11/09/2014
_Greg Egan_
Greg Egan : Karen BURNHAM : 2014 : University of Illinois Press (série "Modern Masters of Science Fiction" #4) : ISBN-13 978-0-252-07993-1 : xii+190 pages (y compris index et bibliographies) : coûte 23 USD pour un tp non illustré (existe aussi en hc -03841-9 à 85 USD), disponible chez l'éditeur.
Ce titre est le quatrième dans la récente (lancée en 2012) série "Modern Masters of Science Fiction" publiée par l'université de l'Illinois, une série qui a déjà étudié auparavant Benford, Brunner & Gibson. Ici c'est au "grand mystère" (il n'existerait aucune photo de lui, d'où la silhouette noire sur la couverture du livre) Egan que s'attaque Karen Burnham, une physicienne américaine qui est aussi critique et essayiste sur la SF dans divers supports (Locus, Strange Horizons, NYRSF) et qui nous livre là son premier livre. On ne présentera pas Greg Egan, un des auteurs phares des décennies 1990 (dans le monde anglo-saxon) et 2000 (en VF avec un certain retard) qui s'est fait une spécialité de la Hard Science la plus dure qu'il soit avec force diagrammes ou annexes (dans les livres eux-mêmes et sur le net) et aspirine obligatoire pour ses dernières productions.
Après une préface et une longue introduction de Burnham, l'ouvrage se divise en cinq chapitres. Le premier survole l'intégralité des textes d'Egan en déroulant sa carrière; les trois suivant détaillent chacun un des thèmes clés de l'auteur (l'éthique, l'identité, la science) et le dernier évoque certaines positions plus polémiques prises par Egan (sur la religion par exemple). Une longue interview (20 pages mais non datée) termine l'ouvrage qui propose en plus une bibliographie (sommaire) de l'auteur, une liste de sources et un index.
Il était sans doute temps que quelqu'un se penche d'une façon approfondie sur l'oeuvre de Greg Egan, même si la réalité des choses est peut-être qu'il est plus un des nombreux météores du ciel de la SF qu'une étoile fixe (Burnham évoque bien cette perte graduelle d'audience depuis 2000, perte clairement matérialisée par son changement d'éditeur aux USA). Malgré tout, il reste pour de nombreux analystes, l'exemple type de l'écrivain de Hard Science et d'une SF sans concessions (Benford dirait "with the net up") une démarche qui est bien montrée dans cet ouvrage et bien explicitée par Egan dans l'interview finale. Le travail de Burnham est donc important pour qui veut comprendre les évolutions de la SF des années 90 (où l'influence d'Egan est maximale) parce que la "position eganienne" a été reprise par d'autres auteurs (on pensera à Chiang ou Marusek).
Malgré tout, par un étrange effet d'osmose, le livre de Burnham ne se révèle pas particulièrement plaisant à lire (trop aride comme son sujet d'étude lui-même ?) et manque un peu de chaleur humaine ou du moins de la présence de l'homme Greg Egan sans doute à cause de son culte du secret. A cette relative froideur s'ajoute une tendance de l'essayiste à déployer de longues digressions sur la place de la science dans la société qui "consomment" parfois un espace précieux. On aurait aussi aimé une analyse sans doute intéressante des raisons de l'effacement progressif d'Egan, poussé vers les small press (du moins aux USA) par une radicalisation de sa position vis à vis du genre qui ne semble pas faire recette. L'interview est précieuse (parce que rare) mais l'ensemble de l'ouvrage n'est pas, à mon sens, complètement satisfaisant parce que manquant peut-être un peu de passion et d'allant.
Note GHOR : 2 étoiles
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10/09/2014
_Emshwiller : Infinity X Two_
Emshwiller : Infinity X Two : Luis ORTIZ : 2007 : Nonstop Press (série "Library of American Artists" #2) : ISBN-13 978-1-933065-08-3 : 173 pages (y compris index) : coûte 40 USD pour un HC illustré (format carré) disponible en neuf chez l'éditeur (et même en promotion).
