26/12/2008
_Robert A. Heinlein : America as science fiction_
Robert A. Heinlein : America as science fiction: H. Bruce FRANKLIN : Oxford University Press : 1980 : ISBN 0-19-5027-46-9 : Couverture Frank Kelly FREAS : 232 pages (y compris index et bibliographie primaire & secondaire) : quelques dizaines d'euros pour un HC.
Ce livre est une étude de l'oeuvre de RAH, publiée en 1980. Cette relative ancienneté n'a pas permis à l'auteur de bénéficier de toutes les recherches menées sur RAH après sa mort (sur sa première femme par exemple) mais a par contre permis à Franklin d'avoir une longue (1 journée) d'interview avec Heinlein, chose que peu de commentateurs de son oeuvre ont eu la loisir d'obtenir.
La structure du livre est simple. Il s'agit d'une division en six chapitres parmi lesquels l'oeuvre de RAH est répartie en quatre périodes disctinctes :
- The early fiction (1938-1941) : l'histoire du futur & Astounding
- New frontiers (1947-1959) ; les slicks et les juveniles
- A voice of the 1960s : les Hugos
- The private worlds of the 1970s : les romans controversés
Au sein de chaque chapitre les oeuvres sont abordées dans l'ordre chronologique et sont présentés en conjonction avec les éléments contextuels jugés pertinents, qu'ils fassent partie du domaine de la SF ou de celui des évolutions de la société américaine dans sa globalité.
En ce qui concerne l'approche critique choisie, le principe utilisé par Franklin a l'avantage d'être limpide : "le texte, tout le texte et rien que le
texte".
Ce qui veut dire que, sans tenter de deviner les intentions de RAH pour écrire telle ou telle chose, Franklin utilise de larges extraits des romans ou des nouvelles de RAH et appuie son analyse sur ce matériau que l'on a tendance à parfois négliger au profit d'envolées lyriques sur les supposées intentions de certains auteurs.
Ceci donne une analyse extrêmement percutante (et pertinente) où les arguments présentés sont toujours appuyés par des citations tirées directement des oeuvres de RAH, ce qui reste quand même la seule chose non sujette à interprétation.
Chose plutôt rafraîchissante pour un ouvrage américain, Franklin est un théoricien proche des idées marxistes. Son analyse est donc à la fois très critique des idées entrepreneuriales défendues par RAH mais aussi très documentée en ce qui concerne le fameux complexe militaro-industriel dont RAH s'est parfois fait le porte-parole (dans le futur de ce livre par exemple, où Heinlein apportera plus ou moins sa caution à l'administration Reagan). Cette connaissance est de première main puisque Franklin a été (lui aussi) un vrai militaire d'active, officier au SAC (Strategic Air Command) et a même volé au dessus de l'URSS dans des bombardiers nucléaires.
Les jugements de Franklin sur RAH et la société américaine de son époque sont donc à prendre avec le recul nécessaire. Eric Picholle (spécialiste français de RAH et co-auteur de Solutions non satisfaisantes) a parlé ici même (sur fras) de 'livre partisan' (IIRC), propos que je nuancerais en parlant de livre militant mais objectif. De plus, cet ouvrage est factuellement est difficile à attaquer et, à la différence du livre de Bellagamba & Picholle, est le fait d'un citoyen et militaire US pétri de la culture de ce pays.
En tout cas, c'est le meilleur livre sur RAH que j'ai pu lire. Un ouvrage d'une longueur suffisante pour assurer le développement d'une approche critique argumentée. Sans fioritures excessives, mais surtout exempt des sentiments excessifs (haine féroce ou admiration béate) ou des messages politiques envahissants que l'on peut trouver dans d'autres ouvrages consacrés à cet auteur qui déchaîne immanquablement les passions. Son attitude "back to basics" (ici les textes de la main même de RAH) est indiscutablement un plus.
