30/09/2008
_Under the moons of Mars_
Under the moons of mars : A history and anthology of "the scientific romance" in the Munsey magazines, 1912-1920 : Sam MOSKOWITZ : Holt, Rinehart & Winston : 1972 (?) : ill Roger Hane : SBN 03-081858-3 : 433 pages (pas d'index ni de biblio) : facilement trouvable sur le net
pour un prix allant de 8 à 150 USD pour un HC avec jaquette.
Cet ouvrage est un peu particulier en ce sens qu'il n'est pas seulement un ouvrage de référence. En effet, comme les premières versions des histoires des magazines de SF de Ashley, il contient deux parties distinctes. La plus importante en taille étant une anthologie de textes représentatifs de la période étudiée, elle est complétée par une partie historique. Comme dans le cas qui nous intéresse la partie historique fait quand même ses 140 pages, j'ai donc décidé d'en parler ici avec d'autres ouvrages de référence.
Ce livre contient donc tout d'abord 9 récits (novellas et courts romans) de la période et de la source considérées, à savoir des textes parus dans les magazines du groupe Munsey entre 1912 et 1920. Ce sont logiquement des textes célèbres dûs à des auteurs qui ne le sont pas moins (Burroughs, England, Merritt, Cummings, Leinster...) qui forment une sélection difficile à contester (une partie de ces textes est d'ailleurs dispo en VF).
Ces documents "d'époque" sont suivis par une histoire des magazines qui les ont accueillis. Il s'agit des magazines du groupe Munsey, les plus connus étant All story, The argosy, The cavalier ou The thrill book, y compris leurs nombreuses permutations, changements de titre ou fusions. Moskowitz se focalise bien sûr sur le contenu SF/F (ou plus exactement proto-SF) sans toutefois négliger les autres genres (d'ailleurs majoritaires dans ces revues) et nous fait vivre, dans un ordre vaguement chronologique, ces 8 années d'aventure éditoriale. Il nous montre l'évolution des gouts des lecteurs qui demandent de plus en plus des textes appartenant à un genre spécifique et nous permet de comprendre "de l'intérieur" la logique qui conduira à la disparition des pulps ou magazines "généralistes" au profit de publications plus ciblées, y compris les premiers pulps de SF.
Il émaille les 19 chapitres (dont le principe fait penser à une ré-utilisation de textes précédemment parus en fanzine) de nombreuses données chiffrées (chose rare et qui mérite d'être signalée même si le recoupement avec d'autres données n'a visiblement pas été fait) et d'anecdotes inédites (à l'époque de la parution de ce livre) ou croutillantes (le fait qu'un texte de Weinbaum ne soit qu'un plagiat d'une nouvelle plus ancienne.
Cette histoire des magazines Munsey étant l'un des premiers textes parus en volume traitant de l'histoire de la SF, on pardonnera donc à Moskowitz un certain nombre de points un peu gênants, à savoir :
- une structure assez brouillonne, du fait d'une chronologie peu stricte dans laquelle les retours narratifs en arrière sur une période et/ou un magazine sont assez nombreux. Le résultat étant qu'une impression d'ensemble organisée temporellement devient difficile à dégager.
- une approche parfois nettement trop factuelle (quel paradoxe !) avec des avalanches de chiffres (nombre de mots des textes, date et montant des paiements) qui tiennent parfois lieu d'analyse, analyse qui est parfois laissée à l'initiative du lecteur. Comme indiqué plus haut, les chiffres avancés par Moskowitz sont ceux fournis par l'éditeur lui-même dans ses diverses communications, leur fiabilité est donc à nuancer.
- quelques erreurs que même un non-spécialiste de la période comme moi peut déceler (on y croise un Paul d'Avoi).
- quelques rares exemples de la discutable spécialité de Moskowitz, la chaîne d'influence qui lui permet de relier entre eux deux textes à quarante ans d'intervalle et d'affirmer sans aucune preuve que (par exemple) Nightfall est en fait une retransciption par Asimov (via Campbell) de A colombus of space, un texte de Garrett P. Serviss.
