22/08/2022
_Brian W. Aldiss_
Brian W. Aldiss : Paul KINCAID : 2022 : University of Illinois Press (série "Modern masters of science fiction") : ISBN-13 978-0-252-08655-7 (la fiche ISFDB du titre) : 200 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 25.00 USD pour un tp non illustré, disponible chez l'éditeur (là), existe aussi en hc (04448-9) et en ebook (05347-4).
Même si Sir Brian Aldiss nous a quitté en 2017, force est de constater qu'il avait bien avant sa mort disparu du paysage éditorial de la science fiction. Il est difficile de trouver des éditions de ses textes, que ce soit en VF ou en VO (des deux côtés de l'Atlantique) qui n'aient pas plus de dix ans (il y a bien un titre de PS et quelques e-books et auto-publications vers 2015). On a donc une visible désaffection du lectorat qui n'est même pas compensée par un accroissement de l'intérêt universitaire puisque le précédent ouvrage sur Aldiss (celui de Henighan) date de 1999 et que les articles sur cet auteur (hormis les nécrologies) parus depuis 2000 se comptent sur les doigts des deux mains. C'est hélas un cas de figure qui devient de plus en plus fréquent, les œuvres et les auteurs "patrimoniaux" disparaissant de plus en plus vite du radar des lecteurs faute d'offre (malgré les tentatives de divers éditeurs comme Mnémos en France).
Mais revenons à Aldiss et à cet ouvrage qui lui est consacré par Paul Kincaid, un habitué de ces colonnes (on lui doit par exemple le livre sur Banks publié dans la même collection). Paru dans la série "Modern masters of science fiction" chez UIP, un ensemble de bonne tenue, le livre est structuré en six chapitres (Warrior, Naturalist, Experimentalist, Historian, Scientist et pour finir Utopian) qui suivent un ordre à la fois chronologique et thématique en se concentrant essentiellement sur certains romans ou cycles (par exemple le chapitre Scientist traite surtout de la trilogie Helliconia). On notera l'absence d'introduction et de conclusion séparées mais la présence, outre d'un index, de bibliographies primaires et secondaires étoffées (mais incomplètes).
Je ferai tout d'abord mon reproche habituel sur les titres de cette série, à savoir que ceux-ci sont à mon avis en règle générale d'un format trop court pour leur sujet (sauf peut-être pour le Bujold de James). Ici on a péniblement 160 pages de textes ce qui, pour un auteur aussi prolifique qu'Aldiss, est nettement insuffisant (et explique sans doute pourquoi Kincaid a dû sabrer introduction et conclusion). À contrario, un des aspects positifs majeur de ce livre est que Kincaid, même s'il manifeste un grand respect pour Aldiss, garde une distance critique vis-à-vis de son sujet qui est rafraichissante surtout après certains titres de la collection qui donnent parfois l'impression d'être l’œuvre de fanboys ou fangirls (on pensera à celui-ci en particulier).
En effet Kincaid n'hésite pas à souligner certains travers de l'auteur, notamment une misogynie permanente (dans ses écrits la femme est presque exclusivement un objet sexuel) et d'une façon générale une misanthropie omniprésente. Il n'est aussi pas très tendre avec les œuvres tardives d'Aldiss dont il montre non seulement le décalage croissant avec le Zeitgeist du genre mais aussi la piètre qualité "technique". Ces facteurs expliquent sans doute la baisse de popularité (traduite par une chute des ventes) et d'influence subie par Aldiss qui est en fait littéralement "fini" dès le milieu des années 80 juste après Helliconia. Malgré tout, cette fin un peu triste n'enlève rien à la qualité du travail de Kincaid qui livre là l'un des meilleurs titres de la série.
Note GHOR : 3 étoiles
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16/05/2022
_Tolkien : Sur les rivages de la terre du milieu_
Tolkien : Sur les rivages de la terre du milieu : Vincent FERRÉ : 2001 : Christian Bourgois : ISBN-10 2-267-01573-0 (la fiche ISFDB du titre) : 354 pages (y compris index, appendices et bibliographie) : coûtait 150 FRF (ou 22.87 Euros) pour un tp non illustré, éventuellement trouvable d'occasion dans cette édition, ou dans sa version en poche chez PP (Agora #241 paru en 2002).
