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29/09/2009

_Demand the impossible : Science fiction and the utopian imagination_

Demand the impossible : Science fiction and the utopian imagination : Tom MOYLAN : 1986 : Methuen (série "University Paperbacks" #943 : ISBN-10 0-416-00022-3 : 242 pages (y compris bibliographie et index) : coûtait 8 GBP pour un petit TP aisément trouvable, existe aussi en HC (-00012-6).

Demand the impossible.jpg

Ce livre est l'oeuvre de Tom Moylan, un critique plutôt connoté comme marxiste et féministe dans le monde académique anglo-saxon (le premier qualificatif est parfois considéré comme un défaut, le second comme une qualité). Son propos est de nous confronter à ce qu'il appelle les "utopies critiques" par le biais de quatre romans appartenant à ce courant. Pour Moylan, ce genre d'utopie constitue en quelque sorte la troisième génération de textes. Après les premières utopies plutôt statiques et presque trop parfaites est venu le temps des dystopies, sorte d'inverses des précédentes. Finalement, dans les années 60 et dans le sillage des divers mouvements d'émancipation, arrivent ces utopies critiques qui sont certes en réaction vis à vis des excès de la société (libérale) mais proposent aussi un "mode d'emploi" pour réaliser la transition.

Triton (CL 1977).jpg

L'ouvrage se divise en deux parties principales. La première ("Theory") expose donc en une cinquantaine de pages cette évolution des écrits utopiques suivant la progression définie par l'auteur. La seconde ("Texts") se consacre, comme son nom l'indique, en une étude détaillée (plus de trente pages) de quatre romans représentatifs de ces utopies critiques : The female man (Russ), The dispossessed (Le Guin), Woman on the edge of time (Piercy) et Triton (Delany). Chacun des romans fait l'objet d'un chapitre qui le situe d'abord dans le contexte général du genre et dans la carrière de l'auteur, puis qui le dissèque méticuleusement avec l'appui de nombreux extraits. Une bibliographie (primaire et secondaire mélangés) et un index complètent l'ouvrage.

The new atlantis (Tor Double 13).jpg

Il n'y a pas grand chose à dire sur les démonstrations de Moylan qui bénéficient de la longueur suffisante pour se déployer, d'une lecture très fine et d'une contextualisation appréciable. On pourra parfois lui reprocher un certain dogmatisme lié à une idée parfois trop bien arrêtée de ce que devrait être une utopie pour ses semblables. On notera aussi certains passages (surtout dans la première partie) parfois un peu pesants. L'ensemble est toutefois abordable et parvient à rendre intéressant un sujet assez austère.

Rocannon's world (Ace Double G-574).jpg

En fait, ce qui est un peu dommage est que, une fois de plus, ce livre fait la démonstration de l'étroitesse du canon acceptable pour les études sur le genre dès lors qu'elles sont issues du système universitaire. Les processus de formation du canon sont certes assez connus (voir Westfahl & Slusser), mais j'avoue que je suis victime d'une overdose massive de LeGuin/Delany/Russ (avec un zeste de Piercy ou Lem), des auteurs importants par la qualité de leur production mais dont l'influence sur la SF "réelle", celle qui est écrite, vendue, lue et par opposition au tout petit monde des "SF Studies" ne semble pas être proportionnelle à leur présence dans les ouvrages académiques.

 

Note GHOR : 2 étoiles

28/09/2009

_Critical encounters : Writers and themes in science fiction_

Critical encounters : Writers and themes in science fiction : Dick RILEY (éditeur) : Ungar (série "Recognitions") : 1978 : ISBN-10 0-8044-2713-5 : 183 pages (pas d'index) : un HC avec jaquette qui se trouve d'occasion pour presque rien, existe aussi en TP (-6732-3).

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Cet ouvrage, que je n'ai acquis que récemment, est (logiquement) le prédecesseur de Critical encounters II (voir http://ghor.hautetfort.com/archive/2009/09/03/fa4b17a1476...). Il s'agit donc d'un recueil d'essais dus à diverses plumes dont la plupart sont assez obscures et assez éloignées du genre si l'on excepte O'Reilly (auteur d'un livre sur Herbert chez le même éditeur et dans la même collection) et des gens comme Fiedler ou Samuelson.