Note GHOR : 3 étoiles
15:34 | 15:34 | Etudes mono-auteur | Etudes mono-auteur | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (1) | Commentaires (1) | Tags : 3 étoiles, anglais, heinlein | Tags : 3 étoiles, anglais, heinlein
22/12/2008
_Solutions non satisfaisantes : Une anatomie de Robert A. Heinlein_
Solutions non satisfaisantes : Une anatomie de Robert A. Heinlein : Ugo BELLAGAMBA & Eric PICHOLLE : Les Moutons Électriques : 2007 : 320 pages (y compris index et bibliographie) : ISBN 978-1-934543-28- : 45 Euros en souscription pour un HC avec jaquette.
Lors de l'annonce de ce livre, j'avais cru bêtement qu'il s'agissait d'une étude sur RAH, dans le fil des études habituelles (Borgo, Encrage, Starmont), à savoir une analyse de l'oeuvre de l'auteur, sur la base des textes avec des enrichissements biographiques ou contextuels.
Il s'agit en fait plus d'une biographie commentée de l'auteur, dont le principe est plus proche du livre de Phillips sur Tiptree que de celui de Franklin sur RAH.
L'organisation du livre est à la fois celle d'une anatomie (cela semble vouloir dire que c'est un joyeux mélange d'articles indépendants & multi-angles pour les incultes dans mon genre) et une progression chronologico-thématique. En langage courant cela veut dire que le livre suit la vie de RAH dans un ordre plutôt chronologique mais qu'il n'est pas garanti que l'on va parler du texte X 'à sa place' dans un strict ordre temporel.
Ce choix (en hommage à RAH, je suppose) est un écueil assez perceptible à la facilité de lecture, puisqu'un même ouvrage va être traité à plusieurs endroits, sous des angles très différents. Par exemple, le roman Beyond this horizon (L'enfant de la science en VF) apparaît page 63 (pour l'ordre chronologique), puis pages 106-109 (pour le darwinisme), puis 157-160 (pour la télépathie) et ainsi de suite.
L'impression qu'il en ressort est celle d'un certain fouillis, qui pourrait faire voir le livre comme une compilation d'articles parus séparément, avec des redites et des aller-retours fatiguants pour une personne de mon âge. La solution (satisfaisante ?) est peut-être de le lire chapitre par chapitre, avec des pauses entre chaque groupe thématique.
Sur la partie biographique, je n'ai pas grand chose à dire, si ce n'est que je n'ai pas appris grand chose de nouveau sur la vie de RAH qui est un auteur sur lequel pas mal de choses ont été écrites en VO; mais que le lecteur VF a sûrement beaucoup à découvrir. La narration est fluide et plutôt intéressante, même si elle n'évite pas toujours l'emphase et les jugements à l'emporte-pièce, par exemple le couplet sur la première femme de RAH, dont il est dit qu'on ne sait strictement rien mais sur qui les auteurs peuvent dire qu'elle est de "celles qui apprécieraient les avantages du statut de femme d'officier sans vouloir en subir les contraintes", deux propositions assez contradictoires (c'est page 28).
Le point le plus génant de l'option "biographique" est que, encore plus que le livre de Phillips, on a l'impression que la carrière de l'écrivain RAH se passe dans un vide complet. La SF et son histoire sont les grands absents de ce livre, disparaissant durant des pages. Il n'est que très rarement fait de relation entre les évolutions du genre et les choix de l'auteur, qui semble comme complètement indépendant du contexte économique ou social (même si cela devient vrai sur la fin de sa carrière où son succès économique le libère de toute influence). On pourrait croire que RAH, écrivain professionnel d'un genre commercial, n'est pas (ou si peu) touché par des évènerments comme la fin des pulps, la nouvelle vague, l'inflation des avances, l'arrivée des poches...
Du coup, cela centre encore plus le livre sur l'homme RAH et ses opinions politiques, sujet certes intéressant, mais qui ne fait pas vraiment partie des "science-fiction studies" que veulent promouvoir les auteurs et qui pose le problème de la justesse des opinions attribuées à RAH, dans la mesure ou aucun des auteurs n'a pu en avoir confirmation auprès de l'homme lui-même.