Publié par l'éditeur "historique" de Tolkien et entendant visiblement à l'époque surfer sur la vague de la prochaine sortie des films de Peter Jackson, cet ouvrage est (je cite) "le premier livre en français consacré au chef-d’œuvre de J.R.R. Tolkien". Même si l'on peut objecter que la biographie de Tolkien par Carpenter (celle-là) a été publiée par le même éditeur une vingtaine d'années auparavant, il s'agit effectivement du premier livre sur ce sujet précis (il en viendra pas mal d'autres par la suite).
Dans mon immense mansuétude, j'ai décidé de vous épargner le laïus habituel sur le SdA et les superlatifs qui vont avec (même moi, peu amateur de Fantasy, je l'ai lu presque à sa sortie). Pour en revenir au livre de Ferré (un des spécialistes français de Tolkien avec plusieurs titres à son actif), il se divise schématiquement en deux parties. La première (la plus importante) est une description de l'univers du SdA (personnages, géographie, structure, construction ou influences). La seconde est une tentative de dégager le thème principal de l’œuvre qui serait, selon Ferré, non pas comme on le professe souvent, le pouvoir mais plutôt la mort (ou son absence, l'immortalité). A ces deux parties, s'ajoutent plusieurs appendices (résumé du cycle, avant-propos non traduits...), une bibliographie sélective et un index.
Tout d'abord, je dois prévenir que le livre est très "chiant" à lire. Non pas qu'il soit mal écrit ou qu'il soit mal imprimé mais pour chaque page de texte de chaque chapitre il y a presque une page de notes (au hasard, le chapitre III fait 25 pages et il y a 20 pages de notes -il y en a 158-) qui se situent à la fin du chapitre. On doit donc se reporter dix pages plus loin toutes les quelques lignes pour suivre la pensée de l'auteur ou consulter les références. C'est extrêmement pénible lors de la lecture puisque, pour pleinement apprécier le travail de Ferré, il faut dans la pratique deux marque-pages et sauter d'une page à une autre toutes les vingt secondes. C'est quasiment rédhibitoire.
C'est bien dommage parce que l'ensemble forme une bonne porte d'entrée dans le SdA (qu'il faut quand même avoir lu avant) dans sa première partie. Elle permet de simplement se remettre en mémoire le roman. La seconde partie est plus hypothétique mais les arguments de Ferré se tiennent même si l'espace qui leur est consacré est limité (une centaine de pages dont cinquante de notes) par rapport à d'autres analyses ultérieures. Au final un livre plutôt intéressant mais qui est particulièrement frustrant à lire à cause de sa construction idiote.
Note GHOR : 2 étoiles (si vous n'avez pas envoyé valser le livre au 246ème renvoi aux notes de fin de chapitre)
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25/04/2022
_Ray Bradbury : The Life of Fiction_
Ray Bradbury : The Life of Fiction : Jonathan R. ELLER & William F. TOUPONCE : 2010 (pour cette édition, 2004 pour l'EO) : Kent State University Press : ISBN-13 978-0-87338-779-8 (la fiche ISFDB du titre) : xxii+570 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 45.00 USD pour un hc illustré en n&b avec jaquette disponible chez l'éditeur (là), existe aussi en divers formats d'ebooks.
De part son statut de "rare écrivain de SF étant sorti du ghetto" (un peu comme Vonnegut ou Ballard et maintenant Gibson), Bradbury est un auteur à qui ont été consacrés un nombre significatif d'ouvrages. Ont été évoqués ici-même Seed (le plus récent), Slusser, Johnson, Indick (spécifiquement sur le théâtre) et Touponce (l'un des co-auteurs). Du coup, comme je kl'ai déjà fait, cela va me permettre de vous épargner mon laïus habituel sur le positionnement de l'auteur et ses relations parfois tendues avec le genre.
L'ouvrage se présente donc sous la forme d'un beau bébé (presque 600 pages) sans fioritures (peu d'illustrations si ce ne sont que quelques copies de pages manuscrites ou de brouillons et divers tableaux) mais un paratexte significatif (quarante pages de notes, appendices bibliographiques détaillées de presque cent pages, index). En terme de structure, le livre est divisé en une longue (50 pages) introduction suivie de huit chapitres balayant les principales œuvres de Bradbury (Dark Carnival/The October Country, The Martian Chronicles, Fahrenheit 451, Something Wicked This Way Comes, Dandelion Wine...) dans un ordre à peu près chronologique. Une des particularités de l'ouvrage est qu'il est en quelque sorte "double". Chaque chapitre se subdivise en effet en une première partie consacrée à l'histoire "éditoriale" du texte considéré (partie écrite par Eller à qui l'on doit aussi les appendices) et une partie d'analyse thématique (et donc plus littéraire) par Touponce (qui a aussi écrit l'introduction et la conclusion) qui place l'ensemble de l’œuvre de Bradbury sous l'angle de la "Carnavalisation" (un terme finalement assez vague et pas vraiment défini par Touponce).
