ces index si particulier propre à cet éditeur.

AMHA, il y a tout d'abord deux problèmes structurels avec ce livre.

Le principe même des 50 questions et les contraintes qu'il induit : trouver une question, y répondre dans une longueur assez standardisée (les réponses sont de taille homogène) ont pour effet de hacher le discours de l'auteur (quand il a beaucoup de choses à dire) ou de le rendre parfois délayé (quand il a moins de choses à dire d'où la digression sur Turtledove de la question 10 qui vient comme un cheveu sur la soupe). Cette organisation implique des cassures de rythme plutôt désagréables et tendent à ventiler une même discussion sur plusieurs chapitres parfois très éloignés (par exemple les rapports entre uchronie et récits d'univers parallèles). C'est dommage pour le plaisir et la facilité de lecture.

Agent of byzantium (Wolrdwide 1988).jpg


L'autre problème est l'aspect 'catalogue' très marqué, un aspect dèja présent dans les autres livres de l'auteur mais qui atteint ici ses limites puisque plusieurs chapitres ne sont qu'une (longue) liste d'oeuvres. Elles ne sont hélas que très rarement évaluées (sauf pour Lambert qui en prend pour son grade), parfois assez peu décrites dans leur trame, voire évacuées en un mot ("Même Armageddon pour Barton, DuBois et Niven" page 156). Il aurait été préférable de fournir un vrai listing sous forme d'un tableau synoptique (si c'était possible) et de concentrer l'analyse sur moins de textes en la détaillant plus.

Cet exemple ("Même Armageddon pour Barton, DuBois et Niven") montre aussi une habitude très irritante de l'auteur, la citation tronquée.
En effet, pour savoir quels sont les textes de ces auteurs qui décrivent ce fameux Armageddon (et qui n'apparaissent qu'à cet endroit), il vous faudra vous reporter à l'index pour trouver que ce sont Age of aquarius, Resurrection day et All the myriad ways, avec la difficulté de déterminer laquelle des deux nouvelles de Barton présentes dans l'index il s'agit (entre Age of aquarius et Harvest moon). Les ayant lues,  j'ai pu trouver mais je ne suis pas sûr que cela soit le cas de tous les lecteurs de l'ouvrage.

Resurrection day (Little Brown 1999).jpg

Tant qu'à faire, occupons nous maintenant des divers irritants que ce livre fournit à profusion :

- un index typique de l'éditeur au principe complètement débile puisque, au lieu de mentionner la page où tel élement est cité, il se borne à mentionner le numéro de la question, ce qui force à parcourir plusieurs pages pour trouver la réponse. Pourtant le livre est paginé mais le traitement de texte de Klincksieck ne doit pas avoir la fonctionnalité adéquate.

Alternate Kennedys (Tor 1992).jpg

- une bibliographie inexploitable dans sa partie "littérature" puisque mélangeant (par ordre alphabétique d'auteur) romans uchroniques, nouvelles, anthologies (originales ou pas et contenant parfois des nouvelles cités ailleurs), ouvrages de référence (le Hellekson), ouvrages non uchroniques cités dans le texte (1984 !), ouvrages purement historiques (la série d'ouvrages d'histoire militaire d'Economica). Le tout sans fournir au lecteur de moyen de savoir ce que peut bien être telle ou telle oeuvre citée. On peut y ajouter quelques coquilles (par exemple Henriet parle souvent de l'anthologie Alternative Kennedys en réalité Alternate Kennedys) et un format incomplet (pas de TO, pas toutes les éditions).

Les erreurs stratégiques du IIIè Reich.jpg


- Des assertions un peu hâtives, comme l'inclusion dans les uchronies de Darwinia de R. C. Wilson alors qu'il s'agit de SF extrême si situant au point oméga de l'univers (comme dans Missile gap de Charles Stross).

- Et mon préféré (réservé aux spécialistes de l'aviation), le détail technique qui tue pour le profane ("whouah, cet auteur, c'est un vrai balèse, il s'y connaît trop") mais qu'il aurait mieux valu vérifier avant : "Chez Special Hobby, une boîte intitulée Ki 103 Randy 1/72, permet de construire la maquette de ce qui fut dans la réalité un prototype d'avion et l'illustration de la boîte montre une version opérationnelle d'un Randy en combat contre un Skyraider." (page 211).
Je pourrais tartiner des pages sur le fait que le Randy est le Ki102 (a,b ou c), que c'est un appareil produit à 240 exemplaires (pas mal pour un prototype), mis en service en 1944, que le Ki 103 n'a jamais existé et de que toute façon la boîte en question permet de monter un Ki 83, un appareil d'un autre constructeur (Mitsubishi et non Kawasaki) qui n'a d'ailleurs jamais reçu de code-name.

ki83.jpg

Après les histoires de cuirassés US ou de SS-20 (^_^), cela montre bien que les auteurs d'ouvrages de référence ont parfois l'affirmation technique un peu facile, jugeant sans doute ces domaines de peu d'importance et la tâche de vérification de leurs dires comme accessoire.

