02/02/2010
_Red planets : Marxism and science fiction _
Red planets : Marxism and science fiction : Mark BOULD & China MIEVILLE : 2009 : Wesleyan University Press : ISBN-13 978-0-8195-6913-4 : 293 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 28 USD en neuf pour un TP non illustré, il semble exister un HC à 75 USD et une publication simultanée par Pluto Press.

Coédité par Mark Bould (un universitaire spécialiste du cinéma de SF) et China Miéville (un auteur britannique qui produit du "New Weird", une étiquette de sa création), cet ouvrage est un recueil d'essais inédits sur les rapports entre Marxisme et SF. Même si la coloration politique de la SF a toujours été assez difficile à déterminer malgré généralement une acceptation tacite du capitalisme (parfois sauvage), il a toujours existé, quelles que soient les époques, une frange du genre d'inspiration clairement marxiste, de London et Bellamy à MacLeod en passant par Reynolds (Mack), frange que cet ouvrage ambitionne d'explorer.

Ce recueil comporte 11 essais d'une vingtaine de pages chacun qui sont regroupés dans trois parties principales : la première (4 textes) traite de l'ambition utopique dans les ouvrages de tendance marxiste (littérature avec Le Guin et K. S. Robinson, cinéma avec Wenders); la deuxième (3 textes) se focalise sur la SF récente avec par exemple une discussion sur la Singularité ou sur Ken MacLeod; la troisième et dernière (4 textes) rassemble des textes sur la SF écrits dans une perspective marxiste. Une longue postface de Miéville fait ensuite le point sur l'état des lieux de la théorie marxiste de la SF (Suvin, Freedman, Jameson). Plusieurs volumineux appendices sont fournis : une longue (20 pages) liste brièvement commentée des oeuvres "de gauche" (textes et films), une liste d'ouvrages de référence sur le marxisme et/ou sur la SF et un index.

Autant le thème de ce recueil d'essais semblait à la fois séduisant, audacieux et original, autant le résultat final est décevant. En effet, ce livre illustre bien la problématique des ouvrages de référence sur le genre quand ils sont écrits par des intervenants plutôt extérieurs à celui-ci comme c'est la cas ici où la majorité des auteurs sont issus de la sphère universitaire des sciences sociales ou des départements d'Anglais "classiques". Il se produit un phénomène analogue à celui que l'on rencontre pour les minutes "Eaton conferences" qui est parfaitement illustré par le tout premier texte de Matthew Beaumont : sur les vingt pages de son essai (The anamorphic estrangements of science fiction) la majorité sont consacrées à une discussion du célèbre tableau de Holbein (Les ambassadeurs) et son fameux crâne anamorphique. Un vague lien n'est fait avec la SF (en fait avec la théorie Suvinienne du genre) qu'au moment où l'essai se termine.

De nombreux textes sont dans ce cas où l'auteur n'hésite pas à enfourcher son dada favori (que ce soit le film noir, la république de Weimar et la critique cinématographique, l'exploitation des animaux, les évènements de 1968, Le Corbusier, etc.) sur plusieurs pages avant de se rappeler qu'il doit parler de SF ce qui nous vaut généralement un violent retour final dans le genre avec force clichés et auteurs convenus (Le Guin, Atwood). Même les pratiquants du genre comme Miéville donnent particulièrement dans l'abscons avec un texte sur l'évolution des théories marxistes du genre qui n'est compréhensible que pour qui les connaît bien. Ce manque de connaissance du genre est d'ailleurs illustré de façon frappante par deux choses : l'absence presque complète de discussion de la SF des pays de l'Est (que l'on pourrait croire comme pertinente sur un tel sujet) et le fait qu'une infime (à la louche moins de 10%) partie des oeuvres listées en appendice sont ne serait-ce que simplement mentionnée dans les essais.

On peut toutefois sauver de ce livre la bibliographie, quelques bribes sur les nouveaux auteurs britanniques et le texte sur MacLeod (bien qu'il existe un ouvrage nettement plus approfondi sur le sujet). Un joli ratage qui montre que la réflexion sur le genre ne s'improvise pas si aisément que cela.

Note GHOR : 1 étoile
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01/02/2010
_Histoire de la science-fiction moderne 1911-1984_
Histoire de la science-fiction moderne 1911-1984 : Jacques SADOUL : 1984 : Robert Laffont (collection "Ailleurs & demain - essais") : ISBN-10 2-221-04464-9 : 513 pages (y compris bibliographie et index) : coûtait 110 FRF pour un TP à la couverture métallisée d'une fragilité conforme à sa légende.