Même s'il n'est pas le plus récent des titres consacrés à Bradbury, cet ouvrage est finalement sans doute le meilleur. Soutenu par une quantité impressionnante de travail de recherche de la part des deux auteurs (surtout Eller, me semble-t-il, qui a comparé en détail de nombreuses versions de chaque texte majeur), le lecteur est plongé en plein cœur du processus continu de création de l'auteur. En effet, Bradbury réécrivait plusieurs fois ses textes même après leur parution initiale (on se souviendra des changements de date dans Chroniques martiennes) et modifiait aussi presque en permanence le contenu de ses recueils.
Du coup la partie "technique" de l'ouvrage (celle consacré à la genèse et la publication des textes) se lit parfois comme un roman policier et est parfois franchement passionnante en plus d'être solidement étayée. Par contre, je suis plus réservé sur la partie "thématique" qui emploie à toutes le sauces le concept de carnavalisation. Au bout de plusieurs de pages on arrive à bien comprendre l'idée et à percevoir l'attrait sans doute venu de l'enfance de l'auteur pour le carnaval, les foires et les cirques. Par contre, de là à en faire une sorte de couteau suisse pour expliquer toutes les thématiques déployées par Bradbury tout au long de sa carrière me paraît une démarche un peu réductrice. Malgré ce point que l'on peut discuter, il s'agit à mon sens de la meilleure étude que j'ai lue sur cet auteur important.
Note GHOR : 3 étoiles
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21/09/2021
_Art and Idea in the Novels of China Miéville_
Art and Idea in the Novels of China Miéville : Carl FREEDMAN : 2015 : Gylphi (série "SF Story Worlds: Critical Studies in Science Fiction") : ISBN-13 978-1-78024-030-5 (la fiche ISFDB du titre) : xiv+183 pages (y compris index) : coûte 16.99 GBP pour un petit tp non illustré, disponible chez l'éditeur, existe aussi en e-book.
Paru dans une petite collection britannique d'ouvrages de référence qui sort à peu près un titre par an, cet ouvrage est consacré aux romans de China Miéville. Cet auteur, britannique lui-aussi, est un des "apôtres" de la Weird Fiction (ou aussi New Weird), une catégorie aux contours assez flous et dont le maître mot est l'hybridation des divers genres de l'imaginaire. Assez peu productif (moins d'une dizaine de romans et peu de nouvelles en déjà vingt ans de carrière), Miéville est un auteur au palmarès impressionnant et à l'influence sur le genre certaine. Il est aussi un fin connaisseur de celui-ci-ci (on lui doit cet ouvrage en collaboration avec Mark Bould).
Écrit par Carl Freedman (qui n'est pas un inconnu dans le domaine de la réflexion sur le genre), ce court volume est divisé (outre une préface) en sept chapitres. Les six premiers abordent chacun un roman de Miéville (dans l'ordre King Rat, Perdido Street Station, The Scar, Iron Council, The City & The City et Embassytown) et le dernier sert de conclusion à l'ensemble. Dans chacun des chapitres consacrés à une œuvre précise, Freedman tente de faire ressortir ce qu'il pense être le thème de l'ouvrage, thème qui est bien sûr éminemment politique. Malgré l'index, on regrettera l'absence d'une bibliographie secondaire, bibliographie qu'il faut "reconstituer" d'après la vingtaine de pages de notes.
Que le lecteur soit prévenu, avec Miéville et Freedman on est dans la pure mouvance marxiste, de la tendance dure qui ne fait aucun cadeau au système capitaliste. C'est avec un immense plaisir que j'ai retrouvé cette philosophie politique et surtout ce type d'analyse essentiellement politique des textes, une approche qui est très peu fréquente dans les écrits théoriques sur le genre qui sont au mieux d'une tiédeur toute bourgeoise. Freedman (et Miéville aussi comme le premier le démontre bien) maîtrisent parfaitement leurs bases idéologiques ce qui permet une analyse politique de textes qui se révèlent être d'une richesse insoupçonnée.
