12/08/2022
_The Reading Protocols of Science Fiction_
The Reading Protocols of Science Fiction : Discourses on Reading SF : James GUNN & Michael R. PAGE (editor) : 2021 : Advent (ReAnimus Press) : ISBN-13 9794867207919 (inconnu de l'ISFDB) : 235 pages (pas d'index ni de bibliographie globale) : coûte 29.99 USD pour un hc non illustré sans jaquette, disponible chez l'éditeur (en fait via Amazon pour les versions papier), existe aussi en tp et en ebook.
Une des questions que revient le plus fréquemment à propos du genre est de comprendre pourquoi certains lecteurs (pourtant chevronnés) se trouvent être dans l'incapacité d'accrocher ou de simplement lire un texte de science fiction. C'est une expérience que nous avons tous faite, cette réaction du type "je n'y comprends rien" ou "c'est vraiment pas pour moi" quand leur proposez un de vous ouvrages favoris. À cette interrogation, il existe habituellement deux réponses théoriques qui sont finalement assez proches. La première (St Gelais, Broderick, Bréan) est liée à intertextualité forte du genre et suppose que la difficulté de passer d'une "encyclopédie" (un système de référence décrivant l'univers du texte) mundane (des téléphones portables, une gravitéà 1g) à une "xénoencyclopédie" propre au genre (des implants cérébraux, la planète Mesklin) est un saut trop important pour certains lecteurs. La seconde (Delany, Gunn) part du principe que la lecture même d'un texte de SF met en jeu une façon de lire différente en s'appuyant sur des protocoles de lecture spécifiques qui permettent de décrypter/mettre en perspective/extrapoler des informations de simples bouts de phrases comme "son monde explosa", "la porte se dilata" ou (l’exemple utilisé dans le livre par Delany) "monopole magnet mining operations in the outer asteroid belt of Delta Cygni".
Du coup, Damon Kinight, jouant l'avocat du diable, affirma lors d'un thread sur le forum sff.net en 1996 que de tels protocoles de lecture propres au genre n'existaient tout simplement pas. Suite à la mort de Gunn (en 2020), son héritier spirituel, Michael R. Page eut l'idée de publier la transcription de ces échanges ainsi que pas mal d'autre matériel autour de ce concept. Utilisant sa propre maison d'édition ReAnimus Press (qui a d'ailleurs racheté le catalogue d'Advent), il produisit en 2021 cet ouvrage qui peut-être considéré comme une œuvre posthume de Gunn. On trouve au sommaire une dizaine de textes de longueurs très différentes : une préface, une longue introduction, la transcription du thread de sff.net, un essai de Delany sur les protocoles de lecteurs ainsi que plusieurs essais de Gunn autour du sujet (il y a même une nécrologie de Knight parue dans Nebula Awards Showcase 2004). On notera l'absence d'index et de bibliographie (sauf pour l'introduction).
Une fois passé le côté particulièrement brouillon de l'ensemble et digéré le fait qu'une partie n'est pas inédite, cet ouvrage n'est pas sans présenter un certain intérêt, surtout par les discussions qu'il peut faire naître sur l'existence ou non de ces fameux protocoles de lecteurs spécifiques au genre. Toutefois avec une partie principale, la transcription du thread qui, comme c'est prévisible de par le déroulement même de ce type d'échange en ligne (cf. celui sur la métaphysique en VF), est largement la moins intéressante. Desservi par un manque de structuration, cet ouvrage, non indexé, est difficilement exploitable, il est donc à ranger au rayon des bonnes idées gâchées par une exécution perfectible. En fait, le sujet mériterait plutôt un ouvrage qui ne soit pas un simple hommage à Gunn, mais une vraie réflexion de fond qui s'appuierait sur le matériau rassemblé. Dommage.
Note GHOR : 1 étoile (2 si vous êtes fana de Gunn)
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09/08/2022
_The Science Fiction Mythmakers_
The Science Fiction Mythmakers : Religion, Science and Philosophy in Wells, Clarke, Dick and Herbert : Jennifer SIMKINS : 2016 : McFarland (série "Critical explorations in Science Fiction and Fantasy" #54) : ISBN-13 978-0-4766-6809-3 (la fiche ISFDB du titre) : 190 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 29.95 USD pour un TP non illustré disponible chez l'éditeur (là), semble aussi exister en ebook (-2725-0).