Il est tellement écrit dans ce livre que RAH savait se jouer de tous les analystes de ses écrits que ce point pourrait aisément s'appliquer à cet ouvrage.
Ces deux points (structure nébuleuse et découplage du genre) sont ceux qui m'ont le plus embêté. Mais, comme je suis un vrai pinailleur et que je sais lire (parait-il, selon un spécialiste de RAH), il y a pas mal d'autres points irritants que je n'ai pas tous notés (ce livre ayant été réédité en poche, il se peut que certaines d'entre elles aient été corrigées depuis) :
- Un index défaillant avec des numéros de pages erronés (essayez Yann Minh ou Trois pas dans l'étrange pour voir).
- Une bibliographie qui oublie les deux Slusser (pourtant cités plusieurs fois) dans les livres sur RAH mais qui mentionne le site d'Anouk (http://heinlein.free.fr/), certes incontournable en matière de VF mais dont la fréquence de mise à jour est assez faible.
- Une confusion sur le sens du terme Hard-Science dont la définition semble être égale à "anticipation spatiale proche" et dont les références sont extraites de The ascent of wonder, anthologie qui a beaucoup fait débat et qui, pour en préciser les positions pour le moins atypiques, est le seul ouvrage qui place Ballard dans la Hard-Science.
- Des choses avancées sans grandes preuves comme le fait que RAH avait décidé d'avoir le Hugo pour Double star. Possible, mais attesté en aucune façon.
- Des avis d'autres spécialistes de la SF insérés sans le contexte nécessaire alors que celui-ci serait important pour corriger des impressions trompeuses : Aldiss assaisonnant Campbell par exemple (ce qui est assez prévisible), ou un extrait de Franklin (sur Sixth column) sans les dures critiques de ce dernier et qui, du coup, semble soutenir l'avis des auteurs alors qu'une lecture de la source montre qu'il n'en n'est rien.
- Des parties de texte qui se retrouvent à l'identique dans deux endroits, une fois dans les notes et une fois dans le corps de l'ouvrage (sur Leslyn pages 76 & 85, sur Niven page 31 & 235).
- Des notes de bas de pages qui (pour les domaines que je connais) sont tout simplement erronées :
* (page 27) le cuirassé Utah ayant été converti à la chauffe au mazout fin 1925 (voir le massif US Navy de Moulin ou l'indispensable dictionnaire des navires de guerre américains), il est difficile à RAH de monter en 1926 sur ce même navire chauffant au charbon. Ce bâtiment devient navire cible ensuite (numéro de coque AG-16) et n'a donc jamais été "bâtiment de défense anti-aérienne", une hérésie pour qui connaît un peu le sujet.
* (page 275) comparer le Pluton (missile tactique) avec le SS-20 'missile stratégique) en disant que le dernier est 'un peu plus performant' revient à comparer un Solex et une Porsche en disant que cette dernière est un peu plus performante, une évidence qui masque mal une absence de connaissance du sujet puisque la comparaison porte sur deux systèmes d'armes fondamentalement dissemblables.
Du coup, je me demande pourquoi les auteurs ont pris la peine d'insérer de telles notes (qui n'apportent strictement rien au texte proprement dit et sont sans rapport avec RAH), si ce n'est pour faire 'sérieux'. Du fait de leur inexactitude, je suis en droit de me demander quel crédit apporter aux dires des auteurs sur des domaines que je connais moins.
Au final, l'expérience est intéressante et se doit d'être soutenue si les amateurs du genre veulent avoir un appareil critique et analytique autochtone, mais ce livre n'est pas au top de sa catégorie.
Note GHOR : 2 étoiles
18:25 | 18:25 | Etudes mono-auteur | Etudes mono-auteur | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : 2 étoiles, français, heinlein | Tags : 2 étoiles, français, heinlein
04/12/2008
_Robert Silverberg_
Robert Silverberg : Thomas D. CLARESON : Starmont House (Starmont reader's guide #18) : 1983 : 96 pages (y compris biblio & index) : ISBN 0-916732-48-7 : quelques euros pour un TP qui n'est pas forcément simple à trouver.