Mon goût pour le chipotage m'a conduit à n'émettre que des critiques sur ce livre. En fait, c'est un ouvrage d'une grande érudition sur le sujet et qui permet de mettre à plat certaines ambiguités sur la définition du genre ou sa typologie (une partie que j'aurais préféré nettement plus approfondie), parfaitement adapté pour une découverte de ce type de SF particulier. Un livre d'autant plus bienvenu que la pensée uchronique se développe un peu partout, à titre d'exemple l'excellent Stalingrad de Jean Lopez contient plusieurs passages uchroniques, chose impensable il y a quelques années dans ce type d'ouvrage.

Stalingrad.jpg

Malgré tout, l'amateur plus chevronné lui préfèrera L'histoire revisitée, plus dense et plus pratique même si un poil moins récent mais surtout exempt des lourdes contraintes du format question-réponse. Et puis quelqu'un qui encense l'excellent Aztec century de Christopher Evans ne peut qu'avoir ma sympathie.

Aztec century (Gollancz 1994).jpg

J'aurais quand même aimé un peu plus de soin dans les détails d'où :

Note GHOR : 2 étoiles

16/02/2009

_Anticipation : 50 ans de collections fantastiques au Fleuve Noir_

Anticipation : 50 ans de collections fantastiques au Fleuve Noir : Alain DOUILLY : Black Coat Press : 2009 : ISBN-13 978-1-934543-64-1 : ill Christine Clavel : 406 pages : 25 Euros (port compris) pour un TP chez l'éditeur.

Anticipation.jpg

Cet ouvrage est consacré aux collections relevant du domaine de l'imaginaire (cela veut dire SF&F&H en jargon à la mode) qui ont été publiées par l'éditeur Fleuve Noir. Bien évidemment, la principale est la collection "Anticipation" qui, forte de ses 2002 romans (y compris au moins un recueil de nouvelles) a été probablement la collection SF la plus influente, jouant des rôles aussi divers que repoussoir, pépinière de talents ou gagne-pain.

D'autres ont déjà tenté de gravir cette montagne avec plus ou moins de réussite. On se souviendra du No 2-3 de Fantascienza à la couverture signée Manchu, ou, plus près de nous, des cinq fascicules du Catalogue analytique de Sylviane Collas.

Catalogue analytique FN.jpg

Le livre est d'Alain Douilly, auteur d'un Guide de l'imaginaire, un ouvrage plutôt introductif qui en est malheureusement resté au premier tome (Les thèmes) malgré une présentation séduisante et une qualité honorable (IIRC malgré quelques inexactitudes).

Les guides de l'imaginaire T1.jpg


Cet ouvrage est donc divisé en deux parties principales :

1) les collections : qui traite les collections FN que l'on peut rattacher au domaine (y compris Angoisse) en donnant pour chacune un court historique (paragraphe "Présentation", qui va de quelques lignes à plusieurs pages pour Anticipation), une liste des titres parus classée par année (paragraphe "Liste des titres" au format : No dans la collection, TF, auteur, TO, date TO, traducteur, sous-genre, cote et infos supplémentaires) et (parfois) une partie consacrée au illustrations ( "Illustrateurs et illustrations" avec des informations sur les auteurs des couvertures et, pour le FNA, une sorte d'index).

2) le dictionnaire des auteurs : logiquement par ordre alphabétique, il liste les auteurs (et pseudonymes rattachés) avec une mini-biographie (et parfois une photo pas forcément récente, cf. celle de RCW) et indique pour chacun les ouvrages écrits ainsi que les cycles ou séries auxquels ils se rattachent. Pour certains auteurs qui ont eu des collections dédiés (J. P. Garen par exemple), l'information sur la collection en question se trouve bizarrement reportée dans cette partie auteurs.

Le tout est parsemé de reproductions de couvertures, parfois en pleine page mais généralement au format de vignette en noir et blanc (certainement pour un problème de coût).