Cet ouvrage est un des textes légendaires du petit domaine des études sur la SF en français. C'est un monument de permanence puisqu'il a subi plusieurs métamorphoses : une première version a été publiée en 1973 en un volume par Albin-Michel et couvrait la période 1911-1971; une deuxième version (1911-1975) sera éditée en 1975 par J'ai Lu (une collection dirigée par Sadoul) en format poche et divisée en deux tomes (un pour le domaine anglo-saxon, un pour le reste du monde); enfin le tout sera remanié, complété (1911-1984) et regroupé pour aboutir à ce volume qui clôturera l'épisodique collection des essais chez A&D. C'est aussi un monument d'ambition puisque celle de Sadoul est tout simplement de raconter l'histoire du genre de 1911 (parution de Ralph 124C41+) à 1984 (date d'écriture du livre) à la fois dans les pays anglo-saxons et en francophonie (les autres SF sont aussi abordées). A noter que cette édition ne comporte pas de cahiers photographiques contrairement à celle d'Albin-Michel.

Le livre est découpé en deux parties très inégales correspondant à son découpage géographique. La première (presque 400 pages) concerne donc les USA et la GB, la seconde (une centaine de pages) traite du domaine francophone. Ces parties sont divisées en un certain nombre de chapitres correspondant à des périodes de l'histoire du genre telles que définies par Sadoul (globalement des grosses décennies suivant un canevas assez standard). Au sein de chaque chapitre on a une narration chronologique (et par magazine pour l'anglais) qui met surtout l'accent sur les oeuvres littéraires indépendamment de leur longueur et de le traduction ou non en VF. Quelques annexes complètent le livre : un panorama rapide (une dizaine de pages) des "autres SF" (allemande, italienne, latine, de l'Est), une bibliographie d'ouvrages de référence et un index (titres et noms propres).

Il est généralement de bon ton de critiquer cette histoire de la SF pour divers motifs : goût de l'autopromotion et partialité de l'auteur qui "vend" sa collection et ses auteurs, erreurs de perspective historique, manque de fluidité de la narration qui n'est qu'une simple accumulation de résumés d'intrigues, oublis divers et erreurs factuelles. Il est vrai que ces reproches peuvent légitimement être faits à Sadoul comme par exemple la citation au sein d'une histoire globale du genre d'un certain nombre de novellisations médiocres dont le seul intérêt est d'avoir été publiées par J'ai Lu (et l'abondance de titres de cet éditeur en général), ces coquilles sur des titres de Van Vogt (The universe makerS) ou globalement un biais notable en faveur la SF qu'il apprécie.

Mais ces reproches sont-ils réalistes ? Tout d'abord, peut-on vraiment écrire une histoire de la SF mondiale même en 500 pages en ne négligeant aucune oeuvre, aucun auteur important ou aucun courant ? Si cela était possible, peut-on le faire d'une façon impartiale ? Les rares qui on tenté l'expérience on tous été attaqués sur ces critères : Aldiss (Billion puis Trillion year spree) par la frange "dure" de la SF US, à contrario, Del Rey (The world of science fiction) l'a été par Aldiss et Priest, et plus récemment Roberts (The history of science fiction) sur la dimension religieuse. En gros, la mission n'est-elle pas tout simplement impossible ?

Au final, il reste une histoire du genre érudite et passionnante malgré ses défauts certains, une oeuvre d'une ambition rarement égalée même chez les anglophones et un des textes francophone clés sur le genre. C'est aussi la seule tentative sérieuse d'une histoire de la SFF. En plus, c'est aussi un livre qui m'a personnellement beaucoup apporté et que je chéris particulièrement.

Note GHOR : 3 étoiles
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29/01/2010
_Hier, l'an 2000_
Hier, l'an 2000 : L'illustration de science-fiction des années 30 : Jacques SADOUL : 1973 : Denoël (collection "Redécouvertes") : pas d'ISBN : 175 pages (pas d'index ni de bibliographie) : coûtait (semble t-il) 69 FRF pour un HC d'illustrations grand format avec jaquette qui se trouve parfois d'occase.