Mais ce sont des pêchés mineurs propres à cette première génération de théoriciens de la SF, les "fans-turned-scholars", des gens (Moskowitz, Wollheim, Bailey, Day..) pleins d'enthousiasme mais manquant de la méthode nécessaire à des recherches structurés et indiscutables et qui seront poussés dehors parfois violemment par les "scholars-turned-fans" (Suvin, Turner, Jameson...) forts en méthode et théorie mais moins en histoire et connaissance du genre. Cette deuxième génération sera heureusement remplacée à son tour par celle des "fans-and-scholars" (Roberts, Ashley, Stableford...) qui porteront la réflexion sur la SF à son haut niveau actuel.
C'est en tout cas un ouvrage qui se laisse lire facilement et qui a le mérite de d'éclairer la période, assez peu étudiée, de la proto-SF populaire, par opposition à celle de Wells ou Bellamy, plus ambitieuse et largement étudiée dans les sphères académiques.
Note GHOR : 2 étoiles
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23/09/2008
_The history of science fiction_
The history of science fiction : Adam ROBERTS : Palgrave (série Palgrave histories of literature) : 2007 : ill Photo de Thierry VIVES : ISBN-13 978-0-230-54691-2 : 368 pages (y compris index et biblio et annexes) : 17 Euros 28 port compris pour un TP.
Nous devons cet ouvrage à d'Adam ROBERTS, un personnage qui est à la fois un écrivain de SF (sous son nom pour des oeuvres sérieuses et non-traduites à l'exception de Gradisil, sous divers pseudos pour des oeuvres parodiques ou opportunistes et bizzarement traduites) doublé d'un professeur d'université et d'un théoricien de la SF.
Cet encrage dans les deux camps lui permet donc de s'attaquer à l'un des serpents de mer des ouvrages de référence, à savoir la rédaction d'une histoire générale de la SF. Cet exercice est tellement perilleux qu'il reste rarissime sous un forme autre que schématique (c'est à dire parfois simplifiée à l'excès comme le Miller) les meilleurs réprésentants de cette espèce étant à ce jour étant le Aldiss, le Del Rey, le Gunn et le Sadoul (le seul en Français).
Roberts divise donc son histoire de la SF en 14+1 chapitres, le premier étant un peu à part puisque sacrifiant aux habituels exercices imposés typiques de tels ouvrages, à savoir tenter de répondre aux questions classiques "Qu'est-ce que la SF" et "Quand commence-t-elle ?".
Les chapitres (d'une taille équivalente, entre 20 et 30 pages) traitent chacun d'une période donnée (de -400 à 1600, le XVIIème, les pulps, 1970-1990 etc...) et se concentrent sur la SF écrite à l'exception de deux d'entre eux qui traitent spécifiquement la TV, le cinéma et les autres formes que peuvent prendre la SF.
Il y a en fait dans cet ouvrage deux livres différents d'une taille équivalente :
1) le premier est une histoire de la SF de 400 avant JC (puisque Roberts commence la SF avec les premiers textes grecs) à 1926. Cette partie fait donc 170 pages et pourrait être qualifiée de "Versinesque" en ce sens qu'elle traite d'à peu près tous les ouvarges conjecturaux connus, fussent-ils parus en Croatie même s'ils n'ont jamais eu aucune influence mesurable sur le genre. C'est fort érudit (citations latines, russes, françaises) et certainement très pointu (trop ambitieusement parfois comme lorsque le titre Sans dessus-dessous de Verne est présenté à tort comme un jeu de mot sur une expression française bien connue : Sens dessous-dessous -sic-) mais les Westfahliens comme moi pourront trouver cette litanie de voyages extraordinaires (parfois strictement inconnus) d'une relevance et d'une portée limitée en ce qui concerne l'histoire et l'évolution du genre.