Frank Herbert (Ungar).jpg

Dans la pratique, ce livre rassemble neuf textes d'une taille assez homogène (une petite vingtaine de pages) qui se consacrent soit à un auteur, un cycle ou un ouvrage en particulier. On trouve donc, dans l'ordre : Fiedler & Mele sur la série "Robots" d'Asimov, Johnson sur les nouvelles d'invasion (de la Terre ou par les Terriens) de Bradbury, O'Reilly sur Dune, Bucknall sur l'androgynie dans The left hand of darkness, Podojil sur Daughters of Earth de Merril, Menger sur les attraits de Childhood's end, Von Glahn sur The Einstein intersection de Delany, Sackmary sur divers textes de Sturgeon et Samuelson pour une analyse de Stranger in a strange land (Heinlein). Plusieurs pages de notes sont rassemblées à la fin mais l'ouvrage ne comporte pas d'index (une habitude dans cette série).

Homecalling (NESFA 2005).jpg

Pour ce premier volume, il est clair que le choix des sujets traités a été fait pour attirer un maximum de clients potentiels. Les novices es-SF avec des auteurs ou des oeuvres connus (Asimov, Bradubury, Dune), les étudiants ou le secteur littéraire avec des textes qui figurent dans les cursus universitaires ou qui ont une réputation de sérieux (The left hand of darkness, The Einstein intersection) et même les connaisseurs du genre avec des auteurs appréciés en interne (Sturgeon) ou des textes moins connus (Merril).

L'intersection Einstein (OPTA 1977).jpg

En matière de qualité des articles, il y a tout de même quelques scories comme le premier essai (sur Asimov) qui "rame" un peu et ne semble pas très documenté (aucune mention de l'influence de Campbell sur les trois lois de la robotique) ou celui sur Sturgeon dont on ne voit pas trop où l'auteur veut arriver malgré un thème (les trios) séduisant. En positif on notera (parmi d'autres) l'essai sur Heinlein qui place le roman dans le contexte des années 60 et celui sur Merril, une grande dame de la SF mais qui n'est que rarement considérée sous l'angle de l'écrivain.

En terre étrangère (ES 1974).jpg

Un bon petit ensemble, parfois inégal et pour lequel on pourra peut-être regretter un trop grand classicisme dans le choix des sujets traités.

 

Note GHOR : 2 étoiles

25/09/2009

_The jewel-hinged jaw : Notes on the language of science fiction_

The jewel-hinged jaw : Notes on the language of science fiction : Samuel R. DELANY : Wesleyan University Press : 2009 : ISBN-13 978-0-8195-6883-0 : 254 pages (y compris index) : plus d'une vingtaine d'Euros pour un TP, disponible chez l'éditeur (http://www.upne.com/0-8195-6883-X.html).

The jewel-hinged jaw.jpg

Samuel R. Delany est un de ces auteurs/critiques qui sont un peu une spécialité du genre (on pensera à Blish, Knight ou plus récemment à Broderick). Il est donc aussi connu pour ses écrits de fiction (Nova, Babel 17) que pour ses positions théoriques sur le genre, parfois féroces mais empreintes d'une passion pour celui-ci sans être jamais complaisantes. Cet ouvrage est globalement la reprise d'un recueil d'essais de l'auteur initialement paru en 1978. Pour cette parution et par rapport à l'édition originale, on notera que le contenu de l'ouvrage n'est pas le même, que certains textes ont été révisés et que l'ordre des essais a été modifié.

Babel 17 (Sphere 1969).jpg

Cette version contient donc une dizaine de textes de longueur très variable (de moins de dix à soixante pages) qui datent des années 65-75. Comme souvent chez Delany, les thématiques abordées sont multiples (le féminisme, la définition et la réception de la SF, les protocoles de lecture du genre) et les essais ont parfois tendance à partir dans de multiples directions, alimentés par de nombreuses expériences personnelles. Malgré tout, un certains nombres de textes se concentrent sur des oeuvres précises (la série Alyx de Russ ou une longue lecture de The dispossessed de Le Guin) ou certains auteurs particulièrement appréciés par Delany (Disch et Zelazny). En annexe on remarquera le seul texte récent (2003) qui est une sorte d'analyse de la société américaine des années 50 sous l'angle des discriminations (raciales ou sexuelles). Un index thématique complète cet ouvrage.