Honneur de chasse (FN 1991).jpg


En ce qui me concerne, et pour compléter l'avis de Laurent (http://groups.google.fr/group/fr.rec.arts.sf/msg/ff8c1300...), j'ai un avis favorable sur cet ouvrage, avec quelques points mineurs et quand même un souci majeur.

Pour les points (parfois très) mineurs, je regretterais pêle-mêle :
- Quelques (rares) coquilles restantes : par exemple certains TO (articles omis), un Bagnoles-sur-Cèze (c'est Bagnols).
- Des abréviations pas forcément logiques : "Lendemains retrouvés" noté LD (j'attendais LR et j'ai dû vérifier dans la liste).
- Des collections qui semblent avoir été oubliées : les premières rééditions des Perry Rhodan (celles au portrait qui ont pourtant connu au moins deux impressions), les omnibus (non évoqués) et les plus récentes (les noires) qui sont justes citées.
- Des informations pertinentes omises : par exemple le fait que le PR #74 (Le piège de glace) comporte dans sa réédition une deuxième partie inédite.
- La difficulté à trouver quel illustrateur est l'auteur de quelle couverture (pas de mention au niveau du livre et un index qui marche dans le sens Illustrateur->No du livre) et un manque de recherche pour les couvertures 'anonymes' (celles des années 80) pour lesquelles l'information est parfois trouvable assez facilement (par exemple sur le net).
- Des affirmations que je juge un peu hâtives : les coupes dans le AEVV (La guerre contre le Rull), coupes que j'avais (rapidement) essayé de trouver mais qui ne m'avaient pas parues si évidentes.
- D'une façon générale, j'attendais un peu plus d'éléments de contexte sur les collections plutôt qu'un listing parfois un peu sec. Dans le même esprit, un index par titre aurait été le bienvenu.
- Le non-traitement général des ré-impressions (celle avec même numéro sont juste mentionnées d'une façon globale) alors que cela aurait pu être une plus-value importante pour un tel ouvrage (cf. Blue ou certains romans de Arnaud ré-imprimés sous le même numéro mais avec parfois une couverture différente).
- Un formalisme des titres inversé (du type Piège de glace (Le)) que j'ai personnellement en horreur.

La guerre contre le Rull (FN 1963).jpg

 Ma plus grosse objection est à la présence de la partie "livre de cotes" et se base sur trois points négatifs induits par ce choix d'offrir un guide de prix, choix qui n'était absolument pas indispensable ni implicite dans le projet (AMHA).

1) Ce genre de choix a une fâcheuse tendance à "dater" très nettement un tel ouvrage au sens où les prix ont tendance à évoluer et les raretés et modes d'aujourd'hui ne sont pas celles de demain (on se rappellera la cotation de L'autoroute sauvage dans le Rayon SF). Pour rester crédible, cela implique que Douilly réactualise son guide tous les deux ou trois ans (cf. le BDM ou l'Argus de la SF), chose pas évidente ni économiquement pertinente pour des collections arrêtées.

L'autoroute sauvage (FN 1976).jpg

2) A un tel niveau de détail, ici la cotation différenciée de chaque livre, il s'agit d'un outil qui est AMHA un peu trop sophistiqué pour la plupart des utilisateurs professionnels (bouquinistes et libraires non spécialisés). Pour comprendre pourquoi le FNLR #32 (Le péril psychique) cote 15 Euros contre 5 Euros au #31 & #33, il faut un sérieux bagage es-SF que n'ont pas forcément tous les vendeurs qui risquent naturellement de considérer que l'ensemble de la collection est aussi recherché. De plus, on notera que la reprise de ce titre par Eons annule sa relative rareté, point qui ne semble pas avoir été pris en compte par l'auteur (les autres DAS cotent 6 Euros).

Péril psychique (FN 1977).jpg

3) Mon plus fort repoche est le coté complètement irréaliste et hyper-inflationniste des cotes proposés par l'auteur. Au début, j'ai même cru, tellement elles sont élevées, qu'elles étaient en Francs.
En effet les cotations proposées par Douilly n'ont pas leur place dans un monde un tant soit peu réel, hormis aubaines (par exemple L'étoile en exil vu avant-hier à 1 Euro en état neuf chez Emmaüs) ou vendeurs à la limite de l'indélicatesse (celui qui vend sur e-bay 7.95 Euros les Pdf soldés chez Auchan à 50 cts). Coter de la Fusée non Brantonne à 20 Euros de moyenne, du FNA blanc à 8 Euros, du FNA de 1990 (pas encore bleu) à 9 Euros ou du "Maîtres français de la SF"  à 5 Euros, c'est juste ridicule. C'est aussi parfois illogique, comme le fait que les HS1&2 cotent plus de deux fois moins que les HS3&4 (tous des PR).