Nettement plus intéressante est la thèse qui sous-tend cette partie, à savoir l'opposition entre la Fantasy et la SF suivant des lignes religieuses. En gros (je schématise), la Fantasy serait plutôt issue d'une vision catholique des choses (plus mystique) et la SF d'une vision plus protestante (plus pragmatique), et ce indépendamment des convictions religieuses des auteurs. Cette thèse est plutôt séduisante et, quand Roberts la creuse à l'aide d'exemples (ce qui n'est pas tout le temps le cas), non dénuée d'une validité apparente.
2) le second est une histoire de la SF "moderne" des pulps à 2000 et c'est cette partie qui me pose problème.
En effet, il me parait assez illusoire de vouloir écrire l'histoire de la SF sur ces 80 dernières années en à peine 170 pages, sauf à se retrouver à ne faire que du survol.
Il est d'ailleurs symptomatique de voir que Ashley, face à une problématique similaire bien que plus réduite (puisque portant uniquement sur les magazines), s'est vu contraint d'augementer le nombre de tomes de son histoire des magazines de SF et de raccourcir l'intervalle traité par chacun tant la matière est importante et riche.
Les derniers chapitres de cet ouvrage sont donc parcourus au pas de charge (aucune mention du rôle ou même de l'existence des anthologies originales des années 70-90 par exemple et pour rester dans le domaine couvert par Ashley) et sont de plus plombés par un mode de narration qui ne suit pas un ordre chronologique plus ou moins strict comme on l'attendrait d'une histoire de la SF. On a plutôt droit à une suite de fiches auteurs (pour l'âge d'or Asimov, Heinlein, Vance, Van Vogt, Anderson etc...) qui d'ailleurs ne sont même pas rencontrées dans l'ordre chronologique de l'apparition de leur sujet sur la scène SF.
Du coup, cette seconde partie ne se lit pas comme une histoire de la SF mais comme un collage d'entrées d'encyclopédie (auteurs, mouvements, médias...) mises bout à bout. Il est donc très difficile pour un lecteur novice dans le genre de percevoir un quelquonque mouvement d'ensemble de la SF puisque des textes (et des films et des séries TV) contemporains vont être cités dans divers chapitres, lors
de l'examen de leurs auteurs et non placés dans le continuum de l'évolution du genre.
Le choix d'un comparativement plus faible espace dévolu aux 80 dernières années génère alors le problème des nombreux oublis. Par exemple des auteurs comme Clement, Farmer ou Russell, pourtant au coeur du genre se trouvent ne jamais être mentionnés alors qu'une large place est donnée à des auteurs un peu "branchouilles" (Pynchon, Roth, Atwood..). Ceci pose alors la question de la représentativité d'une histoire du genre dotée d'une mémoire aussi sélective.
En plus, des chipoteurs comme moi bondiront à la phrase sur Jack WILLIAMSON : "I know of no complete bibliography of his work", affirmation sympathique pour Hauptmann ou à la citation comme source de référence d'un aussi remarquable ouvrage que le Gattégno.
Ce livre n'est donc pas la très attendue "Histoire de la SF" définitive et actualisée même s'il peut prétendre à ce titre pour la période anté-pulps. Avant d'accabler l'auteur, on peut aussi se demander (et Roberts y fait allusion) si une histoire de la SF moderne détaillée est un projet faisable et surtout commercialisable (voir la stagnation du projet SFX3). Quoi qu'il en soit, cette hsitoire de la SF là n'offre pas grand chose de plus qu'une encyclopédie "normale" (celle de D'Ammassa pour en choisir une récente) et, étonnant paradoxe, n'offre absolument pas du fait même de sa structure, une perspective historique.
Note GHOR : 2 étoiles (pour la première partie et la thèse originale)
14:15 | 14:15 | Ouvrages généraux sur la SF | Ouvrages généraux sur la SF | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : roberts, histoire, 2 étoiles, anglais | Tags : roberts, histoire, 2 étoiles, anglais
05/09/2008
_The Richard Matheson companion_
The Richard Matheson companion: Stanley WIATER, Matthew R. BRADLEY & Paul STUVE : Gauntlet Publications : 2008 : ill Harry O. Morris: ISBN-13 978-1-88736-896-4 : 569 pages (y compris biblio) : 38 Euros 98 port compris pour un HC avec jaquette.