Mon exemplaire est un livre qui a été relié de façon plus solide par une bibliothèque universitaire US mais qui a, du coup, perdu sa couverture illustrée.
Cet ouvrage fait partie de la longue (une cinquantaine de volumes) collection éditée par Starmont et consacrée aux auteurs de SF. Logiquement, il en suit le canevas classique.
Écrit par Clareson, un critique et analyste de la SF bien connu, c'est l'une des rares tentatives d'analyse critique consacrée uniquement à Silverberg. A noter que Clareson a aussi compilé une bibliographie de Silverberg (chez G. K. Hall) sur laquelle je n'ai pas encore réussi à mettre la main.
Cet ouvrage se divise en cinq chapitres :
1- "The science fiction factory 1955-1959" qui est consacré aux premières années de l'auteur, marquées par une productivité énorme et une qualité juste convenable. C'est là que commence à se forger la légende du "hack writer" remplissant à lui seul des magazines entiers, chose qui n'a jamais été prouvée.
2- "Transition 1960-1967" consacré à la maturation de l'auteur et aux écrits extra SF, où se dessine lentement, parfois par rewriting d'anciens textes, les forces de l'auteur majeur qui émergera dans les années 70.
3- "The dark side of Silverberg's fiction 1957-1968" opère un retour en arrière pour s'arrêter sur les textes les plus noirs de l'auteur des périodes traitées dans les paragraphes précédents, textes qui sont souvent les meilleurs de ces périodes (Voir l'homme invisible, Flies, Un jeu cruel...).
4- "The major novels 1969-1976" analyse brièvement (en 2 pages !) les 11 romans de cette période (Les monades urbaines, L'oreille interne, La tour de verre, L'homme stochastique...) qui restent indiscutablement et même de nos jours le coeur de l'oeuvre de Silverberg.
5- "Majipoor 1980- " qui traite de l'actualité de l'auteur à l'époque de l'écriture de cet essai, à savoir son grand retour avec la série "Majipoor".
A ces 5 chapitres s'ajoutent une bibliographie primaire (couvrant les romans exclusivement) et une bibliographie secondaire assez complète.
Ce livre est court (c'est dommage) et dense (c'est heureux). Même s'il n'échappe pas au problème traditionnel de cette série (comment traiter une oeuvre de cette volumétrie en moins de 100 pages ?), Clareson essaie de mêler résumés, analyse thématique et évaluations critiques. Au final, il parvient à un résultat de bonne facture, exempt d'erreurs et correct (AMHA) dans son analyse de l'oeuvre de Silverberg et de son placement dans la SF.
Une bonne introduction à l'auteur qui peut donner des pistes de lecture supplémentaires, même si certains des textes évoqués (surtout les plus anciens) sont quasi-introuvables (y compris en VO), et ce malgré diverses tentatives d'intégrales, tentatives handicapées par la masse du corpus Silverbergien.
On regrettera seulement de ne pas savoir ce qu'aurait pu dire Clareson sur le Silverberg des années 90-00 (du mal ?).
Note GHOR : 2 étoiles (loupe les 3 étoiles pour cause de manque d'actualité).
09:44 | 09:44 | Etudes mono-auteur | Etudes mono-auteur | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : sf, science-fiction, référence, silverberg, anglais, 2 étoiles | Tags : sf, science-fiction, référence, silverberg, anglais, 2 étoiles
02/12/2008
_Anne McCaffrey : A critical companion_
Anne McCaffrey : A critical companion: Robin ROBERTS : Greenwood (série CCTPCW -sic-) : 1996 : ISBN 0-313-29450-X : Ill Photo : 186 pages (y compris biblio primaire roman + secondaire & index) : quelques Euros pour un HC grand format.