Cet ouvrage se situe aux limites de ceux que j'évoque dans cet espace. En effet, il s'agit plus d'un livre d'illustrations (un "beau livre" ou un "coffee-table book") que d'un ouvrage de référence au sens habituel (une source d'information sur un domaine). Malgré tout, on peut considérer que ce recueil de couvertures et d'illustrations intérieures des pulps des années 30 (et aussi de périodes plus tardives malgré le sous titre de l'ouvrage) peut apporter des données intéressantes.
Basé sur la collection de pulps de Sadoul (qui l'avait d'ailleurs rachetée à un autre collectionneur) et préfacé par Van Vogt (ce qui est assez logique au vu des liens professionnels unissant les deux hommes) ce livre est divisé en huit chapitres. Chacun d'eux correspond à un des thèmes ou une des icônes standards de la SF (Robots, Vaisseaux, Villes, Alien...) et offre, après une courte introduction (une page écrite gros), une série d'illustrations sur ce sujet. Sadoul mêle illustrations intérieures et couvertures généralement en N&B (il y a quelques pages en couleur). Chacune d'entre elles est légendée (souvent par un résumé du texte qui l'a inspirée), datée et attribuée. L'ouvrage comprend aussi un index commenté des principaux magazines et un court appendice astronomique.

La partie référence étant donc réduite à la portion congrue, c'est un livre qu'il faut simplement feuilleter en se laissant emporter par les superbes images présentées en souriant aux intrigues naïves qu'elles illustrent. Une promenade agréable et bien réalisée dans l'univers des pulps de SF à laquelle on ne pourra que reprocher une certaine confusion temporelle, les images des années 30 ne formant même pas la majorité de celles proposées, ce qui pourrait laisser croire à un lecteur peu attentif que Finlay ou Lawrence sont des contemporains de Paul.

Note GHOR : 1 étoile
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28/01/2010
_Héros de la science-fiction_
Héros de la science-fiction : Marie-Françoise DISPA : 1976 : Editions A. De Boeck (collection "Univers des sciences humaines" #4) : pas d'ISBN : 159 pages (y compris bibliographie mais pas d'index) : quelques Euros d'occase pour un poche non illustré.

Voici un ouvrage assez exotique. Ecrit par une Belge licenciée en "philologie romane" (et journalisme) pour son mémoire, il est publié par un éditeur de la même nationalité. Il s'agit d'une analyse des typologies de héros présents dans la SF réalisée à partir d'un échantillonnage de trente-six livres de la collection "Présence du futur" (Denoël). Les titres choisis (?) par l'auteur vont de Aldani à Wyndham en passant par des auteurs aussi influents que Curtis, Glaskin, Kazantzev ou Santos (sic).

Cet essai est divisé en deux grandes parties inégales. La première s'attache tout d'abord à dégager plusieurs types de héros dans la SF : le surhomme, l'homme du destin, l'homme de la rue et le témoin. Sont abordés ensuite les divers éléments internes et externes qui modèlent leur carrière. La seconde (nettement plus courte) sort du champ strict du genre puisqu'elle va dresser des parallèles entre ces héros de SF et leurs homologues d'autres genres littéraires (Polar, romans médiévaux, Espionnage). La conclusion est suivie par une bibliographie primaire (livres utilisés) et secondaire (les quelques ouvrages en VF sur le genre existant à l'époque). Il n'y a pas d'index.

Cet ouvrage suit parfaitement les étapes définies dans le Comment faire un ouvrage de référence sur la SF pour les nuls ou pour les universitaires en mal de sujet (GHOR Editions, 2010, ISBN-13 978-2-5023-5698-7) : 1) ne rien connaître au genre (c'est pour les débiles); 2) choisir un échantillon complètement au hasard (ils font justement une promo sur les PdF chez Auchan); 3) lire les livres (la partie la plus difficile, penser à ne pas lire les cycles en entier même si l'échantillon contient des textes situés en plein milieu); 4) trouver un truc qui apparaît dans tous (au hasard, le héros même si l'échantillon comporte des recueils de nouvelles); 5) ventiler dans des catégories (pas trop compliquées, les catégories); 6) paraphraser les intrigues (saupoudrer de quelques généralités et surtout mettre plein d'extraits -ce n'est pas trop fatiguant-); 7) faire le lien avec son vrai domaine de compétence (le Moyen-âge) et tartiner là-dessus (on maîtrise); 7) relier le tout à d'autres formes littéraires mal-aimées (western, polar, c'est tendance); 8) conclure (envolée lyrique obligatoire) et enfin 9) lister une bibliographie (tout ce qui existe sur le sujet quelles que soient ses qualités pourvu que cela soit français).