Cet ouvrage, édité par Gauntlet Publications (une firme qui est LA spécialiste des rééditions de Matheson en version "luxe"), est ce que nos amis anglo-saxons appellent un companion, c'est à dire un volume hommage à un auteur ou à une oeuvre. C'est une façon de célébrer un auteur respecté ou d'offrir à des fans un peu de matériau annexe.
Il est structuré en quatre parties :
- un recueil de souvenirs, d'hommages et autres préfaces par la famille de l'auteur ou le gratin de l'horreur (Koontz, Ellison, Lumley...), fait de pièces généralement assez courtes (une ou deux pages et ne dépassant jamais la quinzaine) et souvent écrites du point de vue de l'émotionnel plutôt que de l'analytique.
- un court cahier photographique en N&B présentant plusieurs clichés de l'auteur et les couvertures de ses principaux livres.
- un court roman inédit (130 pages) de jeunesse de Matheson (écrit entre quatorze et seize ans) : The years stood still, que je n'ai pas lu (je ne suis pas sûr qu'il s'agisse de SF).
- une bibliographie découpée en nombreux chapitres : livres, nouvelles, films, pièces etc... Par choix délibéré, elle est incomplète puisqu'elle se restreint par exemple pour les livres aux seules premières éditions (en n'oubliant toutefois pas, comme par hasard, les éditions limitées de Gauntlet). En ce qui concerne les nouvelles, elle ne donne qu'une partie des parutions, partie choisie sur des critères non-explicités dans le livre.
Par essence, ce type d'ouvrage n'a donc absolument pas de vocation critique puisqu'il a plus pour but une réminiscence positive de l'auteur qu'une analyse fouillée de son oeuvre. Du coup, le ton des articles est très proche de celui des eulogies comme on peut en lire à chaque mort d'auteur connu dans les pages de LOCUS (même si Matheson n'est pas mort). Les textes mêlent souvenirs persos (toute la famille de Matheson prend la plume et y va de son couplet) et panygériques des oeuvres de Matheson. On remarquera une concentration très (trop) importante sur I am legend & The shrinking man, à croire que Matheson n'a écrit que ces deux romans ou que le lecteur ne le connait qu'au travers des films tirés de son oeuvre.
Comme très souvent avec ce type de livre, toute cette emphase rend la lecture de la première partie assez pénible. En effet, à la dixième lecture de l'affirmation du fait que Matheson est un génie, sans que l'on tente de nous montrer pourquoi, on a parfois envie de tout laisser tomber.
Seules les parties relatives à sa carrière de scénariste apportent un certain plus et une certaine vigueur aux récits, malgré des redites d'un texte sur l'autre.
La partie bibliographique, de part ses critères d'inclusion arbitraires, est proche de l'inutile pour l'amateur de SF écrite même si elle est la seule disponible à ce jour (il en existe une dans Le livre d'or). Elle sera plus intéressante car visiblement plus exhaustive, pour les lecteurs interessé par les adaptations/créations de Matheson au cinéma ou à la télévision.
A tout cela se rajoute, en ce qui me concerne, le fait que la partie de l'oeuvre de Matheson qui m'intéresse potentiellement, à savoir ses textes de pure SF, est complètement passée sous silence à l'exception des deux romans principaux qui sont certes longuement évoqués mais pas du tout discutés. L'expression "science fiction" est d'ailleurs une des grandes absentes de l'ouvrage puisque Matheson est généralement présenté comme auteur de "fantasy".
C'est donc un livre "feel-good" mais qui se trouve être d'une superficialité assez surprenante pour un ouvrage à 50 USD. Il est clair que l'éditeur cible les lecteurs riches et déjà conquis par l'auteur et non à ceux qui chercheraient à le découvrir ou à l'approfondir.