Bien sûr, parmi les six romans évoqués, l'analyse marxiste de Freedman est la plus pertinente quand elle opère sur la "trilogie" Bas-Lag et encore plus quand il traite du plus "politique" des trois, à savoir Iron Council. On sent l’auteur moins à l'aise avec les autres romans de Miéville et en particulier avec la thématique plus linguistique que sociale de Embassytown. C'est en tout cas un ensemble assez jouissif et d'une approche tellement rare qu'elle excuse une certaine emphase de la part de Freedman qui semble parfois un peu surévaluer l'auteur (Miéville c'est plus mieux que Tolkien) mais qui, et c'est ce qui compte, peut donner envie de lire ces romans à celui qui ne l'a pas déjà fait.
Note GHOR : 2 étoiles (au moins)
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25/08/2021
_Joanna Russ_
Joanna Russ : Gwyneth JONES : 2019 : University of Illinois Press (série "Modern masters of science fiction") : ISBN-13 978-0-252-08447-8 (la fiche ISFDB du titre) : 218 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 22.00 USD pour un tp non illustré, disponible chez l'éditeur (là), existe aussi en hc (04263-8) et en ebook (05148-7).
Je dois commencer ce court avis par un aveu, en tant que mâle, cis, blanc, CSP+ (et j'ai même une voiture diesel qui pollue) je fais partie du camp des méchants suivant la dichotomie simpliste de Russ et Jones. Il n'est donc vraiment surprenant que j'ai eu parfois envie de laisser tomber en cours de lecture cet ouvrage malgré le fait qu'il ne soit pas très épais (il contient à peu près 150 pages de texte par Jones).
Tout d'abord, Russ ne me semble pas rentrer dans la catégorie des "Modern Masters of Science Fiction" (Mistresses ?) non du fait de ses qualités littéraires mais à cause d'une production que l'on peut qualifier de "limitée" (5 romans et encore moins de recueils) et à la diffusion que l'on peut considérer parfois comme confidentielle. En gros, Russ n'est ni Bujold ni Butler pour prendre deux autres de ces MMOSF, d'où un certain sentiment de "surclassement" pour cette autrice (auteure?).
Ensuite, il y a ce côté parfois insultant (étonnant de la part de Jones qui est pourtant issue du sérail de la SF) pour ses lecteurs d'un ouvrage qui juge utile de nous expliquer par une note ce que veut dire "franchir le Rubicon" ou ce qu'est la Prime Directive de Star Trek et qui commence presque par la question "Why Joanna, with her formidable intellect choose science fiction (snip)?". Merci pour nous, pauvres idiots de lecteurs. L'expression "formidable intellect" résume d'ailleurs bien un livre où l'essentiel du discours de Jones consiste à louer le génie (littéraire, sociétal, militant) de Joanna Russ tout en peinant à nous en donner des preuves tangibles.
Il y a aussi un problème de contenu, à savoir que l'essentiel du livre est constitué des résumés (parfois chapitre par chapitre) des œuvres de Russ (par exemple 12 pages uniquement sur The Female Man, 7 pages pour Extra(Ordinary) People) qu'elles soient de fiction ou de non-fiction, ce qui est certes pratique pour qui veut éviter d'avoir à lire Russ mais n'est pas à mon sens, le but de cette collection (c'est plutôt celui des Cliffs Notes). Je passe volontairement sur tout le vernis féministe qui recouvre l'ouvrage avec ses interminables querelles intestines et tout son folklore (les traîtresses, les tièdes, la première vague, la deuxième vague...), ses raccourcis saisissants (tout mâle est un suppôt actif du patriarcat) et ses confusions soigneusement entretenues (être féministe est-ce être lesbienne ? et vice versa).
À noter la présence de deux interviews, une de Kathryn Cramer de 2017 et une autre de Russ elle-même qui date de presque cinquante ans (ce type de document à l'intérêt purement historique est d'ailleurs bizarrement fréquent dans les titres de la série, du remplissage ?). Au final, un livre parfaitement décevant, nettement en dessous des standards de cette collection et surtout qui ne nous apprendra pas grand chose sur Russ (d'ailleurs le livre s'arrête net au début des années 90), si ce n'est la vague impression d'une personne malheureuse, d'une femme sans doute brillante prise dans le retour de bâton anti-féminin des années 50 aux USA et impliquée dans un genre (seulement considéré comme) mineur. Mais pour mieux cerner Russ et ses positions sur le genre, il est sans doute infiniment préférable de la lire directement dans le texte comme ce recueil d'essais dont la plupart (il n'en existe pas tant que cela) sont évoqués par Jones.
Note GHOR : 1 étoile (et encore...)
17:11 | 17:11 | Etudes mono-auteur | Etudes mono-auteur | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : russ, anglais, 1 étoile | Tags : russ, anglais, 1 étoile