Cet ouvrage est organisé en dix chapitres. Les deux premiers sont une sorte de biographie de McCaffrey et une tentative de définition de la SF. Ces chapitres 'introductifs" sont suivis par huit autres s'attachant chacun à une série ou un ouvrage de l'auteur, respectivement Dragonflight, Pern, les vaisseaux, la Rowan, les Sassinak, les Restoree, Doona et la série Powers.
Chacun de ces chapitres nous donne le résumé des composants de la série, chronique le développement des personnages, aborde les principaux thèmes et messages et nous propose une lecture 'alternative' (analyse marxiste, fémiste, mythologique, psychanalytique...) de la série.
A ces considérations sur les oeuvres de McCaffrey s'ajoute une bibliographie primaire sommaire (traitant uniquement les roman), une bibliographie secondaire nettement plus fournie ainsi qu'une liste des critiques existantes des livres abordés.
N'étant pas un gros lecteur de McCaffrey (seulement quelques nouvelles et quelques romans), je n'ai pas été très touché par ce livre. Pour être plus explicite, je veux dire que, à aucun moment, cet ouvrage ne m'a donné envie de me précipiter sur un des livres non-lus de McCaffrey qui sont sur mes étagères, en ce sens, c'est donc AMHA un échec.
Peut-être est-ce dû au ton du livre, qui réussit à être à la fois sans passion communicative, tout en étant très (trop AMHA) laudateur pour les oeuvres discutées (Reconstituée est présenté comme un quasi chef d'oeuvre).
Ou peut-être est-ce dû au niveau de discours qui oscille en permanence entre critique sophistiquée et discours simplifié (le fait que cette série de Greenwood est ciblée pour les lycéens qui ont un devoir à rendre doit en être la raison). Une argumentation qui ramène pour la n-ième fois les vieux poncifs sur le genre, tout en contextualisant peu McCaffrey dans le genre (comme femme ou comme auteur de juveniles) alors que c'est sûrement un axe essentiel. Cette approche est probablement trop technique pour le lecteur cible.
Enfin, peut-être est-ce dû au fait que j'en ai marre de voir dans ce type d'ouvrage des copier-coller (ici par exemple les pages 54 & 104) qui
me donnent l'impression d'être pris pour une truffe.
Autant lire le Brizzi chez Starmont qui, même s'il est plus court, à au moins le mérite d'être un peu moins lisse et plus engageant.
Note GHOR : 1 étoile
10:54 | 10:54 | Etudes mono-auteur | Etudes mono-auteur | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : sf, science-fiction, référence, mccaffrey, anglais, 1 étoile | Tags : sf, science-fiction, référence, mccaffrey, anglais, 1 étoile
01/12/2008
_Robert Heinlein_ (Stover)
Robert Heinlein: Leon STOVER : Twayne (série TUSAS) : 1987 : ISBN 0-8057-7509-9 : Ill Photo : 147 pages (y compris biblio & index) : quelques Euros pour un HC petit format (avec jaquette).
Ce court ouvrage est organisée en une dizaine de chapitres qui suivent dans un ordre plus ou moins chronologique (parfois carrément pas du tout) la carrière de Robert Anson Heinlein. Chaque chapitre prend pour base un texte précis et développe sa thématique propre (nouvelles frontières, sexe, religion, rédemption...) en lui adjoignant d'autres oeuvres de RAH qui partagent les mêmes préoccupations et en faisant le parallèle avec d'autres auteurs américains (Twain, Whitman...).
Il faut savoir que Leon Stover a une conception bien particulière du rôle du critique. En effet, pour lui, le travail du critique n'est pas d'expliquer mais de faire partager les qualités de son sujet d'étude. Fidèle à cet étrange principe qui voit la réflexion comme uniquement destinée à dresser les louanges d'un auteur, on ne trouvera pas ici d'analyse serrée (apppuyée textuellement) ni le moindre jugement un tant soit peu négatif sur l'auteur.