Note GHOR : 1 étoile
10:18 | 10:18 | Etudes mono-auteur | Etudes mono-auteur | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : référence, sf, matheson, 1 étoile, anglais | Tags : référence, sf, matheson, 1 étoile, anglais
04/09/2008
_Positions and presuppositions in science fiction_
Positions and presuppositions in science fiction : Darko SUVIN (1930-) : Kent State University Press : 1988 : ill Goya : ISBN-10 0-87338-356-7 : 227 pages (y compris index et biblio) : une grosse vingtaine d'euros d'occase pour un HC avec jaquette.
Cet ouvrage est un receuil d'essais de Darko SUVIN, un des grands de la théorie SF des années 80. Il est en particulier l'inventeur du terme "cognitive estrangement" comme définition de la SF. Il postule que la SF est une littérature de l'étrange (au sens d'écart avec le réel connu ou perçu par le lecteur) mais que cet écart est connaissable par un processus cognitif (en règle générale la sciene). C'est un analyste de tendance plutôt marxiste et, chose rare chez nos amis anglo-saxons, un grand connaisseur de la SF européenne (est-européenne pour être plus précis).
Ces essais datent de 1974 à 1984 et sont parus dans l'habituelle galaxie des publications académiques spécialisées (SFS) ou non.
L'ouvrage est organisé en trois parties :
- "Some presuppositions" : deux articles qui posent les défintions à la fois de la SF et d'une théorie 'sociale' de la littérature.
- "On SF théory" : 5 articles qui creusent divers aspects du genre (les rapports entre SF et Utopie qui les lie nettement, l'enseignement critique de la SF, l'idéologie dans la SF et sa critique...).
- "Seven writers" : comme son nom l'indique, une analyse (parfois de seconde main, hélas) de sept écrivains. Cette partie traite d'Asimov, Effrémov, Lem dans un article qui les compare tous les trois, en trouvant le premier, oh surprise, comme étant le moins bon, puis consacre un article chacun à Dick, Le Guin, les Strugatsky & les Braun (un couple d'acrivains de la RDA).
Il se termine par une conclusion surtout notable par le fait qu'elle offre sur la fin un éclairage original sur un texte de Cordwainer Smith (The lady who sailed the Soul).
Il y a quelque chose de très démodé dans cet ouvrage.
Mon impression est certainement dûe aux auteurs abordés. Certains (Dick, Lem, Le Guin) sont typiques de la critique académique de l'époque (les années 80) où tout le monde voulait écrire sur eux et, même si Suvin s'en tire AMHA plutot bien sur Dick, ces articles sont un peu courts face aux livres entiers sur ces auteurs qui peuvent déployer une argumentation nettement plus fournie. En reste une impression de survol tempérée par le fait que certains auteurs abordés le sont assez rarement, par exemple les Braun, même si l'enthousiasme de Suvin parait un peu artificiel et les textes mentionnés pas particulièrement séduisants ni originaux (de toutes façons ils sont introuvables).
Ce qui donne aussi son âge à cet ouvrage est aussi la conviction implicite et explicite dans le choix des auteurs étudiés (3 Américains, 1 Polonais, 2 Russes et 1 Allemand de l'Est) que la SF est un genre véritablement international où toutes les pays participent à égalité. C'était peut- être vrai à l'époque, cela ne l'est plus maintenant où le marché du genre est indiscutablement dominé par une SF (et encore plus une Fantasy) anglo-saxonne qui, dans la plupart des pays, pèse d'un poids supérieur à la SF autochtone. Cette "Internationale de la SF" était une belle idée mais relève désormais du domaine de l'uchronie.
L'ignorant en matière de théorie littéraire que je suis a aussi trouvé certaines portions de textes un peu difficiles à suivre, par manque de connaissance des théories de Lukacs, Goldmann ou Benjamin et n'a pas été capable d'y éprouver un intérêt quelconque.