Comme (Outermost) un titre du même auteur paru chez le même éditeur, cet ouvrage est essentiellement un titre d'orientation graphique. En effet, s'il évoque d'un seul coup les époux Emshwiller (Ed l'illustrateur et Carol l'écrivain), il est, par la force des choses (s'agissant d'un ouvrage illustré), plutôt consacré au premier. Cet illustrateur est particulièrement connu en VF pour ses couvertures (souvent humoristiques) des premiers numéros de Galaxie (1ère et 2ème série) ou des copies qui en ont été faites. Son épouse, à la carrière qui a débuté plus tardivement, est elle une nouvelliste initialement étiquetée "New Wave" qui a continué d'écrire jusqu'en 2012.
Après une préface de Carol Emshwiller et une longue introduction due à Alex Eisenstein, l'ouvrage est composé d'une quinzaine de chapitres qui déroulent chronologiquement et en parallèle les carrières des deux époux (avec un focus plus marqué sur Ed qui a eu une carrière plus longue, plus productive et dans des domaines plus variés que son épouse). Une iconographie (couleur et N&B) très abondante (photographies puis couvertures et illustrations puis images vidéo ou informatiques) enrichit l'ouvrage qui propose aussi une courte bibliographie et un index.
On ne peut que louer la qualité purement physique de l'ouvrage qui est d'une grande solidité, agréable à manipuler et qui propose surtout des reproductions fidèles, en couleurs et grand format des oeuvres d'Ed Emshwiller. Bien évidemment les captures d'écran, de vidéos ou de films sont d'un niveau technique inférieur pour des raisons purement techniques. Le seul gros bémol en matière de qualité de fabrication est la complète inutilité du système de notes. En effet, si l'on a bien plusieurs pages de notes correspondant aux divers chapitres, il n'y a aucune façon de les relier au texte d'Ortiz puisque les renvois sont tout simplement absents (on peut simplement parfois deviner quelle note se réfère à quelle phrase).
Outre ce problème qui obère la facilité de lecture, il ne faut bien sûr pas voir dans cet ouvrage une analyse en profondeur d'un artiste (et à fortiori de deux), ce que sa quantité de texte possible (somme toute réduite) ne permet pas. C'est d'autant plus vrai pour Carol dont l'oeuvre est assez rapidement expédiée. A cela s'ajoute la difficulté pour l'auteur de rendre compte par écrit de la deuxième partie de la carrière d'ED qui était centrée sur le cinéma "expérimental" ou la vidéo. Au final, un bel objet chatoyant dont les illustrations rappelleront de nostalgiques souvenirs à certains.
Note GHOR : 2 étoiles
12:29 | 12:29 | Ouvrages de référence divers | Ouvrages de référence divers | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : anglais, 2 étoiles | Tags : anglais, 2 étoiles
06/09/2014
_The Complete Checklist of Science-Fiction Magazines_
The Complete Checklist of Science-Fiction Magazines : Bradford M. DAY : 1961 : Science-Fiction & Fantasy Publications : 63 pages : pas d'ISBN : coûtait 1.10 USD pour un fascicule agrafé non illustré, introuvable sauf par dispersion de collections spécialisées.
Si la numérotation continue des magazines est une évidence pour la plupart des amateurs européens, il faut savoir que ce concept est inconnu de la plupart des magazines américains (et certains britanniques) de SF&F. Au lieu d'un tout "bête" No X, ceux-ci utilisent des systèmes parfois assez complexes à base de "Volume" (généralement correspondant à une année civile) précisé par un numéro séquentiel dans l'année. Ainsi par exemple le numéro d'octobre 1959 de Fantastic qui serait pour nous le No 26 est le "Vol 5 - No 5" pour les amateurs américains.
Si l'on ajoute à ceci des rythmes de parution parfois complètement erratiques avec des titres passant de trimestriels à mensuels d'une année sur l'autre (ce qui a été le cas d'ailleurs de Fantastic évoqué plus haut) ou des revues offrant une année 13 numéros et 12 la suivante (Analog et Asimov's ont été dans ce cas), il est rapidement devenu presque obligatoire d'avoir des ouvrages de référence permettant de savoir tout simplement quels numéros existent. Il existe donc un certain nombre de titres de ce type comme celui-ci ou de sections spécialisées au sein d'ouvrages plus généraux (comme la partie Directory of Magazines Indexed dans cet ouvrage) dont le principe est de lister (sous des formes diverses) tous les numéros connus de chaque magazine appartenant au genre.