The genocides (Panther 1968).jpg

A la lecture de ces textes qui ont plus de trente ans, on est frappé de la qualité de l'analyse de Delany et surtout de son actualité. A l'époque il explorait déjà la problématique des protocoles de lecture propres au genre (dans le très connu essai About 5,750 words) et s'interrogeait déjà sur la signification de la propension de la SF à générer des cycles. Même s'il est clairement ancré dans un paysage SF de son époque, les réflexions de l'auteur sont toujours pertinentes de nos jours. Ses analyses de textes précis sont assez pénétrantes malgré un choix d'oeuvres plutôt convenues (Le Guin, Russ, Disch) et font regretter qu'il ne se soit pas plus souvent livré à cet exercice.

Nova (LDP 1988).jpg

On regrettera que le très intelligent Delany ait les défauts de ses qualités, à savoir un discours parfois complexe et qui peine à se maintenir sur une seule ligne directrice avec des changements assez abrupts au sein d'un même essai. Un défaut récurrent, y compris dans le seul texte récent (celui sur les années 50) dont l'inclusion, malgré son intérêt général, dans l'ouvrage n'obéit à aucune logique évidente. La lecture de l'ensemble n'est d'ailleurs guère facilitée par une présentation peu aérée qui oblige à une lecture appliquée. Ce recueil ressemble des pièces indispensables pour qui veut connaître l'histoire de la réflexion sur le genre même si le contexte éditorial (tel que décrit dans Letter to a critic) a nettement changé.

 

Note GHOR : 2 étoiles

24/09/2009

_Deconstructing the starships : Science, fiction and reality_

Deconstructing the starships : Science, fiction and reality : Gwyneth JONES : 1999 : Liverpool University Press (série "Science fiction texts and studies" #16) : ISBN-10 0-85323-793-X : viii + 221 pages (y compris bibliographie et index) : coûtait 12 GBP pour un TP, existe en HC.

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Ce livre est un recueil d'écrits de Gwyneth Jones, auteur britannique et membre important de la communauté académique gravitant autour de la SF.  Ecrivant souvent dans une perspective féministe, Jones est surtout connue pour ses deux séries "Aleutian" et "Bold as love". C'est aussi, sous le pseudonyme de Ann Halam une auteur de juvenile réputée outre-manche avec une vingtaine de romans à son actif.

Midnight lamp.jpg

Cet ouvrage, paru dans l'importante série de livres sur la SF publié par l'université de Liverpool, rassemble des textes parus entre 1986 et 1997. Il s'agit soit d'articles, soit des transcriptions de discours, soit de longues critiques. Ce recueil est divisé en trois parties principales : 1) "All science is description" (4 textes) qui contient des textes de portée assez générale (SF et féminisme, les loisirs du futur dans le genre, Lewis & Tolkien...); 2) "Science, fiction and reality" (4 textes) commence par évoquer le Cyberpunk puis nous livre un éclairage sur le processus qui l'a conduit à concevoir sa série "Aleutian" qui met en scène des extra-terrestres à la biologie différente de la notre; 3) "The reviews", la partie la plus longue (la moitié du livre) qui propose 12 critiques de textes (de Brin à Stephenson) ou d'oeuvres complètes (de Cherryh à Le Guin) détaillées parues dans Foundation. Une courte bibliographie (2 pages) et un index clôturent l'ouvrage.

Glory season (Bantam 1994).jpg

Le problème avec les ouvrages de ce type est qu'ils manquent généralement d'unité. C'est assez logique vu qu'il s'agit d'une compilation de textes produits pour des occasions différentes et vers des publics eux aussi différents. Le seul lien que l'ont peut trouver à cet ensemble assez disparate est la posture féministe qui baigne l'ensemble avec des dénonciations parfois féroces de certains travers machistes qui perdurent dans la SF (comme dans Snow crash). Il est dommage que cette grille d'analyse nous inflige une nième discussion des habituels textes de Lefanu, Tepper, Charnas ou Le Guin, un domaine où il est hélas difficile d'innover.