Comme ma perception du marché est peut être biaisée, j'ai donc choisi un exemple bien croustillant et je me suis mis en chasse des prix effectivement pratiqués pour ce titre.

Prenons donc le FNA #295 (La milice des mutants) qui vaut, selon Douilly 40 Euros (plus de 250 Francs pour les vieux comme moi), on le trouve, en état comparable et en moins de trois minutes :
- sur e-bay à 4.5 Euros (particulier) et 6 Euros (professionnel) en achat immédiat donc prix fixe.
- sur priceminister à 1.7 Euros (particulier) et 5 Euros (professionnel).
- sur chapitre.com (pourtant déjà habituellement largement hors-jeu sur les tarifs) à 14 Euros (donc d'un professionnel).
- à la librairie Ys à 8 Euros (librairie virtuelle mais vraie entreprise).
- à la librairie livreenpoche à 5.9 Euros (IIRC librairie physique).

La milice des mutants (FN 1966).jpg

Malgré le couplet défensif habituel sur les pauvres bouquinistes et commerçants de tous poils écrasés de taxes et victimes d'une structure bilantielle défavorable (même si le connaisseur appréciera la marge de 300% faite sur le livre d'occasion par l'auteur, marge qui satisferait plus d'un commerçant ainsi que le bénéfice net de 66% par livre vendu), le fait est que les cotes suggérées par Douilly sont entre 3 et 10 fois supérieures à celle du marché réel et surtout professionnel. Quel est alors l'intérêt d'une telle inflation ?

Mais bon, que les récriminations périphériques d'un pingre comme moi ne vous arrêtent pas. Il s'agit d'un ouvrage solide, sans erreurs bibliographiques manifestes, fruit d'un vaste travail (la répartition par série est impréssionnante et les biographies aussi même sil elles sont trop courtes), agréable à lire (au bémol de certains pavés annexes un peu incongrus au milieu du texte) et qui est, dans l'état actuel des choses, le must sur la nébuleuse Fleuve Noir.

Ne manquent pour un indispensable qu'un peu de couleur (un cahier central ?), un peu plus de contextualisation (ou d'anecdotes croutillantes) quelques index de plus, une couverture un poil plus solide et l'abandon de ces cotes stratosphériques et erronées qui n'apportent rien.

Note GHOR : 3 étoiles

13/02/2009

_Les 42210 univers de la science-fiction_

Les 42210 univers de la science-fiction : Guy BOUCHARD : Le Passeur : 1993 : 2-9801067-7-9 : 338 pages (y compris bibliographie aérée mais pas d'index) : 19 Euros en neuf pour un petit TP.

Les 42210 univers de la science-fiction.jpg

Que dire de ce livre ?

D'après ce que j'en ai compris, c'est une tentative de définir la science fiction en modélisant toutes les possibiltés des formes romanesques. Pour ce faire, l'auteur, à l'aide de critères judicieusement choisis (sic) montre qu'il existe au total 87435 formes romanesques (67 types de personnages x 3 types de rapports des personnages au narrateur implicite x 15 types de rapports à l'espace x 29 types de rapport au temps). Dans cet ensemble, 67 de ces formes unitaires correspondent au roman réaliste et 42210 à la SF (d'où le titre). Ne me demandez pas lesquelles et comment on arrive à un tel résultat, je n'en sais rien et je ne suis pas sûr que l'auteur en sache plus que moi.

Prudemment, l'auteur ne donne jamais de définition rédigée de la SF, cela aurait été trop facile d'y trouver des contre-exemples et évite soigneusement de se prononcer sur des sujets polémiques (en terme de théorie du genre) comme "la SF est-elle incluse dans le Fantastique", "La Fantasy est-elle un sous ensemble de la SF"...

Cet ouvrage est un galimatias total et incompréhensible. De plus, son ton pédant et le fait qu'il s'imagine règler leur compte à tous ceux qui on précédemment tenté de définir la SF le rende fort peu sympathique. Dans ce concert de critiques, le seul théoricien du genre qui trouve grâce aux yeux de Bouchard étant Suvin (surprise, c'est comme Bouchard un universitaire basé au Canada).