Au cas d'espèce, ce volume en particulier traite les magazines (publiant exclusivement de la SF sous forme littéraire) de divers pays (y compris au moins trois titres français dont un à l'existence douteuse, mais pas Fiction ni Galaxie) jusqu'en 1960 sous forme de tableaux année/mois qui permettent de lire directement les références d'un éventuel numéro parus à cette date avec, le cas échéant, quelques précisions sur d'éventuelles particularités (absence de date, changement de titre).
Dans la pratique, comme c'est souvent le cas avec des titres de plus d'une demi-siècle, l'ouvrage est essentiellement une pièce de collection et ne peut rivaliser avec les ressources en ligne disponibles (comme ici, toujours pour Fantastic) ou des ouvrages de référence plus récents et plus complets (comme le summum du genre), d'autant que l'on peut y trouver certaines erreurs (par exemple sur les dates de parution des Galaxy Novels) en croisant avec d'autres sources, chose aisément explicable au vu du manque parfois complet d'information sur certains titres (le numéro peut ne comporter aucune date) ou de certaines pratiques éditoriales surprenantes (ici nos amis britanniques sont particulièrement forts, surtout pour les titres "frères" de magazines US). Ce petit opus reste un exemple de tout ce travail de collecte et de mise à disposition d'information fait par des amateurs d'une façon quasi-bénévole depuis des années.
Note GHOR : 1 étoile
23:04 | 23:04 | Index, dictionnaires & bibliographies | Index, dictionnaires & bibliographies | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (2) | Commentaires (2) | Tags : anglais, 1 étoile | Tags : anglais, 1 étoile
05/09/2014
_Demon Prince_
Demon Prince : The Dissonant Worlds of Jack Vance : Jack RAWLINS : 1986 : Borgo Press (série Milford/Popular writers of today #40) : ISBN-10 0-89370-263-3 : 104 pages (y compris index et bibliographie) : coûtait 7 USD pour un petit tp non illustré (existe aussi en hc -163-7), pas simple à trouver.
Ce volume fait partie de la série de monographies d'auteurs (de SF en majorité) publiées par Borgo (et ses diverses incarnations) initialement dans les années 70 & 80 (voir ici pour la liste des titres). Il est donc consacré à Jack Vance, un des auteurs les plus connus du genre et qui, à l'époque, avait un peu levé le pied sur la production de textes de SF (la série des Alastor) et avait tenté une incursion dans la Fantasy "pure" avec la trilogie de Lyonesse. Il allait par la suite revenir à la SF pour ses derniers titres (les Caldwall et les Gaean Reach). A noter qu'il existe d'autres ouvrages sur Vance dont certains sont évoqués ici et là.
Ce livre ne suit que partiellement les grandes lignes des titres de la même série. En effet, même s'il s'ouvre par l'habituelle chronologie et une brève introduction sur le personnage qu'était Vance, il abandonne la classique approche chronologique pour une exploration plus structurelle qui passe en revue successivement les mondes imaginés par l'auteur ("Vance's Worlds"), les astuces lexicales utilisées pour les décrire ("Vance's Words") et les intrigues et personnages que l'écrivain y déploie ("Vance's Plots"). Ces trois chapitres forment l'essentiel du volume et sont suivis par une courte conclusion qui évoque la (rétrospectivement brève) tentative de changement de genre de l'auteur et une assez longue (9 pages) interview. Une bibliographie secondaire sélective et un index clôturent l'ouvrage.
Cet ouvrage est un excellente surprise au sein d'une collection dont les titres sont souvent sans grand relief, généralement à cause de l'étroitesse du format imposé (embrasser la carrière d'un auteur en parfois une soixantaine de pages). Le choix d'une organisation originale s'avère ici payant et nous évite une n-ième liste chronologique, commentée et/ou résumée de la production d'un auteur. En se concentrant sur ce que décrit Vance, comment il le décrit et ce qu'il en fait par la suite, Rawlins se positionne en plein dans ce qui fait traditionnellement la force des écrits de l'auteur, à savoir l'évocation d'une société différente, y compris dans ses aspects les plus "ordinaires".