Snow crash (Bantam 1993).jpg

Plus intéressants, peut-être parce que plus personnels ou moins prévisibles, sont les articles où Jones nous parle de son métier et des origines de certaines de ses fictions. Ils nous permettent de voir le processus créatif à l'oeuvre et témoignent de la quantité de travail que nécessite un texte de SF un tant soit peu solide. Au final, un recueil d'essais d'une actrice active dans la réflexion sur le genre mais qui souffre de n'être qu'un assemblage de circonstance.

 

Note GHOR : 1 étoile

23/09/2009

_Decoding gender in science fiction_

Decoding gender in science fiction : Brian ATTEBERY : Routledge : 2002 : ISBN-10 0-415-93950-X : 210 pages (y compris index et bibliographie des oeuvres citées) : coûtait 23 USD pour un TP avec quelques illustrations N&B, existe aussi en HC (85 USD).

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Cet ouvrage fait partie de la longue liste de titres qui se penchent sur la question du traitement des problématiques du genre (masculin/féminin) dans la SF. A la différence de la plupart des ouvrages qui abordent ce sujet, celui-ci est écrit par un homme, Brian Attebery. Celui-ci est un professeur d'anglais, un anthologiste et un familier de la mouvance des "gender studies". Sa thèse est que le genre est plus qu'un simple thème en SF mais qu'il est un des éléments structurants. La SF est vue comme un code (d'où le titre de l'ouvrage qui fait allusion aux anneaux de décodage), qui considère le genre comme un objet similaire, à savoir une création complètement artificielle. 

Etoile double 12 (Denoel 1984).jpg

Pour appuyer son idée, Attebery nous livre en neuf chapitres une sorte d'histoire de la SF revisitée qui commence au Gothique, se poursuit dans les Pulps, passe les années 40-50 avec l'image du superman (Slan) et de la wonderwoman (Jirel), bascule dans les années 60-70 sur l'androgynie (The left hand of darkness, Venus plus X) ou les "single-sex utopias" (où l'une est souvent le cauchemar de l'autre), explore les années 80 en se penchant sur Gwyneth Jones (tiens donc !) et James Morrow et se termine par une réflexion sur les rapports de force tels qu'ils se sont cristallisés lors de la parution de l'anthologie (dont il est un des responsables) The Norton book of SF qui a provoqué une controverse importante à cause de son biais féministe plutôt prononcé (en tout cas statistiquement parlant). L'ouvrage est agrémenté de quelques illustrations en N&B et comporte une bibliographie complète mais qui se limite aux ouvrages mentionnés ainsi qu'un index. 

Jirel de Joiry (JL 1974).jpg

Alors que l'usage veut que les livres abordant cet épineux problème soient plutôt des ouvrages militants qui se positionnent en réaction à une oppression, l'essai d'Atterbery emprunte une voie assez médiane et reste assez mesuré. Sans nier les tonnes de clichés sexistes de la SF (la demoiselle en détresse menacée par un ET, l'idiote à qui l'on doit expliquer les merveilles de l'hyperespace ou la veuve noire prédatrice sexuelle), son choix d'une histoire de la SF permet à l'auteur de montrer aussi l'espace d'expression et d'expérimentation qu'elle représentait pour des auteurs voulant questionner les rôles traditionnellement attribués à chacun des sexes.

Vénus plus X (Lattès 1980).jpg

Même si certaines parties et les couplets sur certains auteurs (on pensera à Le Guin ou à l'inévitable Jones) sont prévisibles, on louera Attebery d'avoir utilisé sa grande connaissance du genre pour sortir de temps en temps de la sainte trinité Russ-Charnas-Piercy en nous parlant de Arnason, Bradley ou Vinge. Il est juste dommage que l'auteur utilise une partie de son dernier chapitre pour défendre sa propre anthologie, une discussion qui aurait plus sa place dans un forum ou une revue critique.

Ring of swords (Tor 1993).jpg

En tout cas, un des meilleurs ouvrages sur ce sujet, une réflexion et une présentation originale qui sort du traitement habituel de ce sujet, à savoir le discours formaté qui est caricaturé par McKnight dans un numéro de la revue de la SFRA : "men bad, women good; science fiction by bad men sexist, science fiction by good women not sexist".

 

Note GHOR : 3 étoiles