Paru dans la principale collection d'ouvrages de référence de McFarland (on notera que certains titres pourtant relatifs au genre n'en font pas partie), cet ouvrage est dû à une enseignante d'anglais australienne. Il s'agit de son unique texte connu et je pense qu'il est constitué du contenu de sa thèse faite sous la direction de Van Ikin (qui lui est connu des habitués de ce blog). Sans être particulièrement original, l'axe d'approche de Simkins est de montrer que la SF (la Fantasy est hors de son champ d'étude) est une sorte de machine à générer des mythes adaptés à notre époque technologique.
Le livre est donc organisé, outre une longue introduction, une courte conclusion, en quatre gros "blocs" d'une quarantaine de pages. Comme indiqué dans le sous-titre de l'ouvrage, Simkins évoque successivement les aspects potentiels de "création de mythes" des auteurs suivants : Wells (notamment A Modern Utopia), Clarke (2001 et ses suites ainsi que Childhood's End), Dick (Ubik et The Three Stigmata of Palmer Eldritch) et Herbert (Dune et ses suites ainsi que The Santaroga Barrier). Chaque auteur est donc essentiellement relié à ses œuvres majeures (le reste de leur production semble un peu méconnu de l'auteur) dans une lecture "croisée" avec les diverses théories philosophiques. Outre plusieurs pages de notes copieuses, l'ouvrage propose une bibliographie et un index.
Comme d'habitude avec les titres de cette collection, la première impression est que, finalement, il n'y a pas tant que cela à lire. Avec à peine 150 pages de texte (dont 120 consacrées au développement de la thèse principale), cela fait cher de la page (surtout qu'initialement ce volume coûtait 35.00 USD) pour un ouvrage physiquement sans grand charme. En ce qui concerne le travail de Simkins, on a plus l'impression de la juxtaposition de quatre gros articles sur des sujets spécifiques que d'une réflexion sur le genre dans sa globalité. Toutefois, dans les étroits créneaux choisis, la lecture de l'auteur est parfois originale et son argumentation bien menée, ce qui donne un ensemble sans grande structure globale mais qui ajoute sa réflexion à l'édifice.
En fait, la question que je me suis surtout posée n'a aucun rapport avec le sujet du livre, mais concerne la façon dont l'éditeur sélectionne ses textes. Autant les premiers titres de la collection avaient une certaine tenue et étaient écrits par des "pointures" (Westfahl, Slusser, Mendlesohn...) autant les derniers parus donnent l'impression de l'utilisation systématique de néophytes (sont-ils moins chers ?) ou d'une spécialisation à outrance dans un marché de niche (cf. le #50 : Star Wars in the Public Square: The Clone Wars as Political Dialogue dont le titre fait vraiment envie). Une autre remarque amusante est le fait que l'on constate très vite que Simkins, en tant qu'Australienne, est exclusivement imprégnée d'une culture critique du genre d'origine britannique. Cela se voit tout de suite dans l'usage des sources de référence (Aldiss, Wingrove, la SFE...) et dans certaines positions sur l'histoire de la SF. Sans doute que le même ouvrage, écrit par une Américaine aurait-il une bibliographie secondaire et des références très différentes.
Note GHOR : 2 étoiles
10:14 | 10:14 | Ouvrages thématiques | Ouvrages thématiques | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : anglais, 2 étoiles | Tags : anglais, 2 étoiles
13/07/2022
_Minding the Future_
Minding the Future : Artificial Intelligence, Philosophical Visions and Science Fiction : Barry DAINTON & Will SLOCOMBE & Attila TANYI (editors) : 2021 : Springer (série "Science and Fiction") : ISBN-13 978-3-030-64268-6 (inconnu de l'ISFDB) : x+181 pages (y compris appendices, bibliographie et index) : coûte une bonne trentaine d'Euros pour un tp non-illustré, disponible chez l'éditeur, existe aussi en ebook (-64269-3).
Ce titre est l'un des derniers sortis dans la collection "Science and Fiction", qui, outre des ouvrages de référence parfois évoqués ici, comporte aussi bizarrement de purs titres de fiction (souvent écrits par d’illustres inconnus, des scientifiques pour la plupart). Ici, il s'agit d'un recueil d'essais de la plume de parfaits inconnus du moins dans le domaine des écrits sur le genre puisqu'il s'agit essentiellement de professeurs soit de philosophie soit d'informatique. Le thème unificateur de cet ensemble d'inédits est donc (en simplifiant) les diverses représentations de l'IA dans la SF écrite et visuelle (cinéma et séries TV) et la comparaison de ces images avec la réalité "technique" du domaine.