Pour une poétique de la SF.jpg

Parmi les grands moments de ce livre :
- des erreurs factuelles, parfois assez courantes mais fragilisant d'emblée le discours (par exemple l'affirmation, maintes fois lue, que le terme Space opéra vient de Soap opéra).
- une résolution d'équations du premier degré assez particulière : si x/3 = 2982, alors x = 8358 (je vous laisse faire le calcul), qui prouve que les mathématiques ne sont pas plus la tasse de thé de Bouchard que la SF.
- une terminologie propre et inédite où Science Fiction Savante = Hard Science, pas forcément critiquable dans l'absolu mais que ne peut qu'obscurcir le discours de Bouchard par l'usage de termes à la signification non partagée.
- un français du genre babelfish (un western en location !), mais c'est peut-être du québécquois.
- un ensemble de références qui place au même niveau de crédibilité tout et n'importe quoi : 6 pages de Rafaël Pividal dans Europe prises aussi au sérieux que le Clute & Nicholls, alors qu'il existe un monde à tous les niveaux entre ces deux références.

Un ouvrage complètement barré, d'une prétention absurde et d'une lecture hilarante. Le seul livre aussi déjanté que je connaisse est aussi une tentative grandiose et universaliste : classifier toute la SF par ses thèmes avec un système de code (Science fiction and the universe of knowledge de Croghan). Sa lecture est aussi un grand moment de délire.

Science fiction and the universe of knowledge.jpg

En plus, sans vouloir faire le pingre, ce livre qui part de nulle part et y revient coûte quand même la bagatelle de 19 Euros (port compris) pour un bouquin gros comme le Grenier chez La Farandole. Cela fait cher pour le plaisir de se moquer de l'auteur.

Note GHOR : 0 étoile

15/01/2009

_Bibliographie des collections spécialisées 1913-1968_

Bibliographie des collections spécialisées 1913-1968 : A&A, collection Documents SF : Francis VALERY & Georges PIERRU : 1978  (pas de date sur l'ouvrage lui-même) : pas d'ISBN (DL à parution) : 60 pages : prix variable (du fait d'une certaine rareté, trouvé à 3 Euros) pour un chapbook agrafé.

Bibliographie des collections spécialisées.jpg

Il s'agit d'une liste des titres parus dans les collections clairement identifiées comme SF, sous réserve que ladite collection ait été créée avant 1968 (il y a donc J'ai Lu mais pas Le Masque). Il faut noter que si les collections doivent dater d'avant 1968, les titres listés vont jusqu'en 1977 (à peu près).

Pour chaque collection (rarement présentée), sont donnés la liste des ouvrages parus avec le numéro dans la collection, le titre et l'auteur (sauf pour J'ai Lu -?-, où il y a en plus la première parution en VF) et c'est tout. Ce qui veut dire que ne sont pas donnés la date de parution VF ou VO, le TO, le  format, la pagination, sans parler d'un éventuel ISBN.

C'est donc un livre qui pourrait être vu comme un proto Bisceglia (Trésors du roman policier, de la science-fiction et du fantastique), un livre remarquable qui ne sortira que trois ans plus tard. Le tout avec une couverture moins large du fait de l'exclusion de certaines collections et globalement moins d'infos périphériques.

Trésors du roman policier de la SF et du fantastique.jpg

Tentative sympathique, ce livre présente toutefois de trop nombreux défauts :
- Police de couleur rouge sur les deux tiers (une solution anti-photocopillage ?) et qualité d'impression très mauvaise.
- Utilisation d'une machine à écrire qui a dû voir des jours meilleurs (caractères écrasés, défauts d'alignement).
- Fautes de frappe (Colosus)
- Erreurs bibliographiques 'basiques' (surtout pour des gens du calibre de Valéry), comme l'attribution du roman Sixième colonne à Anson Mc Donald pour la VF, ou l'indication "non sorti" appliquée à D'une planète à l'autre.
- Ergonomie déplorable, liée à l'absence d'index et à des détails irritants qui font que, par exemple, pour trouver une collection rapidement, il faut connaître la date de première parution du premier ouvrage qui la compose.

D'une planète à l'autre (Mame 1958).jpg

 
C'est donc un achat à réserver à des nostalgiques ou des complétistes. C'est aussi un témoignage historique qui permet d'assister aux débuts de la bibliographie en VF, mais ce n'est en aucun cas un ouvrage utilisable au quotidien. Même pour des titres de la période couverte, on lui préfèrera Le Rayon SF ou L'argus de la SF.

Note GHOR : 1 étoile