Il est aussi extrêmement rafraîchissant de voir que la posture de Rawlins sait aussi se faire critique, en particulier dans la dernière partie ("Vance's Plots"). En effet, l'auteur montre bien la quasi complète disparition de toute intrigue (et parfois de tout intérêt) au fur et à mesure de l'avancement de la carrière de Vance. Si, comme Rawlins le montre bien, il ne se passait déjà pas grand-chose dans les plus récents romans de Vance à l'époque de l'écriture de cet essai, le jugement aurait sans doute été encore plus sévère face à l'immobilisme de titres comme Lurulu ou Ports of Call. Mais l'on aime aussi Vance pour d'autres éléments que Rawlins détaille très bien : des sociétés vraiment autres (même si leur plausibilité est douteuse), un rythme reposant, un langage original (même si les francophones sont sans doute mieux armés pour en percevoir la construction) et surtout une "texture" détaillée qui lui est propre. En tout cas, il s'agit là probablement du meilleur livre sur Vance grâce à un "décorticage" approfondi et pertinent de la structure même de ses fictions.
Note GHOR : 3 étoiles
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12/08/2014
_Canary Fever_
Canary Fever : John Clute : 2009 : Beccon Publications : ISBN-13 978-1-870824-56-9 : xii+415 pages (y compris index) : coûtait 35 GBP pour un hc non illustré en tirage limité à 40 exemplaires signés qui existe aussi en tp (-57-6, 16 GBP).
Quatrième tome (et plus récent) consacré aux critiques de Clute, ce volume se place chronologiquement (et par ordre de parution) après Strokes (Serconia Press, 1988), Look at the Evidence (Liverpool University Press 1995) et Scores (Beccon, 2003). Continuant à avancer dans le temps, il est (principalement) consacré aux textes de la période 2003-2008. Sans doute le plus influent (et redoutés) des critiques de SF, John Clute a été honoré cette année en étant l'un des Guest of Honour (GoH) de la 72ème convention mondiale de SF (Loncon 3), c'est dire sa place incontournable dans la réflexion sur la SF (il est un des acteurs de la SFE3) et les genres de l'imaginaire en général (pour lesquels il essaie de populariser le terme de "fantastika", voir page xi de cet ouvrage).
Ce recueil est divisé en cinq parties de tailles très inégales. Après une courte introduction de l'auteur, le livre commence par une section consacrée à John Crowley qui rassemble 6 essais consacrés à autant d'oeuvres sur une vingtaine de pages; suit une deuxième partie basée sur les mêmes principes mais dévolue à Michael Moorcock (3 textes, une dizaine de pages). On rencontre ensuite une partie qui rassemble quelques critiques antérieures (1988-1999) qui, pour diverses raisons, n'avaient pas été intégrées dans les recueils précédents. Elle est suivie par le gros du recueil (plus de 300 pages) qui présente les critiques écrites entre 2003 et 2008, par ordre chronologique de parution. Ces critiques sont parues dans un certain nombre de magazines, principalement Interzone, SFW & NYRSF, et traitent (généralement) d'une seule oeuvre sur quelques pages. Une dernière partie à l'image des deux premières, en hommage à Thomas M. Disch, clôture l'ensemble qui offre en sus un index.
Il est difficile de critiquer un critique aussi brillant que Clute, je me bornerai donc à rappeler que, à mon sens, il vaut mieux éviter de lire l'ouvrage d'une seule traite. Tout d'abord la prose de l'auteur est en effet plutôt complexe et use d'un vocabulaire recherché (qui, on s'en doutera, contient nombre de mots venant du français). Comme de plus Clute aime bien trouver des angles d'approche originaux (et parfois alambiqués) la lecture de chacune de ses critiques nécessite une certaine attention sous peine d'en perdre le fil et de devoir recommencer au début.
On sera récompensé de son attention par des avis solidement étayés (grâce à l'immense culture es-Sf de l'auteur) et par la perception en arrière-plan du déroulement de la conception d'une théorie globale de la fantastika. Ceci peut expliquer la présence non négligeable de critiques d'ouvrages situés plus ou moins hors du champ de la SF "classique". On pourra aussi applaudir à la démolition des incursions de Margaret Atwood dans notre caniveau ou acquiescer aux lauriers tressés à l'excellente biographie de Alice Sheldon par de Julie Phillips (évoquée plus platement ici). Seul bémol, on pourra avoir déjà lu et se souvenir d'une partie de ces textes, en particulier ceux parus dans Interzone.
Note GHOR : 2 étoiles
14:43 | 14:43 | Recueils de critiques | Recueils de critiques | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : anglais, 2 étoiles | Tags : anglais, 2 étoiles