Ce recueil comporte donc une introduction, dix essais d'une vingtaine de pages chacun (certains sont significativement plus longs), l'habituelle short-story (ici par un des editors, qui aurait, comme d'habitude dans cette série, pu éviter de nous infliger son texte), un glossaire, une chronologie des avancées dans le domaine de l'IA, la bio des auteurs (c'est important ça, la bio des auteurs, certains -les trois editors- ont même droit à leur photographie), une micro bibliographie et un index. Les sujets abordés vont de questions de portée générale (les IA et l'amour, la Singularité) à des études resserrées sur des sujets et/ou des œuvres précis (les "governor modules" dans la série AssaSynth de Martha Wells, la série Ancillary de Ann Leckie le film Ava, les IA chez Stanislas Lem).
Comme souvent avec ce type d'ouvrage, le résultat est très hétérogène pour le lecteur que je suis, en fonction de mon intérêt pour le sujet et de la qualité perçue des textes. Globalement, c'est un ensemble de bonne facture qui, même s'il n'évite pas toujours des redites (la victoire du programme AlphaGo) et qu'il contient des essais dont le propos véritable est plutôt nébuleux ou trop général, offre matière à réflexion en conjonction avec le genre. En gros, plus les essais sont concentrés sur des œuvres du genre, plus je les ai appréciés. Mentions spéciales donc aux deux longs textes sur Martha Wells (Slocombe & Dennis) et Ann Leckie (Roy-Faderman, à celui sur Ava (Bohm). Le reste de l'ouvrage étant, à mon sens, moins intéressant.
Note GHOR : 2 étoiles
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12/07/2022
_The Thing's Incredible!_
The Thing's Incredible! : The Secret Origins of Weird Tales : John LOCKE : 2018 : Off-Trail Publications : ISBN-13 978-1-935031-24-6 (la fiche ISFDB du titre) : 299 pages (y compris appendices, bibliographie et index) : coûte 35.00 USD pour un tp (POD) non illustré, disponible chez l'éditeur (mais via Amazon).
Weird Tales est sans doute le plus célèbre des des magazines associés au genre. Un peu comme le postérieur (et parfois proche) Unknown, de part son positionnement au marges, ses auteurs emblématiques (HPL, CA Smith et tant d'autres...), une certaine permanence (avec des éclipses toutefois) et ses lecteurs fanatiques (bien que parfois peu nombreux), il s'est constituée une légende autour de ce titre qui est de plus l'un des plus anciens du domaine (son premier numéro est sorti en mars 1923). Malgré cela, il restait un certain nombre de zones d'ombre autour de la genèse exacte du magazine et sur les deux premières années (1923-1924) assez chaotiques de son existence qui ont vu, outre plusieurs modifications fondamentales de maquette et d'orientation, un changement d'éditeur et de rédacteur en chef.
C'est donc à un travail de détective qué s'est livré John Locke (un spécialiste américain de l'histoire des pulps) pour nous raconter par le menu ces deux premières années d'existence du magazine. Employant une narration chronologique et s'appuyant sur un grand nombre de sources (même si les principaux protagonistes ont eu tendance à rester muets pour des raisons que l'on supposera), c'est une véritable travail de fourmi qui a été accompli par l'auteur (les trente pages de notes en témoignent). On croise aussi au cours de la narration un certain nombre de figures connues, soit issues du genre comme Clark Ashton Smith, HP Lovecraft, Arthur J. Burks ou Otis Adlebert Kline, soit extérieures comme Houdini (le magicien) qui sont finement étudiées. En bonus, on trouvera outre un index et une (petite) bibliographie, plusieurs appendices utiles.
Je dois avouer que je ne pensais pas qu'il était possible de tirer 250 pages de récit de la naissance d'un magazine (même aussi célèbre que Weird Tales), et bien je me trompais. Le livre de Locke est très intéressant à lire (comme un roman ^_^) et la qualité de ses recherches force le respect. Même s'il est conduit à faire pas mal de suppositions, cette plongée dans le monde des pulps et dans les débuts du genre se révèle passionnante. Certes, le sujet est plutôt étroit et parlera surtout à une frange du lectorat, mais l'enquête de Locke mérite que l'on s'y intéresse. A lire pour se plonger 100 ans en arrière, au commencement.