Ce choix nous vaut donc par exemple une histoire personnelle de RAH présentée sous un jour presque biblique, avec l'auteur dans les rôles successifs ou simultanés de saint, guerrier, meneur d'hommes, écrivain stupéfiant, analyste brillant, ingénieur de génie. Stover reprend (ou initie) tous les poncifs et clichés (par exemple l'écriture de son premier texte de SF, une oeuvre géniale sortie de son cerveau en claquant des doigts) que l'on retrouve depuis vingt ans sous la plume des défenseurs du maître.
A la place d'une lecture et d'une mise en situation des textes, on obtient un ouvrage assez proche de celui de Major (Heinlein's children : The juveniles).
C'est donc une sorte de monologue, qui ne fait que s'appuyer sur les oeuvres de RAH pour nous abreuver de commentaires sur le monde actuel (du moins celui des années 85), sur les USA et les maux qui guettent cette merveilleuse démocratie libérale (marxistes, jeunes, noirs musulmans, fénéants, assistés, malpolis, écologistes). C'est agrémenté (sic) de longs couplets sur la 'manifest destiny' US, celle d'un peuple élu (mais uniquement sur green card), défricheur de frontières (après avoir massacré deux ou trois autochtones), gardien de la liberté face aux méchants rouges (ceux qui ont le couteau entre les dents), leaders naturels de l'humanité et représentants du Seigneur sur Terre (amen).
Des pleines pages de prétention, de fanatisme religieux ou patriotique et de haine tout azimut, cette haine que Stover n'arrive pas à confiner à la sphère sociale mais qui déborde dans son analyse de la SF, comme le montrent ses élucubrations sur la SFRA (qui est censée avoir monté une cabbale contre RAH) ou ses attaques sur Franklin (qui pourtant pourrait, au vu des ses états de service, donner des leçons de partiotisme à pas mal de monde) et ses aboiement sur critiques de RAH en général.
Pauvre de nous !
Un point intéressant est de remarquer qu'il s'agit chronologiquement d'une des premières apparitions de la technique de réponse aux critiques de RAH qui deviendra standard (on l'a vu à l'oeuvre sur fr.rec.arts.sf notamment). Cette technique consiste à répondre deux choses à toute personne qui émet une opinion négative sur les livres de Heinlein (en particulier les derniers) :
- "RAH est sur la liste des best-sellers" : qui sous-entend que si des milions de gens ont acheté I will fear no evil c'est bien la preuve qu'il s'agit d'un bon livre. A ce titre, Dan Brown pourrait légitimement prétendre au prochain Nobel.
- "Si tu n'aimes pas ce roman, c'est que tu n'y as rien compris" (Stover emploie l'expression "didn't get the joke"), ce qui permet de mettre le contradicteur en position de faiblesse ("mais si j'ai compris", répond t-il vainement) et permet d'embrayer sur une explication de texte visant à montrer que Le ravin des trénèbres (par exemple) n'est pas la longue liste des fantasmes d'un auteur blanc vieillissant (coucher avec sa jeune secrétaire noire, avoir une relation quasi homosexuelle avec son meilleur ami, pratiquer le triolisme) mais une blague super rigolote sans aucune arrière-pensée, ou prouvant que The number of the beast n'est pas un suite de scènes sans queue ni tête qui se perd dans la mythologie personnelle de l'auteur mais un véritable traité de mécanique quantique qui placerait son auteur au même niveau qu'Einstein.
Dommage que toute cette fange fasse de l'ombre à une lecture de l'oeuvre de RAH comme émanation d'une vision Calviniste, analyse dont les arguments me semblent probants et qui, idéologiquement, se défend (voir aussi Slusser sur ce point).
Ayant pour l'écrivain RAH le respect dû à la grande qualité de ses oeuvres (certaines en tout cas) et à l'homme RAH le respect dû à chaque être humain, j'aurais tendance à penser qu'il serait le premier attristé d'avoir un thuriféraire pareil en la personne de Stover.
Note GHOR : 0 étoile
09:45 | 09:45 | Etudes mono-auteur | Etudes mono-auteur | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : sf, science-fiction, référence, heinlein, anglais, 0 étoile | Tags : sf, science-fiction, référence, heinlein, anglais, 0 étoile