Outre une position idéologique et théorique nettement de gauche, parfois acide mais toujours rafraichissante de part sa relative rareté, la meilleure partie du livre est (AMHA) l'analyse des auteurs même si elle vire parfois à la simple description de synopsis ainsi que la démonstration des liens entre SF et Utopie (la seconde étant une branche de la première), un sujet souvent polémique de la part de tenants de la Littérature qui souhaitent conserver ce sous-genre hors des pattes sales et velues de la SF.
Au final, c'est un livre dont la pertinence dans les conditions actuelles est sévèrement limitée mais qui reste témoignage de l'état de l'art de la réflexion sur la SF il y a 20 ans.
Note GHOR : 1 étoile
08:43 | 08:43 | Ouvrages thématiques | Ouvrages thématiques | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : sf, suvin, dick, 1 étoile, anglais | Tags : sf, suvin, dick, 1 étoile, anglais
28/08/2008
_Critical theory and science fiction_
Critical theory and science fiction: Carl FREEDMAN : Wesleyan University Press : 2000 : ill photographique de Piotr Uklanski Goya : ISBN-10 0-8195-6399-4 : 206 pages (y compris index mais pas de biblio) : 14 Euros 03 port compris pour un TP.
Cet ouvrage a pour vocation de montrer les parallèles possibles entre la théorie critique (qui pratique le questionnement du monde et de son fonctionnement) et la SF. En effet, ces deux activités intellectuelles sont censées utiliser des outils communs (du type prospectif) et une base de discours critique similaire, faisant logiquement de la SF le genre idéal pour illustrer le premier.
On est là dans la lignée revendiquée de Suvin et de Jameson, c'est à dire d'une analyse à base marxiste qui place la SF, grâce à ses spécifités (novum, cognitive estrangement, appareil critique) comme outil de réflexion privilégié sur la société capitaliste actuelle et ses failles (pauvreté, sexisme, racisme...).
Le livre est organisé en quatre parties :
1- Definitions : comme son nom l'indique, c'est le passage obligé pour définir les deux élements (critical theory et science fiction) qui vont être corrélés. Cette partie est assez courte (20 pages).
2- Articulation : la partie la plus ardue (70 pages) qui montre donc les convergences entres ces deux élements, avec un focus revendiqué sur la critical theory.
3- Excursuses : en lien avec le chapitre précédent, une lecture critique détaillée de cinq oeuvres : Solaris (Lem), The dispossessed (Le Guin), The two of them (Russ), Stars in my pocket like grains of sand (Delany) & The man in the high castle (Dick). Chaque oeuvre donne lieu au développement d'une problématique particulière (Delany = la différence, Russ = le genre...).
4- Coda : une mise au point sur l'état des deux champs étudiés, avec en particulier une mise à mort du Cyberpunk (présenté comme simplement conservateur) remarquable de justesse, de concision et d'efficacité qui donnerait des boutons aux thuréfaires de Gibson et consorts.
La première partie commence fort, et mes connaissances limitées dans le domaine de la théorie littéraire m'ont empéché de gouter à toute l'érudition de Freedman. Pour ce qui concerne la partie SF, on est dans le classique avec à la fois une histoire relativement standard (une n-ième version de l'origine de la SF ici plutôt Poe, Verne ou Wells) et une approche théorique globalement Suvinienne. C'est toutefois correctement structuré et argumenté.
La deuxième partie m'est largement passée au dessus de la tête par manque de bagage mais se laisse lire même si Sartre, Lacan, Lukacs ne me passionnent pas.
Le troisième partie revient clairement dans le champ de la SF et dans une analyse purement marxiste de chaque ouvrage. Elle est donc du coup assez classique pour des non-américains mais certainement assez peu fréquente outre-atlantique. Techniquement, pas grand chose à en dire, particulièrement pour les textes déjà analysés de nombreuses fois (Lem, Le Guin ou Dick) où l'on arrive rapidement aux mêmes conclusions. On pourra regretter le niveau d'emphase qui est parfois (AMHA) un peu élévé, avec une présentation de PKD comme une sorte de dieu littéraire et de Delany comme le meilleur écrivain noir-américain de tous les temps.