Note GHOR : 2 étoiles (au moins)
15:49 | 15:49 | Ouvrages thématiques | Ouvrages thématiques | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : anglais, 2 étoiles | Tags : anglais, 2 étoiles
11/06/2022
_The Fortean Influence on Science Fiction_
The Fortean Influence on Science Fiction : Charles Fort and the Evolution of the Genre : Tanner F. BOYLE : 2021 : McFarland (série "Critical explorations in Science Fiction and Fantasy" #73) : ISBN-13 978-0-4766-7740-8 (la fiche ISFDB du titre): viii+180 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 45.00 USD pour un TP non illustré disponible chez l'éditeur (là), existe aussi en ebook (978-1-4766-4190-4).
Charles Fort (1874-1932) était un grand collectionneur d'évènements inexpliqués de tous types (apparitions dans le ciel avant la vague des soucoupes volantes, pluies d'objets, disparitions, cryptozoologie...) qui, après la parution de ses principaux ouvrages dans les années 30 (y compris en sérial dans Astounding), a bénéficié d'un ensemble de fidèles dévoués à ses idées et a exercé un influence durable bien que marginale dans le paysage culturel (surtout US). Un des domaines où ses idées ont bien pris racine est évidemment, de par une grande proximité intellectuelle, la SF. Tout le monde connaît l'influence de Fort sur le Sinister Barrier de Russell (c'est d'ailleurs la couverture du serial dans Unknown qui ressert pour cet ouvrage) mais l'ambition de Boyle (qui est présenté juste comme un écrivain américain) dans ce livre est de montrer que cette influence est bien plus grande que ne le présente l'histoire canonique du genre.
Après une courte préface et un aussi court premier chapitre introductif, l'ouvrage peu être subdivisé en plusieurs parties distinctes : quelques pages sur la SF Fortéenne avant Fort; une définition de ce que Boyle appelle la "maybe-fiction" (en gros les textes qui sont entre la fiction et la non-fiction suivant les lecteurs, les récits d’abduction extraterrestres en étant l'exemple type) une catégorie très influencée par les écrits de Fort; les premiers auteurs de SF "Fortéens" (Lovecraft, Russell et d'une façon plus surprenante Herbert); Fort comme source d'inspiration dans les pulps SF (on va alors croiser Palmer & Shaver); quatre chapitres centrés sur des auteurs précis (dans l'ordre Clarke, Dick, Heinlein et Robert Anton Wilson); un bref panorama de Fort tel que lu par d'autres média et enfin une très courte conclusion. L'ensemble est complété par plusieurs pages de notes, une bibliographie et un index.
On notera tout d'abord que l'ouvrage n'est pas très épais avec à peine 150 pages de texte. Après, l’idée que Fort a eu une influence sur le genre paraît tellement évidente à première vue que l'on se demande ce que va pouvoir dire l'auteur de fondamentalement nouveau. Du coup, la première grosse partie (celle sur la maybe-fiction) donne l'impression d'une digression, certes intéressante, mais pas forcément en rapport avec le sujet annoncé du livre (en fait le concept aurait mérité d'être traité à part, tant la matière et l'approche de l'auteur sont riches). Quand on arrive enfin au cœur du sujet, on est déjà au premier tiers du livre. La suite propose un certain nombre d'hypothèses originales (le lien entre le ver des sables de Dune et le Mongolian Death Worm, une des créatures de la cryptozoologie ou une lecture Fortéenne de RAH) mais le discours de Boyle me semble manquer de profondeur.
En fait, je ne suis pas particulièrement convaincu par le travail de l'auteur que je trouve effectivement un peu léger sur la partie relative au genre (à la différence de celle sur sa maybe-fiction). À la fois dans son raisonnement qui se limite parfois simplement à des analogies formelles au niveau des thèmes (comme avec You're All Alone de Leiber)et dans ses recherches qui (dans mon ressenti) semblent se cantonner à des sources secondaires dont certaines (par exemple le Seekers of Tomorrow de Sam Moskowitz qui pourtant revient très -trop ?- souvent) sont sans doute à prendre avec du recul. Le tout donne une impression bizarre, un ensemble parfois intéressant mais qui d'autre part donne l'impression d'enfoncer des portes ouvertes en survolant la surface des choses. Du coup, à chacun de se faire son opinion et à trouver quelle partie lui convient le plus.
Note GHOR : 2 étoiles (pour l'enthousiasme de l'auteur)
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