Au risque de manquer d'originalité, je ne peux qu'être d'accord avec Marc Angenot qui dit à propos de cet ouvrage (en 1979 dans la revue SFS) : "All the weaknesses of the work come together (...) : impreciseness of critical categories, vague boundaries, equivocal generalities, determined by a corpus at once too narrow and incoherent, ignorance of SF research outside of what is available in French". Une fois de plus, la prétention de croire pouvoir saisir la SF en deux semestres d'études conduit à un résultat pitoyable.

Note GHOR : 0 étoile
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27/01/2010
_C. M. Kornbluth : The life and works of a science fiction visionary_
C. M. Kornbluth : The life and works of a science fiction visionary : Mark RICH : 2010 : McFarland : ISBN-10 978-0-7864-4393-2 : 439 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 40 USD pour un TP (couverture assez fragile) agrémenté de quelques photographies en N&B, disponible chez l'éditeur : http://www.mcfarlandpub.com/book-2.php?id=978-0-7864-4393-2.

Cet ouvrage est dû à la plume de Mark Rich, un auteur de nouvelles de science fiction américain qui publie surtout dans Analog. Il est édité par McFarland qui a déjà sorti plusieurs biographies (Piper et Boucher). Celle-ci est donc consacrée à Cyril Kornbluth. Plus connu comme collaborateur de Frederik Pohl sur des dystopies satiriques (The space merchants, Gladiator at law), c'est un de ces auteurs (comme Weinbaum) dont on dit souvent avec nostalgie que la mort à un jeune âge (il avait à peine 35 ans lors de son décès) l'a empêché de changer la face de la SF.

La première et principale (350 pages) partie de l'ouvrage est une biographie détaillée de la vie de l'auteur, de sa naissance à New York en 1923 à sa mort (une attaque cardiaque) en 1958. Rich nous fait revivre en détail et avec force témoignages de ses proches ou de ses amis la jeunesse de l'auteur (enfant brillant mais pas très adapté), son adolescence et ses années de jeune adulte passées au sein du fameux groupe des Futurians, sa participation à la 2GM (il combattra en Europe en 1945), son retour à la vie civile et sa difficile carrière d'écrivain et son cortège de difficultés financières récurrentes. La seconde partie est une sorte d'essai qui piste le thème de la double personnalité dans les oeuvres de Kornbluth et montre qu'il s'agit d'un écho des préoccupations centrales de l'auteur. Après plusieurs pages de notes, on trouve une bibliographie globale et un index. Une grosse dizaine d'illustrations (couvertures de livres, reproductions de photos de famille) parsèment cette biographie.

Comme le travail de Carr sur Piper, celui de Rich sur Kornbluth est extrêmement solide et s'appuie sur de nombreuses sources (ouvrages divers, interviews avec les protagonistes ou la famille, échanges de courrier, documents archivés). Le résultat est un ensemble d'une grande solidité factuelle et d'une lecture très intéressante d'autant plus que la narration intègre parfaitement le cadre plus général de l'histoire du genre. On y croise d'ailleurs toutes les figures habituelles du milieu de la SF de la côte Est, parfois sous des jours assez négatifs (Heinlein pour son attitude mesquine à la mort de Kornbluth) même si l'essentiel de la charge de Rich est faite en permanence contre Pohl qui ressort de ce livre comme un écrivain médiocre et surtout un collègue profiteur d'une honnêteté discutable.

Au final, Rich nous fait le récit instructif d'une vie qui n'a jamais été très agréable pour cause des soucis financiers permanents (finalement assez similaire à celle de Piper) et une impression de gâchis d'un réel talent qui devrait amener à une réévaluation de la place de l'auteur et de sa réelle importance dans ses collaborations, bien qu'il faille se méfier de cette habitude de présenter les morts prématurés comme des géants du genre en devenir. Je serais plus réservé sur la deuxième partie qui n'apporte pas grand chose au livre de par sa brièveté et le fait qu'elle soit plus centrée sur les textes hors SF de Kornbluth, écrits qui sont relativement inaccessibles. Après d'autres biographies réussies, celle-ci montre que cet exercice est maintenant maîtrisé par les historiens du genre.

Note GHOR : 3 étoiles
07:38 | 07:38 | Biographies & autobiographies | Biographies & autobiographies | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : anglais, kornbluth, 3 étoiles | Tags : anglais, kornbluth, 3 étoiles