Au delà de l'analyse littéraire opérée par Freedman, cette partie est surtout intéressante par sa sélection d'oeuvres étudiées qui, même si c'est hors du champ de ce livre, pose le problème des processus de canonisation à l'oeuvre dans le SF (pour une première approche voir l'excellent receuil d'essais Science fiction, canonization, margionalization, and the academy).
En effet, même si Freedman est parfaitement conscient du processus de formation du canon et des ses écueils, on peut dire qu'il tombe en plein dedans. Sa liste d'auteurs est d'un conformisme à faire peur. On a bien sûr une balance des sexes (soit 2 femmes et 3 hommes) dans les proportions préconisées, on a aussi l'écrivain hors USA/GB (Lem), un noir homosexuel (deux minorités d'un coup), une féministe engagée (deux de plus), une autre un peu moins (en bonus ?) et un auteur maudit génie méconnu.
Ce presque exactement les mêmes auteurs que ceux du Suvin que j'évoquais il y a peu (dans fras) : Positions and presuppositions in science fiction et surtout ce sont les auteurs que l'on retrouve à chaque fois dans toute étude sur le genre écrite par un membre du corps académique.
Sans nier les qualités de ces auteurs et de leurs oeuvres, l'amateur que je suis se pose la question de savoir si ce sont vraiment ces écrivains là qui forment le canon de la SF. Dans les cinq cités, pratiquement le seul dont le fond soit encore publié est PKD (aux USA) pour des raisons certainement liés au fait qu'il soit devenu une source de scénarios de cinéma et/ou un auteur canonique (la parution des ses oeuvres dans la Pleïade USA est symptomatique). Pour les autres, c'est le désert et certains des livres étudiés sont même difficilement trouvables d'une façon standard. Le Delany n'est disponible neuf qu'en version de luxe préfacée (surprise) par Freedman et sa dernière édition en paperback date de 18 ans. Le Russ est dans le même cas avec une seule édition dispo chez Wesleyan (re-surprise). Ces deux livres étaient donc indisponibles lors de l'écriture de cet essai et ne le sont redevenus que dans le cadre de ce qui semble être un joint-venture entre l'auteur et l'éditeur. Sur un plan pratique, on peut donc douter de l'intérêt de l'étude de tels textes.
Sur un plan théorique, je définirais (à mon humble niveau) le vrai canon de la SF comme l'ensemble des oeuvres qui trouvent encore un public malgré leur age et surtout qui touche un public "volontaire", c'est à dire un ensemble de gens qui les lit par choix et non par obligation (comme par exemple des étudiants qui les auraient dans leur cursus). Le canon de la SF, c'est par exemple Cordwainer Smith, Heinlein, Williamson ou Farmer (comme preuve supplémentaire d'une vraie permanence, on notera que ces auteurs sont aussi ressortis en VF).
Du coup, l'analyse de Freedman, même s'il est original dans le choix de deux des textes (le Delany, pour lequel on aurait plutôt attendu Dhalgren et le Russ qui aurait pû être The female man), se base sur une représentation de la SF que je juge fausse et qui ne correspond ni à l'histoire du genre, ni à sa cartographie, ni à sa réalité. C'est une vision de la SF très PC, respectable et propre sur elle qui n'aborde que des thèmes graves, à la mode et pouvant donner lieu à des papiers universitaires (gender studies, feminist theory...). C'est en tout cas bien loin des robots, fusées et autres aliens.
Un ouvrage pour universitaires, avec des vrais morceaux de SF sérieuse et aseptisée (Le Guin ^_^) dedans, mais pas forcément une image fidèle du genre dans ses attraits, ses forces ou ses enjeux.
Note GHOR : 1 étoile
09:16 | 09:16 | Ouvrages thématiques | Ouvrages thématiques | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : 1 étoile, anglais | Tags : 1 étoile, anglais